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Black Tea : une idylle afro-chinoise à déguster par petites gorgées

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Black Tea : une idylle afro-chinoise à déguster par petites gorgées

Aya est une jeune ivoirienne d’une trentaine d’années. Le jour de ses noces, elle refuse de se marier avec un homme qui l’a trompée et part vivre à Canton au sein de la communauté africaine de « Chocolate City ». Travaillant dans une maison de thé, elle y apprend l’art de la cérémonie auprès de Monsieur Wang et se laisse délicatement tomber sous son charme…

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Deux êtres en quête de bonheur

A travers ce nouveau film, le réalisateur de Timbuktu, nous invite à suivre une idylle improbable. Avec minutie et délicatesse, Abderrahmane Sissako déploie, en effet, une histoire d’amour afro-chinoise entre deux êtres raffinés aux parcours difficiles.

D’un côté, il y a Aya qui malgré une première déception amoureuse poursuit avec foi sa quête du bonheur. Dotée d’une force douce et d’une joie lumineuse, l’actrice Nina Melo confère à la belle ivoirienne beaucoup de séduction.

Face à elle, le comédien Han Chang interprète le personnage plus réservé de Monsieur Wang : avec autant de maturité que d’élégance, il nous livre un homme affligé au triste passé conjugal qui va pudiquement s’extraire de sa mélancolie.

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Un esthétisme sensuel

C’est avec contemplation qu’Abderrahmane Sissako met en scène ce couple. La caméra sensuelle et pondérée, il savoure le temps long et propose un étonnant travail d’images qui se superposent. De fait, la plupart de ses prises de vue sont construites à travers des vitres qui offrent aux spectateurs de subtils jeux de reflets. Alternant les ombres et les miroirs, le réalisateur nous plonge ainsi dans un esthétisme flouté qu’il ponctue intentionnellement de couleurs luxuriantes : entre des myriades de lampions acidulés, des tissus africains et des paysages verdoyants de plantations de thé, il fait magnifiquement voyager toutes nos sensations.

Celles-ci sont d’ailleurs décuplées par les voix chuchotées des protagonistes et par la musique du film : omniprésente de bout en bout, elle décline des envolées pianistiques, des rythmes africains, des mélodies de Nina Simone chantées en bambara et même de langoureuses mornas en provenance du Cap Vert

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Une mosaïque de cultures

Black Tea se déploie intentionnellement  sur plusieurs continents : outre l’Afrique et l’Asie, Abderrahmane Sissako nous emmène aussi sur l’île de Cesária Evora, la chanteuse capverdienne.

Ce film est une ode à la diversité des cultures et des identités mais aussi une invitation à leur union : entre les traditions ancestrales de la Côte d’Ivoire et la constante modernisation de la société chinoise, il est très intéressant pour les spectateurs de faire une halte au sein du quartier de “Chocolate City”. Ceux qui ne connaissent pas cet endroit singulier de l’Asie seront vraiment impressionnés par l’implantation active de la communauté africaine au sein de la ville de Canton. À travers cette diaspora, le réalisateur ouvre une fenêtre aux mentalités européennes qui malgré la mondialisation continuent de vivre en vase clos : prônant le partage, la rencontre et l’acceptation des différences, Abderrahmane Sissako va même plus loin dans son ouverture en soulignant qu’il est fort regrettable qu’à notre époque le racisme demeure encore présent au sein des anciennes générations chinoises.

Black Tea ? Un breuvage cinématographique riche en saveurs, long en bouche et saupoudré d’élégance. Xièxiè.

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Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

black Tea - film - cinema - syma - news - gopikian - yeremianBlack Tea

Un film de Abderrahmane Sissako

Avec Nina Melo, Han Chang, Wu Ke-Xi

En salle le 28 février 2024

 

Cesària Évora : la Diva aux pieds nus

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Cesària Évora : la Diva aux pieds nus

Le film d’Ana Sofia Fonseca débute sur l’île de Sao Vicente en 1991. Cesària y fête ses 50 ans entourée de sa famille et de tous ses amis. Généreuse et authentique, la diva capverdienne se fiche de son succès et garde, comme de coutume, sa porte ouverte à tous.

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Surnommée “La Diva aux Pieds nus” ou “la Piaf du Cap-Vert”, Cesària Évora a su donner ses lettres de noblesse à la morna, cette musique capverdienne si nostalgique

Pour ceux qui ne connaissent pas Cesària Évora, précisons que la dame est devenue l’une des plus grandes ambassadrices de la morna mais qu’elle a tout d’une antistar : en effet, bien qu’elle rêve de musique depuis son enfance, « Cive » n’a démarré sa vraie carrière qu’à l’âge de cinquante ans !

Cette carrière inattendue et tardive, elle la doit en partie à une rencontre au Portugal avec son mentor, José Da Silva : émerveillé par la voix et l’âme de Cesària, ce dernier a tout fait pour divulguer au grand public celle qui deviendra sa grande amie.

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Ana Sofia Fonseca nous livre une partition douce-amère sur le parcours si singulier de Cesària.

Le film d’Ana Sofia Fonseca suit l’ascension singulière de cette Diva aux pieds nus qui ne pouvait supporter de garder ses chaussures, que ce soit sur la scène du New Morning ou celle du prestigieux Carnegie Hall.

À travers des images d’archives et des interviews inédites, on marche dans les pas de cette chanteuse hors norme qui a grandi dans une très grande pauvreté mais dont le succès n’a rien changé à son mode de vie.

Au fil de ses douze albums, Cesària a écumé la France, les États Unis, la Suède ou le Japon. De son Olympia parisien en 1993 à son dernier concert à Antalya en 2011, on suit ses tournées, ses enregistrements, mais surtout sa vie qui s’est construite autour de révoltes intérieures et d’une immense amertume.

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Avec beaucoup de pudeur, la réalisatrice Ana Sofia Fonseca revient sur les dépressions de Cesària et sur son addiction à l’alcool.

Au rythme des mornas et des coladeras qu’elle égrène de sa voix rauque, Cesària nous parle d’amour, de nostalgie insulaire, de mer bleue et, bien sûr, d’esclavage. Tout est lié chez Cesària, voilà pourquoi sa voix reflète sa triste solitude autant que le passé colonial de son « Petit Pays ».

Ample, mélancolique et parfois douloureuse, cette voix est un prolongement de son être tourmenté qui possédait une immense part d’ombre : avec beaucoup de pudeur, la réalisatrice Ana Sofia Fonseca revient sur les dépressions de Cesària et sur son addiction à l’alcool. Que ce soit chez elle ou sur scène, la Reine de la morna buvait énormément, ce qui la rendait totalement imprévisible.

