Pour sa 16e édition, le Mobile Film Festival a choisi de braquer ses projecteurs sur les femmes à travers le monde. Le thème : Women’s empowerment, soit l’émancipation de la femme. La règle : un téléphone, une minute, un film. Depuis le début du concours, des centaines de réalisatrices et réalisateurs ont pris le sujet à bras le corps et concocté des films à la fois engagés, drôles, poignants, forts et choquants. Au fil des semaines, soixante créations sur 1 130 ont été retenues et font maintenant partie de la sélection officielle du festival. Nous vous invitons à les regarder afin de voter et soutenir vos réalisateurs favoris pour leur permettre de décrocher le Prix du public. Chaque film est unique. Chaque film est émouvant et a largement sa place dans cette compétition. C’est donc avec une grande difficulté que l’équipe de SYMA News vous propose les dix films qui nous ont le plus marqués.
L’identité et la liberté
C’era una notte
Ce film italien crée un parallélisme entre l’histoire du petit chaperon rouge et celle de toutes les femmes qui craignent de sortir seule à la nuit tombée. Esthétique et audacieux ! Réalisé par Elettra Pierantoni
LA VIE EN ROSE
Film français. Un groupe de femmes déblatèrent sur les interdictions faites à leur sexe en préparant un gâteau. Drôle et corrosif ! Réalisé par Anaïs Kugel
Recordatorio para las niñas del futuro
Un film équatorien tourné en stop motion. Avec son esthétique bien marquée, il délivre un message fort aux futures générations de femmes. Optimiste et didactique.
Réalisé par Samantha Proaño & Estefanía Proaño
What do you see?
Un film nigérian qui met en avant l’héroïsme des mères au sein d’une société misogyne. Révérencieux et porteur d’espoir. Réalisé par Edebisi Peters
Les violences faites aux femmes
Woman. No less human
Un film nigérian, qui parvient en une minute à parler d’excision via le témoignage d’une jeune femme mutilée contre son gré. Aussi brut que douloureux.
Réalisé par Chioma Mathias
The Bride
Un film nigérian qui suit une adolescente de 14 ans le jour de son mariage arrangé. Une dénonciation nécessaire qui va bien au-delà du simple constat. Réalisé par Forinclay Ejeh
L’égalité
From Maria,
Portrait photo de quatre générations de femmes portugaises qui ont lutté, luttent et lutteront pour leurs droits. Simple et émouvant. Réalisé par Ana Moreira
Chou Fleur
Ce film français d’animation invente une joute symbolique entre une fillette et un petit garçon. Adorable et audacieux.
Réalisé par Suzy Nguyen et Simon Leclercq
Divar
Un film Iranien mettant en scène les inégalités homme/femme à travers deux groupes d’enfants jouant au volley au-dessus d’un mur. Dynamique et astucieux. Réalisé par Farideh Naderi
Le corps des femmes
Heroes Invisibles
Un film mexicain qui traite de l’interdiction d’avorter qui menace les femmes au Mexique. Choc et documenté. Réalisé par Camilla Tamara Demichelis
WE WILL BE IN TOUCH
Film Kenyan traitant de la difficulté pour les femmes enceintes à trouver du travail. Si réaliste ! Réalisé par Karanja Ng’endo & Riziki Ambrose
Nous ne saurons que trop vous conseiller de ne pas vous arrêter à notre sélection. Chaque film durant une minute, et tous étant d’une grande qualité, plongez-vous sans hésiter dans la playlist de la sélection officielle. Indignez-vous, ressentez les joies et la douleur de ces femmes, et participez avec elles à des lendemains meilleurs.
Après Les bêtes du sud sauvage, plébiscité par la critique et cité à l’Oscar en 2012, Benh Zeitlin nous invite au cœur d’une nouvelle aventure cinématographique. S’inspirant du mythe de Peter Pan, il nous transporte au Pays Imaginaire en choisissant le personnage de Wendy comme héroïne. A travers le regard de cette petite fille, le réalisateur américain porte une réflexion amère sur l’âge adulte et convie son public à ne jamais renoncer à ses rêves d’enfants.
Les paysages choisis par Benh Zeitlin pour ce nouveau “Pays Imaginaire” sont splendides
Un scénario qui balance entre innocence et lucidité
Wendy est un film étrange car son propos navigue entre l’insouciance enfantine et l’introspection d’un adulte vieillissant. Loin du conte de fée de J.M.Barrie, il propose une approche existentialiste du mythe de Peter Pan en nous interrogeant judicieusement sur les dégâts du temps qui passe.
Tout démarre en Louisiane au sein d’une maison bancale où une mère aimante tente de faire vivre ses trois enfants en tenant un café vétuste. Faces aux clients usés et en mal de vivre, Wendy et ses frères jumeaux refusent de croire qu’ils vont un jour ressembler à ces grandes personnes tristes et séniles. Un soir, attirés par un train mystérieux, ils décident de monter à bord et se retrouvent projetés sur une île merveilleuse où règne un petit garçon répondant au nom de Peter. Rêveur et espiègle, Peter est entouré de têtes folles et d’enfants farceurs qui semblent ne jamais devoir grandir. Un jour pourtant, au détour d’un sentier, Wendy se retrouve face à un étrange vieillard qui prend la fuite …
Les très jeunes protagonistes de Wendy apportent une énergie vivifiante à cette relecture du mythe de Peter Pan
Benh Zeitling, un Peter Pan né ?
Le réalisateur Benh Zeitlin
Le projet cinématographique de Benh Zeitlin est ambitieux mais assez risqué car il balaye sans ambages l’aspect bienveillant et féerique du Peter Pan originel. En effet, parallèlement à l’allégresse des enfants du Pays imaginaire de Barrie, Benh Zeitlin a choisi de nous montrer des vieillards décrépis et des âmes errantes enfermées dans leurs solitudes. Cette âpre réalité est difficile pour un jeune public car elle le confronte de façon brutale à un monde d’adultes qui ne devrait pas se résumer à cette image sombre et dévastée. De toute évidence, il y a une inquiétude latente chez Benh Zeitlin et un rejet de la vieillesse qui se projettent dans son nouveau film. Ce grand réalisateur doit certainement être un « Peter Pan né » qui tente à son tour de préserver son âme d’enfant face aux réalités de l’existence. A la fois idéaliste et révolté, son long-métrage peut se voir comme un éveilleur de conscience qui demande aux spectateurs de ne jamais renoncer à l’émerveillement de leur jeunesse.
