Le cap des « 30 » ans n’a pas été de tout repos pour Adele. Une chanteuse tourmentée non pas par sa prise d’âge mais par son divorce compliqué, qui a fortement déstabilisé son coeur et son esprit. Une crise existentielle que cette grande voix combattive a pris le temps de dompter avant de revenir s’exposer sur le devant de la scène. Un long cheminement retracé dans ce nouvel album intime et fragile. Chronique musicale.

Adele - 30 - easy on me -

L’énergie du désespoir

« 30 » ans passés toutes ses dents mais un coeur qui bat de l’aile. C’est la raison de la si longue absence d’Adele. Une artiste victime d’une grosse phase de doutes, qui attendait de rassembler toutes les pièces du puzzle pour retourner dans la lumière. Désormais prête à tirer un trait définitif sur sa peine. « Right then, I’m ready » scande-t-elle d’ailleurs sur le déchirant « Strangers By Nature ». Un titre introductif sur lequel elle se donne la force nécessaire pour surmonter ce passage à vide et se relever. Un cheminement guérisseur qu’elle retranscrit sur ces 12 pistes introspectives et profondes. Au programme quelques ballades, peut-être trop peu et de grandes déclarations lumineuses et un ensemble musical éclectique un poil déroutant. Les thèmes abordés eux tournent tous logiquement autour de cette étape décisive de la vie de la chanteuse. Avec sincérité la star planétaire y évoque sans surprise sa séparation douloureuse, mais aussi la maternité et la difficulté d’entamer une nouvelle relation lorsqu’on est si exposé. Une grande sentimentale se montrant plus vulnérable que jamais mais pas accablante. Choisissant la voie de l’espoir plutôt que de se morfondre en boucle. Ecourtant les confidences sur ses regrets pour se focaliser d’avantage sur sa renaissance inespérée. Si la démarche est louable et honnête pas certains que parmi eux se cachent des tubes mondiaux aussi immenses que « Someone Like You » ou « Hello ». À 2-3 exceptions près, à commencer par le déjà très célèbre « Easy On Me » où l’interprète recense les différentes épreuves de sa vie personnelle. Demandant avant tout pardon à son fils Angelo pour cette rupture familiale. Son « My Little Love » à qui elle dédie la totalité de son disque mais surtout cette déclaration poignante. Calée dans une ambiance jazzy cette mère aimante implore son mini sauveur de lui pardonner un jour. Avant d’extérioriser et sécher ses sanglots longs sur le dynamique « Cry Your Heart Out ». Une chanson teintée de soul signant le début de sa renaissance. Une ambiance contrastée un poil déroutante qui se poursuit sur le lumineux « Oh My God ». Poussée par un air quasi gospel, Adele reprend peu à peu goût à la vie et la séduction. « I know that it’s wrong, But I want to have fun » comprenez « Je sais que c’est mal, Mais je veux m’amuser » applique-t-elle sans plus tarder.

Adele - 30 - easy on me -

Le grand pardon

On arrive déjà à la moitié du parcours avec « Can I Get It » et ses sifflets motivants qui restent en tête. Un hit pop dévoilant une femme redécouvrant la joie d’aimer et des premiers instants radieux. Un renouveau possible à condition de s’accepter soi même. C’est en tout cas ce qu’elle préconise sur l’intense « I Drink Wine » où elle renoue enfin avec ses classiques et ses vocalises puissantes que l’on chérit tant. Une ballade où elle trinque à son ancienne relation toxique avec l’alcool. Finalement revenue à elle-même, l’artiste remercie d’une traite son nouveau compagnon au cours de l’interlude chanté « All Night Parking ». « It’s all happenin’ so easily, It’s so hard to digest, usually, I’m best alone » comprenez « Tout se passe si facilement, C’est si difficile à digérer, d’habitude je suis mieux seule » s’étonne-t-elle de ce bonheur inattendu. Démontrant ensuite de sa détermination par le biais du guitare/voix « Woman Like Me » un peu moins emballant. Retentit alors la joie de « Hold On ». Un titre invitant à la patience et persévérance tous ceux qui traversent une période de doute. « Let time be patient, You are still strong, Let pain be gracious, Love will soon come, Just hold, hold on » (« Laisse le temps passer, Tu es toujours fort, Que la douleur soit gracieuse, L’amour viendra bientôt, Tiens bon ») scande-t-elle avec sérénité. Espérant par le biais de son histoire sauver quelques âmes en peine. C’est quasi à bout de souffle après ce tunnel de plus de 6 minutes qu’elle se pose enfin pour suspendre le temps sur « To Be Loved » unique piano/voix de l’album. Une pépite poignante sur la profondeur des sentiments appuyant sur l’importance de dire aux siens ce que l’on ressent vraiment. De ses envolées cassantes elle allume une bougie pour son regretté père qu’elle a laissé partir en paix en lui accordant son pardon. Avant de conclure sa thérapie par une note soul positive au son du vibrant «Love Is Game ». Avec élégance, la chanteuse lâche un véritable feu d’artifice de joie et prouve que oui malgré tout l’amour finit toujours pas triompher.

DROUIN ALICIA