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Cesària était aussi une femme très généreuse et éprise de liberté qui ouvrait sa maison du Cap Vert aux mendiants et aux toxicos.

Entre spleen et beauté, engagement et liberté, cette partition filmique rend un hommage mérité à l’inoubliable Cesària et nous plonge avec langueur dans les sonorités afro-cubaines du Cap-Vert.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

Cesaria evora - syma news - gopikian yeremian - Film - CinemaCesària Évora : la Diva aux pieds nus

Un film réalisé par Ana Sofia Fonseca

Documentaire – 2022

Sortie en salles : le 29 novembre 2023

 

Photos : @Janete Evora @Antonio Teixeira @Pierre René Worms

La Tresse : une triple leçon de courage

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La Tresse : une triple leçon de courage

Le nouveau film de Laetitia Colombani est une pépite. Adapté de son roman très féministe « La Tresse », il est aussi délicat que poignant et nous fait suivre avec subtilité le parcours de trois amazones des temps modernes.

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Smita (Mia Maelzer) refuse que sa petite fille (Sadja Pathan) suive le destin misérable qui a été le sien en tant que femme de la caste des Intouchables.

Smita / Sarah / Giulia 

D’un côté de la planète, il y a Smita (Mia Maelzer), une mère indienne de la caste des intouchables qui nettoie des latrines pour tenter de subsister. Face à l’avenir sordide qui se profile pour sa fille, elle s’enfuit à Bénarès dans l’espoir d’offrir à sa progéniture une vie nouvelle, loin de toute misère.

En parallèle de ce premier parcours, on rencontre aussi Sarah (Kim Raver), une brillante avocate canadienne gérant seule ses trois enfants ainsi qu’une tumeur qui grandit sinueusement au coeur de sa poitrine.

Entre ces deux continents, on suit enfin les pas incertains de Giulia (Fotini Peluso), une jeune sicilienne pleine d’insouciance. Vivant dans un petit village traditionnel, cette belle étudiante va être soudainement confrontée à la maladie de son père qui dirige un atelier de perruques croulant sous les dettes.

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Brillante avocate et mère de famille célibataire, Sarah (Kim Raver) va être fauchée par la maladie alors que sa carrière est en pleine ascension.

Trois amazones du XXIe siècle

À travers les destinées croisées de ces protagonistes, la réalisatrice Laetitia Colombani dresse avec magnificence le portrait de femmes fortes et dignes. Admirative de leur vaillance et respectueuse de leurs choix, elle nous fait naviguer dans les univers diamétralement opposés de ces amazones qui malgré leurs différences se rejoignent dans leur volonté : qu’elles soient paysanne, avocate ou étudiante, Smita, Sarah et Giulia vont en effet être successivement fouettées par le destin et mener chacune leur combat.

Avec beaucoup de délicatesse et d’attention Laetitia Colombani réussi à montrer le socle intergénérationnel que peut représenter une femme : tour à tour filles, épouses ou mères, ses personnages féminins semblent ne jamais avoir de répits car elles luttent alternativement pour leur vie, celle de leurs enfants ou celle de leurs parents.

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Face à la ruine de sa famille sicilienne, la belle Giulia (Fotini Peluso) va perdre toute son insouciance…

Sainte Trinité

Du nord de l’Inde au sud de l’Italie en passant par Montréal, la caméra itinérante de Laetitia Colombani met superbement en avant trois continents aux atmosphères multiples : entre les sublimes falaises italiennes surplombant la Méditerranée, la verticalité de la skyline de Montréal ou le chaos indien bordant le Gange, on est transporté d’un pays à l’autre entre une modernité extrême et des traditions millénaires.

Jouant sur cette répartition tripartite, la réalisatrice construit aussi son film autour de trois âges, trois langues (hindi, anglais et italien) mais également trois religions : en effet, Sarah la canadienne est juive, Giulia la sicilienne vit en pays chrétien quant à Smita, elle appartient à la caste des Intouchables et porte une dévotion sans faille à Vishnu. Si l’amour est omniprésent dans cette très belle fresque cinématographique, la prière et la foi en font aussi partie intégrante et lui apportent une immense dimension spirituelle.

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Le parcours de Smita (Mia Maelzer) et sa fille (Sadja Pathan) jusqu’au Temple de Bénarès est semé d’embuches et de dangers.

Porté par la musique poignante et narrative de Ludovico Einaudi, La Tresse propose en somme un portrait universel de la femme contemporaine. Dans ce film choral, Laetitia Colombani nous surprend de bout en bout car elle réussit à tresser un « lien capillaire » inattendu entre chacune de ses protagonistes en dénonçant aussi bien le machisme entrepreneurial que l’injustice des castes indiennes. On en ressort bouleversé en comprenant à quel point la vie est une lutte où chacun est entièrement livré à soi-même.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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.La Tresse

Un film de Laetitia Colombani

Avec Mia Maelzer, Fotini Peluso, Kim Raver, Sadja Pathan, Avi Nash

En salles : le 29 novembre 2023

A voir en V.O pour apprécier les trois langues du film !

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FLO : une superbe Odyssée au féminin

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FLO : une superbe Odyssée au féminin

Le très beau film de Géraldine Danon ouvre de façon percutante sur l’accident de voiture dont a été victime Florence Arthaud durant ses jeunes années. Loin de se laisser abattre, la demoiselle a fait de cette première épreuve la chance de sa vie et s’est ensuite lancée à corps perdu dans sa passion pour l’océan.

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Flo se laissant porter par le murmure de l’océan

La vie de Florence Arthaud ? Elle est à l’opposé d’un long fleuve tranquille et va se dérouler à cent à l’heure avec des marées hautes et pas mal de marées basses. Entre ses plongées alcoolisées, ses amours à la dérive et sa quête incessante de sponsors, la demoiselle du XVIe arrondissement parisien va réussir à devenir la première femme à gagner la Route du Rhum et à s’imposer dans le milieu très masculin – pour ne pas dire machiste – de la mer.

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L’excellente comédienne Stéphane Caillard prête sa fougue et son enthousiasme au personnage de Florence Arthaud

À travers l’enchainement de ses aventures et de ses rencontres, l’œil admiratif de la réalisatrice Géraldine Danon retranscrit avec fougue la singularité et l’avant-gardisme de Florence Arthaud. Via un mouvement d’images perpétuelles, la cinéaste suit la trajectoire singulière de cette navigatrice hors-norme mettant en avant son caractère volontaire autant que sa soif d’amour et de liberté.

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Géraldine Damon met en scène les amours romancés de Florence Arthaud (Stéphane Caillard) avec le charismatique Olivier de Kersauson (Alexis Michalik)

Dans ce portrait à l’eau de mer, on croise ainsi la famille bourgeoise de Florence Arthaud mais aussi la route de Tabarly, celle de nombreux marins, sans oublier la figure suffisante de Kersauson incarnée avec beaucoup d’humour et d’arrogance par Alexis Michalik.