Un casting enthousiaste et authentique
En contrepied de son approche excessivement souffreteuse de la vieillesse, ce film philosophique possède une très belle énergie grâce l’enthousiasme permanent de ses jeunes acteurs. Là aussi Benh Zeitlin a fait un pari risqué car il a misé sur des interprètes non professionnels qu’il a filmé en 16 mm afin de préserver au maximum l’authenticité de leur jeu.
La jeune Devin France, qui incarne l’héroïne du film, campe son personnage avec un naturel désarmant : agile et observatrice, elle confère beaucoup de charme et de maturité à la petite Wendy. De son côté, le malicieux Yashua Mack apporte à Peter Pan, un mélange de maladresse et de folie enfantine qui le rendent adorable.
Devin France apporte autant de charme que de maturité au personnage de la petite Wendy
Une aventure cinématographique
Tout le film a été tourné à l’épaule et à hauteur d’un regard d’enfant, ce qui nous maintient en permanence dans leur univers espiègle et ludique. Le « plateau de tournage » de Wendy nous fait d’ailleurs penser à un immense terrain de jeu car il nous plonge dans les mers des Antilles et parcourt à perdre haleine les splendides paysages de la Louisiane.
Grâce à la fantaisie des enfants, à la magie du monstre marin et à l’imagination de Benh Zeitlin, il émane de cette œuvre singulière une poésie mélancolique. Le film est trop long mais la soif d’ailleurs et de liberté de Wendy portée par la musique de Dan Romer font de cette œuvre une véritable aventure tant au niveau du tournage que du résultat final.
Florence Gopikian Yérémian
Wendy
Un film de Benh Zeitlin
Inspiré de Peter Pan de J.M.Barrie
Avec : Devin France, Yashua Mack, Gage Naquin, Gavin Naquin, Ahmad Cage, Krzysztof Meyn, Romyri Ross
USA
Le film de Melina León débute sur une note de joie : une danse traditionnelle où sont réunis Georgina, sa famille et les gens de leur petit village péruvien. Georgina est enceinte et malgré son immense pauvreté, elle attend cette naissance avec impatience. Un jour, alors qu’elle est en train de vendre des pommes de terre à la sauvette, elle entend parler d’une fondation médicale qui propose aux futures mères des accouchements sans frais au cœur de la capitale. Candide et enthousiaste, la jeune femme se rend à Lima et met au monde une petite fille.Tandis qu’elle se repose, la structure médicale se désintègre et son enfant disparaît. Désespérée, Georgina court au commissariat, tente de plaider sa cause auprès des tribunaux mais personne ne l’écoute. Le hasard lui fait alors croiser la route de Pedro, un jeune journaliste qui accepte de l’aider à chercher son bébé et se retrouve soudain embarqué au sein d’un terrible trafic d’enfants…
Face au désespor de Giorgina (Pamela Mendoza), le journaliste Pedro (Tommy Párraga) va tenter de retrouver l’enfant qui lui a été volé.
Melina Leon: une réalisatrice péruvienne aussi intrépide que talentueuse
Canción Sin Nombre est l’œuvre d’une femme réalisatrice, ce qui est extrêmement rare au Pérou. Melina León est donc doublement méritante car elle franchit un pas dans la sphère misogyne du cinéma péruvien tout en s’attaquant ouvertement aux dérives étatiques de son pays. Son film est en effet une dénonciation de la corruption péruvienne qui gangrène toutes les instances du pouvoir sur le dos d’un immonde trafic d’enfants.
Melina León est l’une des rares femmes réalisatrices du Pérou. Son approche cinématographique est aussi audacieuse que poétique.
La crise péruvienne : ségrégation sociale et disparités
A travers le personnage de Georgina (interprété avec une émotion incroyable par la comédienne Pamela Mendoza), Melina León pose d’abord un regard amer sur la crise que traverse le Pérou dans les années 80. Le pays est à la dérive, les petites gens n’ont presque plus rien à manger, le couvre-feu est instauré et l’élite en profite à cœur joie face à la candeur et l’analphabétisme de ses paysans quechuas.
Dans ce contexte d’injustice sociale, la figure de Georgina ramène au devant de la scène la position de la femme qui se retrouve non seulement réduite au simple rang de génitrice mais aussi privée de son enfant au profit d’organisations criminelles.
A travers la figure de Georgina, la réalisatrice porte un regard lucide sur les séquelles de la crise péruvienne et la position sensible des femmes quechuas
Une dénonciation à froid du trafic d’enfants
Le sujet de Canción Sin Nombre – celui des enfants volés – est très poignant mais Melina León a l’intelligence de ne s’enliser dans aucun pathétisme. Par-delà la douleur évidente de sa pauvre protagoniste, elle invite les spectateurs à une investigation journalistique qui efface rapidement les larmes et empêche le film de sombrer dans un drame sans fin.
Le constat est fait à froid : il n’y a pas de pleurs, pas de cris et aucune image choc. Lorsque l’enfant de Georgina est enlevé, une immense sensation de vide et de néant s’instaure au sein du récit mais cette douleur demeure mutique. Sans aucun mot, l’on perçoit alors insidieusement la violence psychique et dévastatrice d’un tel acte. On ressent aussi le sentiment d’injustice de cette jeune mère et de toutes les femmes de sa condition prises dans les griffes d’un système politique totalement perverti et bien trop puissant pour elles.
La comédienne Pamela Mendoza livre une interprétation magnifique de Georgina. A travers sa gestuelle et son visage si expressif, elle traduit la douleur mutique de cette mère séparée à jamais de son enfant.
Une esthétique cinématographique très particulière
L’un des aspects inattendus de ce long-métrage est qu’il a entièrement été tourné en noir et blanc dans un format 4:3 qui nous donne l’impression de visionner de vieux souvenirs de famille.
Cette approche esthétique offre des passages très sombres alternant avec tout un panel d’images surexposées. Au fil du récit, on traverse ainsi des paysages teintés d’immenses ciels lumineux qui se transforment graduellement en de profonds brouillards et finissent par envelopper de mystère tout le village. Il en découle un sentiment un peu mystique qui rappelle de toute évidence les légendes ancestrales du folklore péruvien et plonge l’histoire dans un univers à mi-chemin entre le rêve et la réalité.
