Jeanne Hébuterne vole ses pinceaux à Modigliani

Parmi toutes les œuvres présentées à la nouvelle édition d’Art Paris, il en est une exceptionnelle : un autoportrait de Jeanne Hébuterne, la célèbre muse de Modigliani. Dissimulée comme une précieuse relique, cette toile se trouve sur le stand de la Richard Taittinger Gallery entre une délicate maternité de Fujita et un nu à la mine de plomb d’Amedeo. Surtout ne ratez pas ce beau portrait car il est très rare de voir exposée une huile peinte par la main de Jeanne.

modigliani-hebuterne-art paris-syma-gopikian-yeremian
L’autoportrait de Jeanne Hébuterne interpelle tous les visiteurs du Salon Art Paris. Il est présenté entre un nu de Modigliani et une maternité de Fujita.

Lorsque l’on se retrouve face à cette toile, on pense instinctivement que c’est une œuvre de Modigliani. Il faut dire que l’artiste n’a cessé de peintre sa compagne, Jeanne, et qu’il nous a laissé des dizaines de tableaux à son effigie.
Pourtant, ne vous en déplaise, c’est la muse cette fois qui tient la palette ! La belle demoiselle s’est croquée elle-même à l’aube de ses vingt ans, certainement au sein de l’atelier qu’elle partageait avec son amant.

modigliani-hebuterne-art paris-syma-gopikian-yeremian
Jeanne Hébuterne – Autoportrait – 1917 – Huile sur toile

En regardant son visage en mandorle, ses yeux sans pupilles et son cou qui s’étire comme la Madone de Parmigianino, on pense immédiatement à la maniera de Modigliani : le style est le même, autant que la gamme chromatique ou la touche qui fouille de façon intrinsèque les arcanes de Jeanne. A l’exemple des œuvres qui la représentent habituellement, elle a su capter elle aussi sa propre fragilité silencieuse, son regard trouble et sa délicatesse.

modigliani-hebuterne-art paris-syma-gopikian-yeremian
La ravissante Jeanne a séduit tous les peintres de Montparnasse

Peu de personnes savent que la jeune femme ne se contentait pas de poser pour les peintres de Montparnasse. Elle jouait du pinceau de son côté et était même élève à l’Académie Colarossi, communément appelée La Grande Chaumière. C’est d’ailleurs au sein de ce lieu mythique que Jeanne a rencontré Amedeo Modigliani et que leur histoire d’amour si tragique a commencé.

Si l’on en croit les dires, près d’une centaine d’œuvres attribuées à Jeanne Hébuterne ont traversé le siècle. Parmi elles se trouvent des esquisses, beaucoup de dessins, des carnets, ainsi que quelques huiles dont neuf ont été découvertes en 2002, dans l’atelier parisien de son frère André Hébuterne, qui était lui-même peintre paysagiste.

La toile exposée sur le stand de la Galerie Richard Taittinger est donc un exemple très rare allouée à la main de Jeanne. Réalisée vers 1917, cette huile provient précisément de la collection privée de son frère André et elle a été achetée 190000€ en juillet 2020 par un collectionneur suisse (Vente à Drouot de la maison Million & Associés). L’œuvre a été montrée par la suite au Musée Pouchkine de Moscou lors de l’exposition Les Muses de Montparnasse (de juillet à octobre 2021) et elle est aujourd’hui proposée au Salon Art Paris à 290000€.

modigliani-hebuterne-art paris-syma-gopikian-yeremian
La galerie Richard Taittinger propose également à la vente un nu à la mine de plomb de Modigliani.

En mettant en avant cette artiste quasiment inconnue, la Richard Taittinger Gallery permet de lever le voile que jetait sur elle la figure majestueuse mais si imposante d’Amedeo Modigliani.
A l’exemple de Camille Claudel face à Rodin, Jeanne Hébuterne fait partie de ces femmes qui durent se construire à l’ombre de leurs amants. De toute évidence, sa beauté et sa personnalité ont inspiré Modigliani mais cette jeune modèle n’a-t-elle pas eu un rôle plus important que celui de muse ?

Lorsque l’on s’attarde sur son autoportrait, on finit par se demander si Jeanne n’a pas également influencé Amadeo dans sa façon de peindre. Leur amour était si fusionnel, qu’avant de les mener ensemble dans la tombe, il a pu engendrer un travail osmotique…

 

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

.

Art Paris
Richard Taittinger Gallery – Stand C3

Du 4 au 7 avril 2024

Grand Palais Éphémère
Champ-de-Mars

 

Nos articles sur les précédentes éditions d’ART PARIS :

Art Paris 2017

Art Paris 2018

Art Paris 2019

Art Paris 2020

Art Paris 2021

Art Paris 2022 Premier Regard

Art Paris 2022 Second Regard

 

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.