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A travers ses yeux de biche et son corps de brindille, Stéphane Caillard compose un personnage intransigeant et passionnel prêt à tout pour accomplir ses rêves.

La comédienne qui interprète Florence est exceptionnelle : malgré son allure de crevette des Seventies, Stéphane Caillard nous fait penser à une louve des mers car elle dégage une énergie et une force impressionnante. À la fois farouche, pétillante et fragile, elle parvient à traduire la fureur de vivre qui caractérisait si bien Florence Arthaud tout en nous montrant ses faiblesses.

Flo ? Une très belle Odyssée au féminin.

Florence Gopikian Yérémian  – florence.yeremian@symanews.fr

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FLO

Un film de Géraldine Danon

Avec Stéphane Caillard, Alison Wheeler, Alexis Michalik

En salles : le 1er novembre 2023 

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Photos : ©Laura Poupon

 

Universal Theory : Timm Kröger revient à l’esthétique des Années 50

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Universal Theory : Timm Kröger revient à l’esthétique des Années 50

Le film de Timm Kröger prend place en 1962 dans les Alpes Suisses. Johannes, un jeune scientifique allemand, se rend à un congrès de physique pour y défendre une théorie sur l’existence de mondes parallèles. Tandis que son tuteur met en doute sa thèse, Johannes croise le chemin de Karin, une mystérieuse pianiste, qui l’entraine au cœur d’étranges évènements…

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Johannes (Jan Bülow) s’interroge sur la radicalité du professeur (Hanns Zischler) qui corrige sa thèse de physique quantique

Une maitrise exceptionnelle des lumières et de la dramaturgie

Timm Kröger est un jeune réalisateur allemand adepte de cinéma métaphysique. Pour ce second long-métrage, Die Theory von Allem, il a pris le parti judicieux de tourner essentiellement en noir et blanc. Grace à sa maitrise technique et émotionnelle des lumières, il parvient à créer une atmosphère somptueusement rétro qui nous rappelle celle des films hollywoodiens des Fifty’s. À mi-chemin entre Vertigo ou Citizen Kane, ses jeux de clair-obscur restituent à la fois l’ambiance feutrée d’un élégant hôtel suisse et la blancheur transcendante des montagnes qui l’entourent. Afin de souligner cette superbe esthétique, Timm Kröger a aussi choisi d’accompagner sa narration de partitions musicales continues : entre un morceau de jazz et une pièce baroque de Couperin, le spectateur est ainsi sans cesse porté par les ostinato et les compositions Hitchcockiennes de Bernard Herrmann.

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A travers sa caméra inquisitrice, le réalisateur Timm Kröger observe les déambulations mentales de ses protagonistes et s’amuse à les plonger dans un monde aussi ésotérique que paranoïaque.

Un scénario ambitieux qui se perd dans des tergiversations ésotériques

En optant pour un thriller quantique qui navigue entre un polar des années 50 et une sombre romance amoureuse, Timm Kröger fait preuve d’une réelle ambition mais il finit, hélas, par s’égarer dans sa propre mise en scène.

Les paramètres initiaux qu’il choisit pour cette histoire sont pourtant tous convaincants : un hôtel perdu dans la neige, un congrès de savants fous, des tunnels radioactifs, un jeune physicien un peu naïf, une pianiste énigmatique (Olivia Ross), des officiers dignes de la Gestapo, des avalanches, sans parler de quelques meurtres et d’une conspiration teintée par les fantômes du nazisme. Jusque-là tous les éléments demeurent classiques et l’intrigue proposée nous tient parfaitement en haleine.

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Si vous avez l’oeil, vous devinerez le film qui a rendu célèbre David Bennet (à droite). Même quarante ans après, il est impossible de ne pas être absorbé par l’intensité et l’inflexibilité de ce regard …

La narration de Timm Kröger devient cependant confuse lorsque le réalisateur tente d’y mixer de l’ésotérisme à des notions de physique quantique pour intégrer le registre fantastique : entre les hallucinations de ses personnages, les changements spatio-temporels et les mondes qui se superposent, le spectateur se retrouve plongé dans un chaos visuel incohérent et il s’y noie.

En voulant nous entrainer dans une théorie des multivers saupoudrée de citations de Bohr et de Schrödinger, Timm Kröger perd la crédibilité de son script. Fort heureusement, l’acteur Jan Bülow qui interprète le rôle principal de Johannes rattrape un peu cette débâcle scénaristique : avec son jeu intense et sa vulnérabilité enfantine, son personnage de physicien sauve la mise à ce long-métrage où la forme l’emporte haut la main sur le fond.

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Le comédien allemand Jan Bülow prête sa sensibilité et ses traits juvéniles au personnage de Johannes. Pétri de doutes et de vulnérabilité, ce brillant scientifique va finir par s’égarer au sein de ses propres théories.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

theorie-du-tout-syma-news-gopikian-yeremian-cinema-film-allemand-Timm-kroger-jan-bulowUniversal Theory (Die Theorie von Allem)

Un film de Timm Kröger

Avec Jan Bülow, Olivia Ross, Hanns Zischler, Gottfried Breitfuss

Sortie le 3 janvier 2024

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Universal Theory est actuellement présentée au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg

Photos © : Neue Visionen Filmverleih et UFO Distributions

Ça tourne à Séoul : une comédie coréenne completement déjantée !

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Ça tourne à Séoul (Cobweb) : une comédie coréenne complètement déjantée !

Présentée hors-compétition à Cannes, la nouvelle œuvre de Kim Jee-woon (Deux sœurs, The Age of Shadows) a fait l’ouverture du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg ce weekend. Dans cette comédie coréenne rocambolesque, Song Kang-ho (la star de Parasite) joue le rôle de Kim, un réalisateur en quête de reconnaissance qui décide de refaire entièrement la fin de son film nommé Cobweb.

Malgré le refus des producteurs, la censure des autorités et les caprices de ses acteurs, Kim enferme tout le monde dans les studios afin de boucler son chef-d’œuvre en cachette. Le cerveau en ébullition et la caméra à bout de bras, il entraine le spectateur sur le tournage de Cobweb mais aussi au cœur des coulisses où la fatigue gagne peu à peu tous les comédiens : entre des actrices hystériques, des époux infidèles, de faux flics et des envies de meurtres, l’anarchie se propage peu à peu sur l’ensemble du plateau jusqu’à une chute finale qui nous rappelle avec ironie l’absurdité de nos existences.