L’approche cinématographique de Melina León est unique : tourné en noir et blanc au format 4:3, son film invite le spectateur à un voyage à mi-chemin entre le folklore péruvien et l’esthétique expressionniste.
Bien que lent et chaotique, Canción Sin Nombre est une oeuvre à découvrir, ne serait-ce que pour l’audace de sa réalisatrice. Certains spectateurs n’adhéreront absolument pas à l’indolence mutique de ce film et pourtant c’est grâce à ces images silencieuses et à leur inscription dans la durée que la douleur de Georgina perce l’écran et que tout fait sens…
Florence Gopikian Yérémian
Canción Sin Nombre
Un film de Melina León
Avec Pamela Mendoza (Georgina), Tommy Párraga (Pedro), Lucio Rojas, Maykol Hernández et Lidia Quispe
Bluebird est le premier film du jeune romancier français Jérémie Guez. Adapté du roman de Dannie Martin (The Dishwasher), il raconte la réinsertion de Danny, un ex-taulard mis en liberté conditionnelle. Derrière ses airs farouches, Danny dissimule une belle âme et devient sans le vouloir la figure paternelle de Clara, la fille de sa logeuse. Le jour où Clara se fait agresser, Danny décide de prendre les choses en main, quitte à s’écarter de nouveau du droit chemin…
Roland Møller & Lola Le Lann: un casting complémentaire
Le film est admirablement porté par Roland Møller (Skyscraper, Atomic Blonde) qui incarne Danny avec beaucoup de justesse et d’intériorité. Véritable cow-boy des temps modernes, son protagoniste tente de retrouver sa place dans un monde qui, hélas, demeure pétri de vice et de violence. Bien que bourru et taiseux, le personnage de Danny est étonnamment charismatique et il parvient à séduire l’ensemble des spectateurs par son humanité.
A ses côtés, la comédienne Lola Le Lann (Un moment d’égarement, Versus), interprète le rôle de Clara : perturbée par l’absence de son père, cette demoiselle trouve en Danny, une figure de substitution et s’y attache avec sincérité. Malgré quelques passages légèrement surjoués, Lola Le Lann nous offre de beaux moments de partage et de complicité silencieuse avec Roland Møller.
Notons également la présence de Lubna Azabal (Incendies, Goodbye Morocco) qui incarne le petit rôle d’une serveuse au sein d’un restaurant asiatique.
Une esthétique visuelle et sonore
Bien que Bluebird soit un film violent jonché de meurtres et d’agressions, ses plans et son image sont extrêmement bien travaillés. Tout au long du film se dégage une esthétique évidente et Jérémie Guez réussi à exploiter avec intelligence tous les détails de son plateau. Tourné dans des tonalités volontairement froides, ce premier long-métrage réussi avec maestria à immerger le spectateur dans un univers morose et sans issue.
Le soin apporté à la bande son est aussi parfaitement léché. Que ce soit par le biais des bruitages ou des musiques d’ambiance, tout sonne à la perfection. Les coups de feu, par exemple, sont d’une si grande intensité qu’ils accentuent le réalisme du film sans se soucier nullement du confort auditif du spectateur. La musique, bien que minimaliste, est très prenante et confère une atmosphère pleine d’attente et d’anxiété à ce thriller psychologique.
Notre société est-elle si sombre ?
Bluebird porte un regard assez pessimiste sur notre société : l’ensemble du scénario se déroule au sein d’une petite ville de Belgique où le taux de criminalité est anormalement haut ; les dealers grouillent de partout ; le père de Clara est en prison, quant à Danny, le héros du film, c’est tout simplement un ex-taulard.
Le cumul de ces éléments rend l’ambiance du film assez étouffante car les personnages semblent n’avoir aucune perspective et pourtant, au cœur de ce monde gris, une amitié inattendue va voir le jour : à travers la relation intimiste qui se déploie entre Danny et Clara, le message de Bluebird laisse finalement une fenêtre ouverte à l’espoir …
Bluebird
Un film de Jérémie Guez
Avec Roland Møller, Lola Le Lann et Lubna Azabal
N’ayant pu sortir en salle à cause de la crise sanitaire, ce film sera disponible directement en VOD à partir du 18 juin 2020 – A voir sur MYTF1, Univers Ciné, Orange, Canal VOD, Filmo TV…
Nous les chiens (Underdog dans son titre original) est un film d’animation coréen. Sorti en 2018, il vient d’être doublé en français et sera à l’affiche le 22 juin, jour officiel de réouverture des cinémas !
Le meilleur ami de l’homme ?
Ce long-métrage réalisé par Oh Sung-Yoon et Lee Choon-Baek raconte l’histoire de Moong-Chi, un brave chien abandonné en pleine campagne par son maître. Seul et sans abri, il rencontre une bande de chiens errants qui vont le prendre dans leur meute et lui montrer à quel point les hommes peuvent être égoïstes et monstrueux. Au fil de leurs pérégrinations, ces compagnons de fortune vont se retrouver sans le savoir au cœur d’une zone démilitarisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud : étrange refuge pour une quête ultime vers le bonheur et la liberté !
Qui de l’homme ou du chien est le plus intelligent ?
Bien qu’il soit difficile de s’identifier à des animaux, cette bande de chiens imaginée par Oh Sung-Yoon et Lee Choon-Baek est fort attachante. Tour à tour tendres, amusants ou même agaçants, ils nous présentent un beau panel de caractères canins qui s’oppose dans sa globalité à la lâcheté et à la petitesse des humains. En dressant ce portrait de bêtes blessées mais volontaires, les réalisateurs coréens nous questionnent sur l’intelligence des bipèdes comparativement à celle de leurs compagnons à quatre pattes. Le constat est plutôt affligeant…
Un décor magnifique qui révèle une zone peu connue de la Corée
Les décors du film sont tous réalisés à la main, dans un style traditionnel coréen. Travaillés en 2D, ils offrent un résultat splendide tant du point de vue de l’esthétique que des couleurs parfaitement maitrisées.
A travers ces paysages, les réalisateurs ont voulu montrer un aspect rural et peu connu de la Corée. A la fois verte et montagneuse, la zone démilitarisée qu’ils ont choisie de décrire n’est pas accessible au public, mais l’un des réalisateurs, Oh Sung-yoon, y a fait son service militaire et l’a reproduite de mémoire.
En ce qui concerne les personnages du film, ils sont en 3D : le rendu de cette double technique d’animation n’est pas inintéressant.
Un doublage français peu convaincant…
Pour le doublage sonore de ce film d’animation, Oh Sung-Yoon et Lee Choon-Baek ont choisi d’employer la méthode dite « d’Hollywood » : ils ont d’abord fait interpréter le texte aux acteurs coréens, sans images, en les laissant chacun imaginer leur personnage. L’animation et la création des décors sont venues ensuite afin de compléter au mieux les voix des comédiens. Le résultat initial devait certainement présenter une certaine fibre émotionnelle, voire une poésie purement asiatique. L’adaptation en langue française casse cet aspect important du film car elle rend les dialogues trop enfantins et confère aux protagonistes un ton aussi rustique que pataud.
Est-ce vraiment un film pour toute la famille ?
Nous les chiens se présente comme un film familial et pourtant… En voulant plaire à la fois à un public mature et enfantin, ce long-métrage souffre de son ambivalence. Un adulte devra parfois prendre son mal en patience durant des blagues destinées aux plus petits, et un enfant aura du mal à saisir toute la portée du message moraliste, voire politique de cette œuvre cinématographique.
En dépit de ses qualités, nous tenons à dire que ce film est triste. Vraiment triste. Il y est question de chiens abandonnés mais aussi de thèmes comme le deuil ou la séquestration qui ne sont pas explorés à demi-mots. Même si Nous les chiens est conseillé dès 6 ans, évitez d’y emmener des âmes trop sensibles…
Située porte de Clignancourt, la REcyclerie est l’un des lieux les plus insolites de Paris. Ancienne gare de la petite ceinture, elle a été réaménagée en ferme urbaine & restaurant et déborde d’activités.
L’une des principales visées de la REcyclerie repose dans le partage des responsabilités écologiques et du développement durable. C’est dans cette optique qu’a été crée le festival Gare aux Docs qui fête cet été sa troisième édition.
Consacré à l’art du documentaire, ce festival est entièrement gratuit et il prend place chaque année sur les rails de la petite ceinture, à la belle étoile. Pour l’édition 2020 (prévue du 16 au 26 aout) nous avons eu la chance de converser avec les responsables de la REcyclerie.
Célia Soumet : Comment est née l’idée du Festival parisien Gare aux Docs ?
Depuis l’ouverture de la REcyclerie en 2014, nous souhaitions trouver une idée pour occuper les voies ferrées de la Petite Ceinture. On s’est dit que l’alliance de ce cadre incroyable et d’un festival de cinéma serait idéale.
Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, quelle est la particularité de ce festival ?
Sa particularité principale est le cadre extérieur des projections qui en fait la salle de cinéma la plus insolite de Paris ! Par-delà ce plaisir du plein air, notre festival est gratuit et il fait la part belle aux documentaires.
Quelle est votre intention première ? Donner à tous un accès à la culture ? Leur faire découvrir des lieux insolites ? Ouvrir les gens à des thématiques écologiques?
Notre intention est en adéquation avec le projet général de la REcyclerie: sensibiliser un très large public à l’éco-responsabilité. Avec ce festival nous souhaitons réellement inspirer les spectateurs afin de les accompagner dans une transition écologique et sociale.
Pourquoi avoir choisi de mettre le « documentaire » en avant ? Est-ce un genre cinématographique qui n’est, selon vous, pas assez diffusé ?
C’est venu assez naturellement, à la fois pour favoriser ce format moins accessible, et aussi car il est adapté en termes de durée. Toutefois, même si nous diffusons uniquement des documentaires, certains peuvent intégrer une partie de fiction.
Comptez-vous créer un autre festival axé par exemple sur les films de fiction ?
L’année 2020 marque la 3e édition de Gare aux Docs, la formule reste-elle la même par rapport aux années précédentes ?
Pour cette édition 2020, nous avons souhaité proposer – en plus des projections sur les voies de la Petite Ceinture – une diffusion des documentaires en ligne, via la plateforme d’Imago TV. Cette diffusion simultanée va nous permettre de sensibiliser un nombre de personnes plus important et de nous étendre au-delà de la capitale.
Imago TV est une plateforme vidéo gratuite dont les valeurs correspondent parfaitement à celles de notre festival. Créée en 2018, elle est considérée comme le « Netflix collaboratif de la transition » et propose plus de 2000 podcasts, courts-métrage, documentaires ou séries en libre-accès traitant de problématiques liées aux grands enjeux sociaux et écologiques.
Lors d’une rencontre à la REcyclerie avec leurs équipes, nous avons conclu qu’Imago TV pouvait enrichir la programmation du festival Gare aux Docs grâce à leur savoir-faire et à leur expertise technique. Cela va être une belle collaboration.
Quels vont-être les films phares de votre édition 2020 ? Tourne-t-elle autour d’une thématique particulière ?
Nous allons annoncer la programmation de l’édition à la fin du mois de juin. Nous n’avons pas souhaité nous concentrer sur des thématiques précises comme les forêts, les océans ou l’engagement citoyen. A travers les 9 documentaires que nous allons présenter, nous avons voulu aborder des valeurs fortes proches du positionnement de la REcyclerie et d’Imago tv: la nature, l’humain, la découverte, le voyage.
A la fin de cette édition #3, qu’aimeriez vous que le public retienne ?
Nous souhaitons créer une expérience unique et une immersion totale. Nous aimerions que les spectateurs se relèvent de leurs transats en ayant été inspirés par les documentaires, et en espérant que l’émotion qu’ils ont ressenti puisse se transformer en action pour aller vers une société juste et plus durable.
Un voyage poétique dans l’univers de Sergueï Paradjanov
Depuis le 28 avril dernier le Scandale Paradjanovde Serge Avédikian et d’Olena Fetisova est disponible en DVD Collector. Agrémenté d’interviews et de making-of qui feront la joie des cinéphiles, ce film est un hommage vibrant à l’un des cinéastes les plus controversés de l’ex-Union Soviétique.Rencontre avec Serge Avédikian qui décrypte pour nous l’univers de Sergueï, son illustre aîné.