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Kim (Song Kang-ho) a enfermé toute son équipe technique et ses acteurs afin de pouvoir terminer en cachette son chef d’oeuvre cinématographique

Un scénario à double hélice

Derrière ce chaos apparent qui navigue entre le thriller hitchcockien et la comédie loufoque, on est séduit par la maitrise formelle de ce long métrage qui se déploie à double hélice : le spectateur savoure en effet le schéma alternatif du « film dans le film », l’un tourné en noir et blanc (Cobweb), l’autre en couleur (Attention ça tourne). Avec une belle dynamique, Kim Jee-woon superpose brillamment ces deux histoires allant jusqu’à faire se confondre la réalité de ses acteurs et le monde imaginaire de leurs personnages.

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Sur le plateau de Cobweb, l’ensemble des artistes commencent à frôler l’hystérie

Hommage aux artistes incompris

De toute évidence, ce long-métrage est autobiographique et Kim Jee-woon a intentionnellement donné son prénom à son protagoniste. Cette démarche introspective n’est pas sans rappeler celle de Michel Gondry qui s’est également projeté en cinéaste fou au sein de son dernier film, Le livre des Solutions.

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Song Kang-ho (la star de Parasite) incarne avec beaucoup d’humour et de justesse les délires créatifs d’un cinéaste qui tente de gagner la reconnaissance de ses pairs

Avec un humour noir et parfois excessif, Kim Jee-woon s’amuse aussi à mettre en lumière plusieurs aspects négatifs de la nature humaine tels que la cupidité, le mensonge ou l’égocentrisme. Par-delà la critique de ses semblables et de leurs perversions, ce qui ressort surtout de son film est un hommage à la création et aux artistes incompris. A travers la caricature de son brave cinéaste en quête du chef-d’œuvre qui lui apportera la reconnaissance de ses pairs, Kim Jee-woon exprime de toute évidence son amour pour le 7e Art et sa solidarité avec les réalisateurs de l’ombre.

À notre avis, deux heures de délire cinématographique auraient largement suffi aux spectateurs pour apprécier les qualités de Ça tourne à Séoul, mais la quête de l’art pour l’art n’a apparemment pas de limite …

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

Kim Jee-woon- ca tourne a seoul - film coreen - cinema - syma - yeremian - gopikianÇa tourne à Séoul (Cobweb)

Un film de Kim Jee-woon

Avec Song Kang-ho, Park Jeong-su, Krystal Jung

Corée du Sud – 2023

En salles : le 8 novembre 2023

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À noter : Du 2 au 10 novembre 2023, la Cinémathèque Française consacre une rétrospective à Kim Jee-woon :

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Michel Gondry se confie sur son dernier film : Le livre des solutions

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Michel Gondry se confie sur son dernier film : Le livre des solutions 

Après L’Écume des jours, Conversation avec Noam Chomsky puis Microbe et Gasoil, Michel Gondry est de retour sur les écrans à travers un film autobiographique. Son Livre des Solutions revient en effet sur une période abracadabrante de sa vie où le réalisateur hyperactif a mis en place un livre d’auto-conseils afin d’éviter de trop se disperser.

Tourné sur le ton de la comédie, ce long-métrage est interprété par Pierre Niney qui joue avec une belle effervescence le rôle fantasque et capricieux de Marc (c’est à dire de Michel Gondry). À ses côtés, Frankie Wallach et l’irrésistible Blanche Gardin incarnent avec patience ses fidèles assistantes, quant à la comédienne Françoise Lebrun, elle déploie toute sa bienveillance et sa sensibilité pour devenir le seul être sur terre capable de comprendre les délires et les obsessions de Marc, son neveu.

Par-delà l’humour sémillant, la poésie à la Boris Vian ainsi qu’une scène surréaliste où Pierre Niney dirige un orchestre avec tous les pores de son corps, ce film est intéressant car il porte un regard sincère sur les esprits fantasques qui ont du mal à canaliser leur créativité. En dépit de cette singulière pathologie, Michel Gondry semble une fois de plus, avoir réussi à mener à bout ce mille et unième projet !

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Lors de la projection du film en avant-première au Centre Pompidou, Michel Gondry a amicalement accepté d’être interviewé.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce film, comment est né Le livre des solutions ?

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Michel Gondry lors de l’avant-première du 8 septembre 2023 au Centre Pompidou (©Florence Gopikian Yérémian)

Michel Gondry : C’est souvent mon fils qui me dit « Tiens, tu devrais faire ça ! » et il a vraiment de bonnes idées. Ce film raconte une période de ma vie où j’étais un peu en désordre dans ma tête. Toute ma famille s’inquiétait et pensait que je devais aller me faire soigner mais personne ne venait vraiment me voir. Mon fils est venu, il a débarqué avec son sac à dos, il est resté une dizaine de jours et a effectivement constaté que je faisais plein de trucs en même temps. Auprès de ses amis, il a une certaine fierté à évoquer mes excès et mes excentricités et il aime montrer que son papa n’est pas complètement normal. Il m’a donc dit « On aurait vraiment dû faire un documentaire sur cette période de ta vie où t’a fait tellement de trucs débiles ». Et le film est parti de là ! Avec du recul, je constate que durant cette période je faisais effectivement pas mal de trucs rigolos mais qu’il y avait aussi une grande souffrance en moi qui a dû faire du mal à beaucoup de monde autour de moi.

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C’est à Pierre Niney que vous avez confié le rôle de Marc, c’est-à-dire votre double dans le film

C’est un double par son rôle mais le personnage que compose Pierre Niney existe à part entière. Si je l’envisageais comme un double ça deviendrait une espèce de biopic où les gens se griment et miment une personne qui a existé : ce genre d’exercice ne m’intéresse pas. Pierre Niney a parfaitement compris dans quel état d’esprit j’étais, il m’a observé et il a bien joué en poussant mon ridicule et mon arrogance. C’est d’ailleurs uniquement par le regard des femmes qui l’entourent qu’on parvient à aimer le personnage qu’il incarne : on se dit que si elles peuvent supporter Marc c’est qu’il doit avoir certainement des qualités.

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La comédienne Françoise Lebrun incarne le magnifique personnage de Suzette, votre tante, qui a été très importante pour vous

Ma tante était plus rayonnante mais Françoise Lebrun a de la beauté dans les yeux. Quand on la voit et qu’elle commence à parler, sa beauté déborde et commence à envahir son visage et l’ensemble de son corps. Elle a compris toute l’intention des mots qu’elle devait porter à Marc ; durant le tournage, elle a porté ces mots avec son cœur et la douceur de sa voix. Son jeu a fait que c’est devenu ma tante avec tous les sentiments qu’elle avait envers moi. Je voulais que le public comprenne cet amour.

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Comment avez-vous décidé de faire une comédie de tout cela ?