Tigrane Yégavian : Le Scandale Paradjanov n’est pas un biopic classique, il s’agit plutôt d’un hommage en forme de poème à l’homme d’exception qu’était ce réalisateur soviétique. Vous avez intentionnellement voulu vous concentrer sur l’univers de Paradjanov plutôt que sur sa vie, pourquoi ce parti-pris ?
Serge Avédikian : Lorsque l’on évoque la vie d’un artiste reconnu, on ne peut pas se contenter de copier son œuvre ou sa façon de vivre. On se doit d’avoir compris, ressenti et analysé l’univers et le travail de ce créateur pour le réinventer et le représenter de nouveau. Au cinéma l’imitation est une erreur fatale et, à mes yeux, c’est une question de légitimité de recréer le monde d’un artiste que l’on a aimé.
Comment ne pas tomber dans le piège du folklorisme avec Paradjanov ?
Dans ce cas précis, il fallait éviter, par exemple, d’utiliser les vraies œuvres ou les vrais collages de Sergueï Paradjanov. Afin de ne pas tomber dans l’écueil de l’imitation, j’ai du tout recréer en restant fidèle à sa vision : les décors, les objets ou la maison dans laquelle il a vécu. De même pour la composition de son personnage et son incarnation. Cela m’a demandé un gros travail de réinvention.
Paradjanov fut un « cinéaste poète », est-ce une denrée rare dans le monde du cinéma ?
En effet, Paradjanov est passé de la poésie au cinéma au fur et à mesure. Il a d’abord fait des courts et des moyens-métrages relativement classiques mais l’on sentait déjà un décalage dans sa création, une sensibilité singulière. L’une de ses particularités est d’avoir abordé le lyrisme et la poésie au cinéma en partant de contes et légendes appartenant aux différents peuples qu’il connaissait. Paradjanov étant lui-même artiste-peintre, il a naturellement projeté son style sur ses décors ou ses personnages : il dessinait les costumes, il choisissait les tissus, il était très attentif aux couleurs, non pas parce que la pellicule était en couleur mais parce qu’il concevait son film comme une œuvre picturale. Avant chacune de ses réalisations, Paradjanov avait pour habitude de faire un court film sur un peintre qui l’inspirait : par exemple, pour « Sayat-Nova, Couleur de la grenade », il a réalisé un court-métrage sur le portraitiste Hovnatanian et juste avant « La forteresse de Sourame », il en a réalisé un second sur le peintre naïf, Pirosmani.
Artiste déviant voire transgressif, Paradjanov a payé le prix fort de son engagement créatif en faisant de la prison. En quoi ce séjour au sein de l’univers carcéral soviétique a-t-il renforcé sa passion pour l’art au lieu de le détruire ?
Il me semble que la sensibilité et l’imaginaire d’un artiste ont besoin d’être confrontés à la réalité. Dans le cas de Paradjanov, sa boulimie créatrice et son amour pour la liberté d’expression étaient devenus très contagieux. Lorsqu’il prenait la parole dans les universités, devant des étudiants avides et qui souhaitaient faire du cinéma, il provoquait des vocations anticonformistes. C’est bien cela qui a commencé à déranger les autorités. Et, bien sûr, le succès que son film « A l’ombre des ancêtres disparus » (Les chevaux de feu) a connu à l’étranger. En prison Paradjanov a dû se battre pour trouver sa place et il a noué une relation, à la fois intime, mais aussi poétique avec les autres détenus. Il leur racontait l’histoire des draps dans lesquels ils dormaient, le destin de ceux qui s’en étaient servis avant eux, il leur racontait des contes et légendes. Il utilisait chaque matériaux possibles (bouchons de bouteille de lait, cartes à jouer, papier hygiénique …) pour dessiner dessus et faire des cadeaux. Il a fini par se faire respecter mais je pense que ça lui a demandé beaucoup d’efforts.
Malgré sa rigueur, l’uniformisme soviétique a su accoucher d’immenses cinéastes comme Paradjanov, Pelechian ou Eisenstein. Selon vous, l’art se déploie-t-il d’avantage face à la censure ? Est-ce inhérent à la répression politique ?
Je ne sais pas précisément si l’art se réinvente ou s’il se perfectionne dans la contrainte. Une chose est certaine, c’est sous les dictatures, en particulier idéologiques, que les artistes ont tendance à chercher et à trouver des modes d’expressions différents. Lutter contre le marché ou être dans la concurrence et vendre le plus possible pour être respecté, ce n’est pas du tout la même chose.
Dans le cas de l’ex-URSS, la plupart des artistes fournissaient des œuvres pour le Parti mais ils parvenaient à trouver des tangentes en créant aussi pour eux-mêmes. C’était particulièrement le cas des peintres et des poètes. Sergeï Paradjanov étant à la fois peintre et poète dans l’âme, il a essayé d’insuffler son style à son langage cinématographique sans tenir compte des tendances du marché. Par la suite, d’autres cinéastes, comme Tarkovski, Sokourov et bien sûr Pelechian, ont suivi sa voie et également réussi à trouver leur propre langage dans ce système.
En tant que cinéaste, qu’avez-vous appris de la méthode de travail de Paradjanov ?
Ce que des artistes comme Paradjanov mais aussi Antonioni, Fellini ou Bresson, nous enseignent c’est avant tout l’audace de créer à partir de ce qui se trouve au plus profond de nous-mêmes. Être respectueux de l’académisme ne sert à rien, ce qui ne veut pas dire de ne pas « connaître ses classiques », bien au contraire ! Par exemple, pour « faire le clown » il faut savoir être mime, jongleur, comédien et sensible aux autres. Voilà, à mon sens l’une des choses que Paradjanov m’a transmise.
Pourquoi, selon vous, les autorités soviétiques se sont-elles focalisées sur la bisexualité de ce cinéaste ?
La calomnie sur l’homosexualité ou la bisexualité de Paradjanov a été mise en avant par le Parti car il fallait trouver un prétexte vis-à-vis du grand public pour le punir. Mais je crois que pour tout le monde, il était évident que c’était plutôt sa contagiosité en tant qu’artiste et son immense liberté d’expression qui devaient être enfermées.
Vous avez tourné cet hommage à Paradjanov en 2014, pourquoi avoir attendu 6 ans pour la sortie du DVD ?