Il y a une vraie souffrance en arrière-plan de ce film mais je n’ai pas voulu mettre de filtre dramatique pour expliquer à chaque instant que je traversais une période difficile. Malgré la souffrance, il faut chercher à ne pas esquiver les choses qui ont été drôles : c’est un chemin plus honnête pour parler de ce qu’on a à l’intérieur de soi. L’ironie sur soi est importante. Cet humour est une objectivité des évènements qui se sont passés : de l’extérieur ça reste drôle même si ça représente des choses qui sont assez dures.

Vous avez un rapport très particulier à l’écriture. Quel plaisir avez-vous pris à écrire le scénario ?

À mes débuts, j’avais un gros complexe d’écriture, je pensais ne pas pouvoir m’exprimer et je me suis donc forcé à écrire pour me prouver que j’avais tort. J’ai commencé à prendre la plume dès mon troisième film. Le meilleur moment quand on écrit c’est lorsque l’on a une scène et que les personnages se mettent à parler tout seuls. À un moment, on n’arrive plus à les faire taire ! Ce rapport aux mots et à la phrase est très important pour moi. J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire le scénario du Livre des Solutions.

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Parlez-nous de la scène où Marc vire un chef d’orchestre, le remplace et se met à diriger tous les musiciens avec son corps et sa musique intérieure

C’est une scène à la fois très poétique et en surchauffe. Elle est assez incroyable mais il faut savoir que je l’avais faite exactement comme ça dans la réalité. Cette ambition a été possible car je n’avais plus aucune inhibition à ce moment-là et que j’imaginais qu’on allait trouver un orchestre dans les Cévennes en une semaine : ce qui s’est passé ! Pour les diriger, j’ai donné une signification à chaque partie de mon corps et à cela est venue se greffer l’interprétation et la personnalité de chacun des musiciens de l’orchestre. Comme ils avaient tous des instruments classiques cela s’est mélangé de manière harmonique et, au final, on a obtenu une sorte de magie musicale pleine de puissance.

Tout au long du film, le personnage de Marc refuse de voir son film ou de participer au montage. Pourquoi cette attitude ?

Il a une extrême estime par rapport à son long métrage et il a peur de se décevoir. Il voit ce film comme quelque chose de très fragile qui va s’effriter quand il va le regarder donc il veut retarder le plus possible l’instant où il va devoir s’affronter et du coup détruire le film par son premier regard. Je vais également répondre à cette question par le « je » car ça s’est aussi passé dans ma vie : si j’évite de regarder un film c’est pour préserver ce moment où je découvre l’ensemble de mon oeuvre en ayant vraiment un regard extérieur. La fin du Livre des solutions est d’ailleurs fidèle à cette attitude… Elle montre aussi que les gens sont attachants quand ils sont un peu déréglés. Ça donne un espoir que finalement je n’ai pas guéri !

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Propos recueillis le 8 septembre 2023

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

 

Livre des solutions - cinema - gondry - niney - syma - news - gopikian - yeremianLe livre des solutions

Un film de Michel Gondry

Avec Blanche Gardin, Françoise Lebrun, Frankie Wallach, Pierre Niney et Sting … 🙂

Sortie le 13 septembre 2023

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Rheingold : l’odyssée d’un rappeur kurde

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Rheingold : l’odyssée d’un rappeur kurde

Réalisé en 2022 par le talentueux Fatih Akin, Rheingold retrace l’ascension chaotique de Xatar. Né en Iran dans les années 80 sous le nom de Giwar Hajabi, ce jeune chanteur d’origine kurde est devenu l’une des stars les plus adulées du rap allemand.

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Emilio Sakraya incarne le personnage de Xatar avec autant d’arrogance que de candeur

De Giwar Hajabi à Xatar

C’est avec beaucoup de compassion que le réalisateur Fatih Akin nous fait suivre un parcours de vie emprunt d’une rare violence et revient à la genèse des chansons et du succès de Xatar.

Entre des parents qui ont du fuir l’Iran de Khomeini, une mère héroïne de la résistance kurde et un père musicien qui l’abandonne durant l’adolescence, on comprend la volonté, la douleur mais aussi la colère qui ont forgé cet artiste authentique.

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Malgré les séjours en prison et en maison de détention, le leitmotiv du film demeure : Même les nuits les plus noires sont suivies de matins clairs…”

Une traversée de l’Iran à l’Allemagne

Avec une caméra dynamique, Fatih Akin (Head-on, Soul Kitchen, The Cut...) suit son protagoniste à travers la Syrie, l’Allemagne et les Pays-Bas en nous faisant plonger dans ses galères successives.

On voit grandir Xatar dans une banlieue sordide, on le voit également apprendre à frapper pour se défendre, tomber dans le trafic de drogue et enchaîner les séjours en taule et en maisons de correction.

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Aux côtés de Miran (Arman Kashani), le jeune Xatar (Emilio Sakraya) commence à côtoyer les grands barons de la criminalité.

Un film de gangsters à la fibre sociale

L’acteur Emilio Sakraya porte avec force et charisme son personnage : dans un mélange de haine, de désillusion mais aussi de candeur, il nous livre un homme plein de contrastes qui alterne les braquages, les deal, l’amour et … les cours de piano.

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Le réalisateur Fatih Akin

Fatih Akin est un peu trop compatissant avec son protagoniste notamment lorsqu’il veut le faire passer pour un bad boy reconverti. On aime cependant sa direction d’acteur (elle était magnifique dans The Cut avec Tahar Rahim !) son empathie à l’égard des minorités, son regard sur la diversité de la population allemande et son humanité envers les enfants de réfugiés : qu’il s’agisse de Kurdes, de Palestiniens ou d’Iraniens, il nous montre que ce melting-pot peut être aussi enrichissant qu’explosif.

Alternant entre un film de gangsters et un film musical sur fond de cause sociale, Rheingold nous livre au final un message en or  : “Même les nuits les plus noires sont suivies de matins clairs…”

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Un film de Fatih Akin

Avec Emilio Sakraya, Mona Pirzad, Hussein Eliraqui, Arman Kashani, Sogol Faghani

En salles actuellement

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Photos: Bombero Int. – Warner Bros. Ent – Gordon Timpen

Blue Jean : être gay dans les 80’s

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Blue Jean

Dans les années 80, le gouvernement de Margaret Thatcher stigmatise la communauté gay tant au niveau des médias que des mentalités. Au sein de ce régime ultra-conservateur, la jeune Jean est obligée de cacher son homosexualité afin d’être acceptée par ses proches et de ne pas perdre son emploi de professeure. L’arrivée d’une nouvelle élève au sein de sa classe d’EPS menace son secret et lui fait entièrement remettre en question sa double vie…

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À la fois belle et androgyne, la comédienne Rosy McEwen confère à Blue Jean une magnifique sensibilité.