Le film est sorti dans les salles françaises en 2015. Même si les professionnels le trouvaient très intéressant, ils ne savaient pas par quel bout le prendre pour le commercialiser. Le Scandale Paradjanova obtenu plusieurs prix dans des festivals internationaux et il a fait un petit tour du monde mais il est resté somme toute assez discret dans son exploitation au sein de l’Hexagone. La chaine Arte étant coproductrice du film, elle l’a diffusé, deux ans après sa sortie mais face au déclin du marché du DVD, il a ensuite fallu trouver un éditeur courageux. C’est donc grâce à Tamasa Distribution-Philippe Chevassu que le coffret du film et de ses bonus a vu le jour. Pierre Eisenreich m’a beaucoup aidé en ce sens et l’entretien filmé avec lui dans le coffret en dit davantage.
Paradjanov a évolué simultanément au sein de plusieurs sphères : arménienne, géorgienne, ukrainienne russe… il maîtrisait toutes ces langues et a œuvré à construire un langage aussi unique qu’harmonieux. Est-ce un miracle du « soviétisme » ?
Oui, le fait d’être multiculturel, de parler plusieurs langues, de s’intéresser à la culture ancestrale et populaire des différentes républiques, lui a permis de devenir universel dans son rapport au récit et surtout d’inventer une approche du langage cinématographique encore jamais vue ni entendue. Son cinéma est unique car il est vierge de références. Il est aussi juste de constater que les artistes de type « homo sovieticus » ont souvent eu cette capacité de résistance et d’inventivité. Ils ont su utiliser le système au profit de leur art : l’absence de frontières entre les républiques soviétiques de l’époque, le fait qu’un artiste pouvait faire ses études à Moscou, puis exercer à Kiev, revenir à Tbilissi ou à Erevan ont contribué à un élargissement culturel évident.
Propos recueillis par Tigrane Yégavian
Photos : Surik Tadevosyan
Eric Bu vient de réaliser son dernier film, “Le retour de Richard 3 par le train de 9h24”. Prolifique et hyperactif, il profite de ce temps suspendu pour avancer ses projets d’écriture et finaliser ses scénarios. Rencontre avec un passionné de théâtre et de cinéma.
Florence Gopikian Yérémian : Vous êtes plutôt cinéaste ou metteur en scène ?
Éric Bu: Les deux ! J’oscille depuis toujours entre les deux médias ! Le jour où j’ai découvert Philippe Caubère sur scène, j’ai compris que le théâtre pouvait être encore plus fort que le cinéma pour offrir des images folles et illimitées, puisqu’elles sont créées directement dans l’imaginaire du spectateur !…
Et je trouve que le théâtre a également quelque chose de très libérateur pour le cinéma. Regardez « Les chatouilles » ou « Guillaume et les garçons à table », voyez comme la liberté de la scène permet de libérer la narration cinématographique ! C’est jubilatoire !
Et inversement, je crois que ma casquette de réalisateur influence mon écriture théâtrale, avec un rythme plus vif, des ruptures, une logique narrative à la limite d’un onirisme emprunté au cinéma…
Quelles sont vos principales réalisations cinématographiques ?
Mon premier long-métrage a été « Swamp », un film produit de façon complètement indépendante qu’on a réussi à l’époque à sortir en salles à Paris et à vendre à Canal + et TPS… Et puis j’ai produit et réalisé une trilogie de courts-métrage aux frontières du fantastique coécrit avec Hervé Prudon. L’un d’eux « Le soleil des Ternes », avec Frédéric Pierrot et Sabrina Ouazani, a remporté le prix du Shortfilm Corner à Cannes en 2008.
J’ai ensuite réalisé « L’homme flottant », un moyen-métrage inspiré d’Oblomov, qui a été diffusé sur France 2 et est sorti dans une salle à Paris. En 2015, j’ai tourné un court-métrage historique/onirique, écrit par Fabien Bertrand, inspiré de la dernière journée de l’auteur Daniil Harms pendant le siège de Leningrad « Ogurets où les turpitudes d’un concombre russe », diffusé depuis dans le monde entier. Et la même année, j’ai réalisé une comédie fantastique « Ne vois-tu rien venir ? », long-métrage inédit à ce jour…
En 2017, j’ai fait « Le festin de Pierre ». Ce documentaire de 90′ est sorti au cinéma du Lucernaire. Il raconte sur 6 mois la création de ‘Festin” , un spectacle de la compagnie des Épis noirs par Pierre Lericq. Mon dernier film à ce jour est “Le retour de Richard 3 par le train de 9H24 », écrit par Gilles Dyrek.
Est-ce qu’il y a un point commun à toutes vos créations ? Une thématique qui revient consciemment ou pas?
J’aime les histoires de transfert. Quand la problématique d’un personnage imprègne ceux qui l’entourent… Quand ça fini par tordre leur perception de la réalité. Notre perception de la réalité dépend des autres, de nos interactions avec eux, de l’amour, de la haine… Nous sommes tous hyper-connectés. Je crois que dans mon écriture, on flirte toujours un peu avec la folie, d’où mon goût pour un cinéma aux frontières du fantastique. Mais avec l’âge, l’humour s’est de plus en plus imposé pour alléger tout ça et pour offrir plus de place au spectateur.
Jean-Gilles Barbier interprète le rôle de Richard 2 avec beaucoup de cynisme dans le nouveau film d’Eric Bu
Vous venez de réaliser « Le Retour de Richard 3 par le train de 9h24 ». Dans ce film, on découvre un diner de famille où tous les convives sont des comédiens engagés par le maître de table pour remplacer ses proches, comment est née l’idée de ce scénario ?
De façon très pragmatique. Nous avions un budget serré, qui nous imposait de réduire au maximum les décors du film et de limiter le nombre de comédiens. Nous avons commencé à brainstormer sur cette base avec Gilles Dyrek et les producteurs. J’ai proposé cette idée, qui est loin d’être originale puisqu’elle a déjà été utilisé dans de nombreux films et pièces de théâtres, parce qu’elle offrait un (double) cadre passionnant pour développer les personnages, une ligne narrative dramatique et folle en note de fond, et de quoi créer des scènes de débordement et de malentendu comme Gilles Dyrek en a le secret, avec des dialogues généreux où il excelle.
Pourquoi avoir choisi ce titre : « Le retour de Richard 3 par le train de 9h24 » ? Une inspiration shakespearienne ?
Non, restons modeste ! On cherchait un titre. Gilles a proposé quelque chose autour de Richard 3 (il y a trois Richard dans notre film, c’est le seul rapport avec William). On lui a dit que c’était drôle, mais que ça pouvait être pris au premier degré et qu’il fallait donc le « décaler » pour qu’on comprenne qu’il s’agissait d’une comédie. Il a repris un élément concret du scénario et a trouvé ce titre, qui nous a tous fait beaucoup rire, ce qui était bon signe !
Eric Bu en compagnie de Camille Bardery et Vincent Almendros avec lequel il a coecrit trois films de ses films
Vous avez tendance à aimer les titres à rallonge (« Ogurets ou les turpitudes d’un concombre russe », « L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine »…), est-ce qu’il y a une raison ?
Je ne sais pas trop. « Ogurets » , c’était le titre du scénario de Fabien Bertrand, « L’influence des croissants », c’est le titre du livre de Ruwen Ogien dont la pièce est adaptée… Je plaide non coupable pour ceux-là…! Mais je crois que j’aime bien les titres qui interpellent, qui posent une question, qui donne déjà les bases d’un univers dans l’inconscient du spectateur. Moi, de base, je suis plutôt curieux d’un film qui me pose la question : « Ne vois-tu rien venir ? » J’ai envie d’y répondre…
Une partie des comédiens présents sur le tournage du “Retour de Richard 3 par le train de 9h24”
Le casting du film repose sur une très belle sélection de comédiens. Sont-ils issus essentiellement du théâtre ou du cinéma ?
Ils viennent de partout. Aujourd’hui, heureusement, les frontières sont poreuses, et un comédien peut beaucoup plus facilement passer d’un média à l’autre. Qui peut le plus peut le moins, et un acteur qui a de l’expérience, quelle qu’elle soit, est un trésor, un instrument vivant, sensible, toujours surprenant. Ces comédiens, j’en connaissait beaucoup avant le tournage, mais pas tous. Avec Camille Bardery, j’ai même déjà co-écrit et tourné trois films. Gilles leur a tous taillé des rôles sur-mesure; Et nous avons travaillé une semaine à la table avant le tournage, afin d’enrichir leur personnage et peaufiner l’écriture.
Un diner des familles abracadabrant !
Derrière la quête de pardon et la réconciliation familiale, votre film n’est-il pas surtout une véritable réflexion autour du paradoxe du comédien ?
La réponse est dans la question ;). C’est aussi une réflexion sur la projection je crois. Qu’est-ce qu’on projette sur les autres ? Que projettent-ils sur nous ? On projette un film à des spectateurs, mais eux, que projettent-ils de leur propre histoire sur le film ? j’ai toujours été frappé de la richesse des retours des spectateurs. On croit avoir réalisé « un » film, mais non, on a produit autant de films qu’il y a de spectateurs en vérité.
Eric Bu avec Yvo Muller, Mathilde Mottier et Marie-Anne Mestre
Au fur et à mesure de l’histoire, tous les protagonistes s’égarent entre le jeu et la réalité. Est-ce un comportement que vous avez pu observer auprès des acteurs que vous avez mis en scène ?
C’est très subtil, mais oui, il y a souvent une sorte de transaction mystérieuse entre un acteur et son personnage. Le personnage joue sur lui, mais il joue aussi sur le personnage, le nourrissant de sa propre personnalité. C’est encore plus frappant lorsqu’on écrit un rôle en pensant à un acteur qu’on connait, la frontière est encore plus poreuse. Mais tout cela se négocie avec pas mal de dérision et d’auto-ironie, qui est indispensable pour avoir la bonne distance. Pour prendre l’exemple d’Elodie Menant qui joue dans ma pièce « Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ? », c’est très troublant. Je lui ai proposé ce personnage parce qu’elle dégage naturellement une énergie qui en est proche, mais j’avoue m’être parfois demandé à quel point l’ “esprit” d’Arletty pouvait avoir déteint sur elle… Heureusement c’est un bon « esprit »… Il faut aborder ces sujets avec beaucoup d’humour, mais on parle bien d’ “incarner” un personnage… À quel point le personnage s’incarne-t-il dans l’acteur ?
« Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs » (Cocteau)
Avez-vous prévu une adaptation de ce long-métrage pour la scène théâtrale ?
Thibaud Houdinière, qui est producteur d’Arletty et de ma pièce sur Dolto avec Sophie Forte, est tombé amoureux du film et nous a effectivement proposé de l’adapter sur scène. Gilles a déjà écrit une très belle adaptation. Ça devrait être pour Avignon 2021, si tout va bien.
Juste avant le confinement, nous avons eu le plaisir de découvrir votre dernière pièce co-écrite avec Elodie Menant « Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ? » au Théâtre Montparnasse. La pièce devait-elle partir pour Avignon ?
La pièce a déjà été créée à Avignon, et s’y est jouée en 2018/2019. Elle devait effectivement s’y jouer cette année encore. J’espère qu’elle pourra reprendre au Petit Montparnasse à la rentrée.
Aviez-vous également prévu d’autres spectacles pour cette période ? Comment gérer-vous ce « ralentissement » ?
Nous étions en pleine répétition de « Lorsque Françoise parait », mon nouveau spectacle avec Sophie Forte, sur Françoise Dolto, qui devait se créer au théâtre du Balcon à Avignon… Pour le spectacle vivant, ce n’est pas un ralentissement, c’est un arrêt brutal, catastrophique, qui menace toute une profession extrêmement fragilisée. Les productions et les compagnies sont très menacées, et par extension, tous les techniciens et comédiens qui travaillent pour eux.
Lorsque la réouverture des lieux culturels va se confirmer, comment selon vous redonner confiance aux gens pour qu’ils retournent au théâtre ou au cinéma ? Avez-vous des idées pour réorganiser la scène artistique nationale ou est-ce un challenge impossible à vos yeux ?
Je pense que c’est tout à fait possible et je peux vous dire que tout le monde y travaille actuellement. Tout comme Pierre Lescure est en train de le faire pour les cinémas avec une mise en place sanitaire pour limiter tout risque. Il serait absurde que les cinémas rouvrent et pas les salles de spectacle !