 L’Angleterre puritaine de Miss Thatcher

C’est avec beaucoup de tact et d’intelligence que la réalisatrice Georgia Oakley relève le rideau de fer sur cette Angleterre si puritaine de la fin du siècle dernier. Revenant sur la propagande homophobe de Miss Thatcher, elle explore le climat de crainte et d’oppression qui pouvait régner alors au sein d’une petite ville industrielle du Royaume-Uni.

Mettant en scène le personnage androgyne de Jean, amicalement surnommée « Blue Jean » par ses amies, elle nous fait suivre le quotidien de cette « marginale » qui doit cacher son saphisme et faire profil-bas afin de pouvoir conserver son emploi.

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La réalisatrice Georgia Oakley parvient à traduire avec beaucoup de subtilité l’oppression quotidienne ressentie par Blue Jean au sein de son école.

Rosy McEwen: une actrice emprunte de fragilité

C’est à l’actrice Rosy McEwen que revient le rôle de Blue Jean. Dotée d’un talent indéniable et d’une très fine sensibilité, la jeune comédienne parvient à traduire tout le mal-être de sa protagoniste et nous livre un être pétri de doutes et de frustrations.

Rosy McEwen - Blue-Jean-film-cinema-syma-news-gopikian-yeremian-gay-lgbtDerrière ses yeux clairs et ses cheveux blonds peroxydés, on devine sa peur perpétuelle d’être jugée et sa paranoïa grandissante. À la fois timide et vulnérable, elle ne parvient pas à assumer son homosexualité et se sent traquée dans ses moindres faits et gestes.

Suffocant dans son propre mensonge, la belle finit par se sentir lâche et se demande jour après jour si elle doit « Fight or Flight »; qu’elle combatte pour s’affirmer ou qu’elle fuie pour se cacher, une chose demeure évidente tout au long du film : Jean doit faire un choix pour être enfin en accord avec elle-même et se libérer.

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Face à sa nouvelle élève (Lucy Halliday), Blue Jean commence à comprendre qu’elle ne peut plus mener de double vie si elle souhaite vivre en accord avec ses sentiments et sa sexualité.

Le regard lucide de Georgia Oakley sur la communauté gay

Blue Jean est un film d’une grande humanité qui fait étonnamment écho à toute l’actualité LGBTQI+ mais sans tomber dans l’impasse de la provocation ou de l’exhibitionnisme. Avec simplicité et évidence, Georgia Oakley propose un constat, pas une revendication. Un constat attristé sur le quotidien d’une femme gay qui ne parvient pas à s’affirmer. Un constat plein d’humilité qui prône la différence et propose le dialogue. Un constat lucide, enfin, qui montre que l’intolérance, quelle qu’elle soit, mène à la bêtise et incite à la haine.

Rosy McEwen - Blue-Jean-film-cinema-syma-news-gopikian-yeremian-gay-lgbt
Georgia Oakley place le spectateur au coeur d’une relation lesbienne presque banale. Avec simplicité et évidence, elle nous montre l’amour mais aussi la détresse qui alimentent ce couple de femmes. Face à la timide Blue Jean, la comédienne Kerrie Hayes (à droite) incarne une partenaire gay totalement décomplexée. Avec sa veste en cuir, ses tatoos, ses bières et sa gouaille de banlieue, cette superbe actrice apporte une note rock et déjantée à toute cette histoire.

Lorsque l’on regarde le long chemin parcouru depuis ces années Thatcher qui prônaient à outrance le schéma de la famille hétéronormée, on se dit que la communauté LGBT a eu gain de cause. On se demande cependant si notre société actuelle n’est pas en train de tomber dans le schéma inverse en faisant la promotion des allosexuels au détriment des couples « traditionnels »…

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

Rosy McEwen - Blue-Jean-film-cinema-syma-news-gopikian-yeremian-gay-lgbtBlue Jean

Un film de Georgia Oakley

Avec Rosy McEwen, Kerrie Hayes, Lucy Halliday

Production : Hélène Sifre

Super musique de Chris Roe !

En salles actuellement

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“Celui qu’on attendait” : Une fable philosophique signée Serge Avédikian 

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Projection-débat autour du film de Serge Avédikian 

Ce mercredi 29 mars à 20h30, le Ciné Club Christine propose une projection exceptionnelle du film de Serge Avédikian « Celui qu’on attendait ». Sortie en 2016, cette fable sociale entraine le comédien Patrick Chesnais dans un petit village arménien à deux pas de la frontière avec l’Azerbaïdjan…

En résonance avec l’actuel conflit arméno-azerbaidjanais et le blocus du Haut-Karabagh, Serge Avédikian invite les spectateurs à poursuivre le débat. Pour ce faire, il a convié les comédiens Patrick Chesnais et Arthur Arzoyan mais aussi Jean-Christophe Buisson (D.A du Figaro Magazine), le philosophe Pascal Bruckner et le journaliste Tigrane Yegavian de la revue Conflits.

Entre comédie et tragédie, cette soirée est ouverte à toutes les opinions et sensibilités.

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Le comédien Patrick Chesnais et une jeune fille du village arménien de Khatchik

Celui qu’on attendait : L’histoire

Jean-Paul Bolzek (Patrick Chesnais) est un acteur grenoblois venu présenter son one-man show en Azerbaïdjan. Tandis que son taxi le ramène à l’aéroport de Bakou pour rentrer en France, le véhicule tombe en panne et le chauffeur s’enfuit. Seul au beau milieu des montagnes, Bolzek traverse la frontière azérie sans s’en rendre compte et se retrouve en terre arménienne.

Arrivant dans le village de Khatchik, il est pris pour un espion à la solde de l’Azerbaïdjan et mis en détention. Lorsque les habitants se rendent compte de leur erreur, ils adoptent étrangement un tout autre comportement: prenant Bolzek pour un soi-disant messie rescapé du Génocide de 1915, ils l’accueillent comme le sauveur de leur terre ancestrale ! Malgré la barrière de la langue et les différences de mentalités, le comédien se laisse alors prendre au jeu et devient contre toute attente un véritable porteur d’espoir. 

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Quand un comédien grenoblois (Patrick Chesnais) est pris pour le messie par tout un village du Caucase…

Une fable philosophique

Ce film de Serge Avédikian peut être perçu comme une fable contemporaine. Alternant des moments d’humour et de grande tendresse, il porte un regard bienfaiteur sur l’homme et son positionnement au sein d’une société qu’il ne maitrise pas toujours. Le spectateur ne doit pas y chercher une logique d’actions ou une analyse sociétale, juste se laisser porter et s’interroger sur le sens de l’existence, celui des années qui passent et la nécessité de ne pas s’enfermer dans une triste solitude.

Malgré quelques allusions au conflit arméno-azéri, Serge Avédikian n’a pas souhaité mettre en avant le problème du Haut-Karabakh. Certes, le choix du tournage à la frontière des deux pays n’était pas anodin à cette époque mais ce n’est pas cet axe qui a porté son récit en 2016. 

En choisissant Patrick Chesnais comme protagoniste de cette drôle d’histoire, Serge Avedikian ne s’est pas trompé. Balloté comme une brebis égarée entre les monts du Caucase, Chesnais apporte beaucoup d’authenticité voire de burlesque à Bolzek, son personnage. Incapable de comprendre un seul mot d’arménien, il en est réduit à pousser des gueulantes, s’enfuir par les toilettes ou tenter de dialoguer en utilisant des phrases de Tintin. Son décalage permanent avec la réalité est amusant mais c’est surtout sa transformation progressive qui est attendrissante: voir ce français égoïste s’ouvrir peu à peu à une culture orientale et généreuse a quelque chose de savoureux. 

Parmi les autres interprètes se remarquent la sensuelle Arsinée Khanjian ainsi que Mikayel Dovlatyan qui incarne avec une austère retenue l’incontournable figure du prêtre. Afin de compléter son tableau folklorique, Serge Avédikian a aussi placé un joueur d’échec, un pseudo-mafieux et une ribambelle de fonctionnaires teintés de sovietisme.

Avedikian-syma-news-chesnais-film-gopikian-yeremianCelui qu’on attendait
Un film de Serge Avédikian

Sur une idée de Jean François Derec
Avec : Patrick Chesnais, Arsiné Khandjian, Robert Harutyunyan,  Nicolay Avétisyan, Stephan Ghambaryan

Christine Ciné Club
4, rue Christine – Paris 6e
T. 0143258578

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Interview * de Serge Avédikian  

Florence Gopikian Yérémian : Comment est née l’idée du film?

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Le réalisateur Serge Avédikian

Serge Avédikian : Ce projet a été conçu au fil de mes discussions avec le comédien Jean-François Derec. Jean-François avait envie de raconter l’histoire d’un homme qui s’égare dans un milieu à priori hostile. L’idée principale était de s’interroger sur la communication et l’interaction de deux cultures différentes: que se passe t’il lorsqu’un homme se retrouve seul au milieu d’une société qui ne comprend pas sa langue? Certes, cela est déstabilisant car il est obligé de s’adapter à son nouvel environnement, cependant c’est aussi formateur car il est immédiatement renvoyé à sa propre solitude, ce qui l’emmène à regarder autrement son couple, son métier et son mode de vie. C’est précisément ce recul sur l’existence et cette introspection qui sont mis en avant à travers le singulier personnage de Bolzek.   

Pourquoi avoir choisi Patrick Chesnais pour incarner ce pauvre Bolzek ? 

C’est un comédien français qui a une particularité : il est en rupture dans son travail aussi bien que dans son jeu. Lorsque l’on regarde ses films, l’on voit que Chesnais porte une sorte de clown de lui-même. Ce n’est pas un comique au premier sens du terme mais il est en marge dans sa gestuelle et dans son phrasé. Cela correspond parfaitement à la figure désorientée de Bolzek qui ne comprend pas trop ce qui lui arrive mais essaye de s’adapter. Patrick est un acteur qui a atteint la maturité suffisante pour être dans ce type de lâcher-prise: lorsque qu’il a lu le scénario, il a tout de suite accepté de se laisser entrainer en Arménie sans trop savoir où il mettait les pieds. Je pense personnellement qu’il a vécu et ressenti ce rôle comme une aventure personnelle plus qu’une composition. Il a d’ailleurs beaucoup apprécié le voyage. 

Qu’en est-il d’Arsinée Khanjian qui interprète une enseignante arménienne ?

Arsinée est une amie de longue date, tout comme son mari, le réalisateur Atom Egoyan, avec qui je partage une réelle complicité cinématographique. Je l’ai choisie car elle possède naturellement l’engagement de sa protagoniste : c’est une femme de caractère qui sait alternativement être subtile ou psycho-rigide. Sa figure est très importante dans le film car même si elle n’apparait que trois fois, elle fait évoluer l’histoire vers une quête d’humanité, voire de romantisme.    

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Bolzek (Patrick Chesnais) n’est pas indifférent aux charmes de la belle Tzarkanoush (Arsinée Khanjian)

Comment s’est passé le tournage? 

On a démarré en mai 2015 et cela a duré presque huit semaines. Toute l’équipe française vivait chez l’habitant ce qui a entrainé une très belle communion. Bien sûr la logistique n’était pas toujours évidente mais on a fraternisé avec la mairie et on a mis les habitants à contribution en les engageants comme figurants ! On a même travaillé avec de vrais soldats qui ont prêté leur uniforme à Patrick! Certes, il n’y avait pas vraiment d’eau chaude ou de confort mais l’amitié était là, sans parler de la générosité des Arméniens et de leurs tablées: nous avons eu droit à de la nourriture bio pendant tout le séjour ! Lavash, yaourt maison, xholovatz… Patrick n’a pas arrêté de manger de la viande et de se régaler !

Comment avez-vous géré la barrière de la langue? 

Il y a très vite eu une empathie entre l’équipe française et les habitants du village qui parvenaient à communiquer avec des gestes. De mon côté, par contre, j’ai du déployer une énergie phénoménale pour diriger le film simultanément en français et en arménien: durant tout le tournage, j’ai du parler les deux langues quasiment en même temps. Cela m’a mis dans un état de transe épuisant, mais ça a eu le mérite de faire rire tout le monde.

Patrick Chesnais a t’il appris ses textes en arménien? 

Je les lui écrivais en phonétique et il les répétait. Patrick n’est pas très doué pour les langues orientales, il a du mal avec la prononciation et il fait un réel effort pour déclamer ses phrases. J’ai tenu à conserver cette approche maladroite au montage car je trouvais qu’elle correspondait parfaitement à la gaucherie de Bolzek. 

Quel a été le rapport de Patrick Chesnais avec l’Arménie? 

Je pense qu’il a vraiment apprécié le côté très direct et rugueux des villageois. Patrick vient des alentours de Rouen et a grandi dans cette atmosphère franche et rurale. Au fil des jours, il a eu l’impression de faire un come-back dans les années 50 et cela lui a beaucoup plus. En vivant avec des gens sans-façon qui le regardaient dans les yeux et le prenaient simplement dans leur bras, il s’est rendu compte à quel point les mentalités avaient changées.