Mais les théâtres municipaux sont tributaires des mairies et de leur bonne volonté, ce qui peut compliquer les choses, surtout en période électorale… Mais c’est possible bien entendu ! Protéger des vies en restant vivant, c’est possible au spectacle vivant ! Un bon slogan non ?
Vous participez au collectif Année Noire 2020, pouvez-vous nous dire en quoi consiste la pétition de ce regroupement d’artistes qui compte déjà plus de 160000 signataires ?
Un ministre des armées avait suggéré à Churchill de couper dans les dépenses pour la culture. Celui-ci lui aurait répondu « Dans ce cas, pourquoi nous battons-nous ? » Si nous sommes « en guerre », je pense que le culture n’est pas négociable.Elle donne du sens à nos vies, elle lui donne du goût, le goût de vivre ! Et elle est un des piliers de notre économie ! Demandez aux régions comment elles feraient sans festivals… La culture représente bien plus au PIB que l’industrie automobile par exemple…
Et la culture, c’est avant tout ceux qui y travaillent d’arrache-pied. Ce collectif demande donc à l’Etat de prendre ses responsabilités pour soutenir ce secteur et l’ensemble des intermittents… Mais il me semble, sans trop m’avancer, que nous commençons à être entendus…
Arrivez-vous à travailler pendant cette période de confinement ? Ce temps suspendu est-il pour vous favorable ou défavorable d’un point de vue créatif ?
Étrangement, c’est très favorable pour l’écriture. J’avance sur un projet qui me résistait depuis deux ans, j’ai finalisé une première version d’une pièce co-écrite avec Laura Léoni, je me projette sur de futures écritures, j’avance sur un projet de film… Bref, je m’occupe pas mal et au final, les journées passent très vite !
Un nouveau projet se profile ?
Plusieurs ! Au théâtre, « Lorsque Françoise parait » au théâtre Lepic (de Salomé Lelouch) à la rentrée, dés qu’on nous y autorise. La reprise d’Arletty j’espère au Petit Montparnasse, « Le retour de Richard 3 par le train de 9H24 » à Avignon l’été prochain, donc à répéter dés le premier semestre 2021… Je vais également essayer de monter une production pour « Collapsus » au théâtre, un projet étrangement d’actualité, que nous avons commencé à écrire il y a 9 mois avec Laura Léoni. Et enfin, j’espère finaliser l’écriture de « Contre vents et marées », une pièce pharaonique qui sera je l’espère mise en scène par Johanna Boyé (metteuse en scène d’Arletty). Côté cinéma, avant tout la sortie du « Retour de Richard 3 par le train de 9H24 » en salles ! Et puis je cherche un producteur pour l’adaptation de « Chagrin pour soi » (une pièce formidable de Sophie Forte)… Et avec Alexis Bougon, coproducteur de « Richard 3 », nous cherchons un diffuseur pour un projet de web-série adaptée d’une pièce de Pierre Notte « Histoire d’une femme », avec Muriel Gaudin.
Auriez-vous un livre à conseiller à nos internautes pour les faire patienter jusqu’au 11 mai ?
J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à trouver un livre qui m’accroche dans cette période, mais j’ai fini par être littéralement dévoré (oui parfois aussi, ce sont les livres qui nous dévorent !) par « l’Arbre monde » de Richard Powels. C’est un livre vraiment très puissant et qui m’offre une bouffée d’air pur en confinement. Il m’aide aussi à relativiser tout ce que nous vivons en ce moment, et ce n’est pas rien…
Avec Sophie Forte, Hervé Dubourjal, Jean-Gilles Barbier, Camille Bardery, Amandine Barbotte, Lauriane Escaffre, Ariane Gardel, Benjamin Alazraki, Yvonnick Muller
L’histoire commence par un diner de famille qui frôle le règlement de comptes. Comme dans toutes les chaumières, celà semble normal sauf que les convives sont tous des comédiens engagés par PH, le maître de table…
Afin de recevoir le pardon de ses proches qui ont tous disparu dans un accident d’avion, PH a, en effet, décidé d’organiser une thérapie théâtrale avec des inconnus auxquels il attribue le rôle de sa femme, sa soeur ou son fils qui l’a renié.
Au fur et à mesure de ce mea culpa abracadabrant, les comédiens perdent le fil de leurs jeux et commencent à s’identifier à leurs personnages. La réalité prend alors le pas sur l’improvisation. Les rôles basculent. La rancoeur s’immisce. La vraie colère monte. Et la vérité surgit enfin !
A travers ce psychodrame burlesque, Eric Bu s’amuse à nous faire cogiter sur le sens du pardon mais il nous offre surtout une belle réflexion sur le paradoxe du comédien.
L’histoire commence par un diner de famille qui frôle le règlement de comptes. Comme dans toutes les chaumières, celà semble normal sauf que les convives sont tous des comédiens engagés par PH, le maître de table…
PH (Hervé Dubourjal) tente d’obtenir le pardon de sa “fausse famille”
Afin de recevoir le pardon de ses proches qui ont tous disparu dans un accident d’avion, PH a, en effet, décidé d’organiser une thérapie théâtrale avec des inconnus auxquels il attribue le rôle de sa femme, sa soeur ou son fils qui l’a renié.
Au fur et à mesure de ce mea culpa abracadabrant, les comédiens perdent le fil de leurs jeux et commencent à s’identifier à leurs personnages. La réalité prend alors le pas sur l’improvisation. Les rôles basculent. La rancoeur s’immisce. La vraie colère monte. Et la vérité surgit enfin !
A travers ce psychodrame burlesque, Eric Bu s’amuse à nous faire cogiter sur le sens du pardon mais il nous offre surtout une belle réflexion sur le paradoxe du comédien.
Florence Gopikian Yérémian
Richard 2 (Jean-Gilles Barbier) interprète le fils de PH avec un beau cynisme
Dû au confinement et à la fermeture des cinémas, toute l’équipe du tournage a décidé de vous offrir l’accès au film en avant-première : http://leretourderichard3.com/
Ce partage est valable jusqu’au 11 mai 2020.
Le retour de Richard 3 par le train de 9h24
Un film d’Eric Bu
Scénario : Gilles Dyrek
Avec Sophie Forte, Hervé Dubourjal, Jean-Gilles Barbier, Camille Bardery, Amandine Barbotte, Lauriane Escaffre, Ariane Gardel, Benjamin Alazraki, Yvonnick Muller