Avez-vous fait exprès de ne pas sous-titrer l’ensemble du film ?

Parfaitement. Au début de l’histoire, j’ai voulu que les spectateurs français soient aussi déstabilisés que Patrick. J’ai donc fait abstraction de plusieurs dialogues arméniens afin qu’ils ressentent eux-mêmes ce vide linguistique. L’absence de sous-titres leur fait perdre tout repaire et fonctionne très bien dans la dynamique du film. 

Vous avez aussi introduit des « vignettes » et de malicieux clins d’oeil stylistiques? 

Oui, lorsque Bolzek rêve de s’enfuir, j’ai souhaité faire des références au cinéma muet de Chaplin et de Buster Keaton. Mon protagoniste est acteur de profession et l’on découvre ainsi à l’écran comment peut fonctionner son imagination. Quand ensuite Bolzek participe à la manifestation du village contre la mafia locale, j’ai aussi procédé à une « Tinténisation » du film en faisant un clin d’oeil au monde de la Bande Dessinée pour explorer une autre façon de communiquer. 

Vous avez fait appel à Gérard Torikian pour composer la musique ? 

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Gérard Torikian a signé la musique du film

Tout à fait. J’ai déjà travaillé avec Gérard sur la pièce ” Le concert arménien ou le proverbe turc »  et à mes yeux, c’est la personne qui pouvait le mieux sentir le décalage ludique qu’il fallait apporter musicalement à mon film. La force de cet artiste est de ne pas être cloisonné dans son arménité. Bien sûr, il possède la langue, le savoir et la sensibilité de ses ancêtres mais il les enrichit sans cesse en laissant d’autres cultures se superposer. À son exemple, il faut que les Arméniens se décomplexent, qu’ils métissent leur patrimoine afin de se rendre universels. Aujourd’hui plus personne ne se résume à une seule identité, il faut être pluriel, avoir un regard large.

Quel est le message de votre long-métrage?

Il n’y a pas un message précis car ce n’est pas un documentaire. « Celui qu’on attendait » est une fiction où les thématiques s’imbriquent. J’y évoque le rapport au temps, la vieillesse, le besoin de communiquer… L’un des thèmes qui me tient le plus à coeur demeure cependant celui du comédien: qu’est-ce qu’un comédien ? Est-ce un homme qui passe à côté du réel en s’impliquant trop dans sa profession? Et quel est vraiment l’impact des rôles qu’il endosse sur sa vraie vie?

Vous placez cette histoire à la frontière de l’Azerbaïdjan, ce n’est pas un choix anodin…

J’ai tourné le film en 2015, année du centenaire du Génocide des Arméniens mais je n’ai pourtant pas voulu en faire un manifeste en faveur du Haut-Karabakh. J’avais envie d’évoquer une réalité propre à tous les gens d’aujourd’hui, de mettre en avant l’homme dans sa solitude et son besoin d’autrui.

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Interview * de Patrick Chesnais 

Florence Gopikian Yérémian : Aviez-vous déjà travaillé avec Serge avant ce long-métrage ?

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Le comédien Patrick Chesnais sera présent à la projection-débat du 27 mars au Ciné Club parisien Christine

Patrick Chesnais : Non, mais je le connaissais depuis longtemps comme comédien car il a joué avec ma femme – Josiane Stoléru – durant des mois dans la pièce de Tennessee Williams, “La ménagerie de verre”.

Comment est-il en tant que réalisateur ?

Serge est assez précis, il veut tout contrôler mais comme il est lui-même acteur il laisse une certaine liberté à ses interprètes. Heureusement !  

Qu’est ce qui vous a fait accepter le rôle tragi-comique de Bolzek ? 

Le personnage était intéressant en soit, tout comme le scénario, mais c’était surtout alléchant pour moi d’aller en Arménie et de m’immerger dans un monde inconnu avec de nouveaux acteurs. Déjà sur le papier, cela avait l’air excitant.  

Comment s’est passé votre séjour ?

A l’exemple de mon personnage, il y a eu un choc des cultures lorsque je suis arrivé à Khatchik. Un tel environnement ça secoue radicalement les habitudes! J’avoue qu’au début j’ai eu un peu peur car le village était assez précaire mais on a été si bien reçus qu’au fil du tournage j’ai trouvé cette expérience très agréable. 

Avez-vous, à l’instar de Bolzek, vécu cette parenthèse exotique comme un retour à l’essentiel ?

Oui. En Arménie, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un village normand de l’après guerre. Le fait d’être coupé du monde modifie complètement les relations entre les gens. J’ai ressenti une disponibilité et une ouverture impressionnante de la part des habitants. L’on y vit à une autre vitesse, bien loin de l’accélération et de la folie parisienne. Cela confère une toute autre saveur aux choses. 

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Qu’est ce qui vous a séduit en Arménie? 

L’hospitalité. Il y a une véritable gentillesse partout où vous allez. Même si je ne parlais pas la langue, les gens me comprenaient. L’on échangeait avec le regard, la gestuelle, le sourire, c’était très intéressant. 

Avez-vous eu le temps de partir en excursion ?

J’ai visité le Lac Sevan et la capitale. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé Erevan et ses habitants. C’est une ville très riche culturellement, très vivante, il y a beaucoup de théâtres, de musées et, en même temps, une douceur de vivre incroyable.

Avez-vous eu droit aux traditionnels « guenadz » (“Santé !”) durant votre séjour ? 

Oui et ça m’a beaucoup plus. A chaque invitation, chez le maire ou ailleurs, on levait le verre ! J’aime cette tradition où chacun prend la parole pour remercier ses proches ou féliciter ses amis. Tout le monde est attentif, à l’écoute des autres. Effectivement, si l’on boit à chaque fois cul-sec, on devient saoul très rapidement mais en faisant attention on peut s’en sortir…

Etiez-vous au courant du conflit arméno-azerbadjanais avant le tournage?

Franchement non. Mais vu qu’on était à la frontière, je m’y suis bien penché. Comment faire autrement? L’armée était omniprésente sur le tournage!

Comme le dit votre protagoniste, pensez-vous que « l’Arménie puisse faire la paix avec ce pays voisin » ?

Ces questions de territoire sont très complexes. Je pense que si la paix doit se faire, ce sera par le biais des grandes puissances occidentales et russes. Il faut cependant qu’un partage équitable se fasse car on a déjà piqué suffisement de territoires aux Arméniens : les Turcs se sont largement servis ! A mes yeux, le peuple arménien est à présent légitimement en droit de revendiquer d’autres terres. Il suffit simplement de regarder l’Histoire pour comprendre l’injustice dont ils sont victimes.

* Ces deux interviews ont été faites au lendemain de la sortie du film en mai 2016

Florence Gopikian-Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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