Jean David Nkot est l’une des figures grimpantes de la scène contemporaine africaine. Originaire du Cameroun, il propose un art engagé qui pose un regard attentif à l’humain et aux dérives consuméristes de notre époque. Nous avions découvert ses oeuvres à l’Akaa Fair et, plus récemment, au sein de l’exposition Pigozzi. Jusqu’au 10 septembre, la Galerie Afikaris lui consacre un très bel accrochage où l’artiste se penche sur l’exploitation minière des matières premières afin de dénoncer l’épuisement des ressources de notre planète et celui des corps.

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##@Les enjeux de la mondialisation.org (Acrylique, encre et sérigraphie sur toile – 170×200 – 2022)

Rencontre avec Michaëla Hadji Minaglou de la Galerie Afikaris.

Florence Gopikian Yérémian : Quelle est la technique de Jean David Nkot ?

Michaëla Hadji Minaglou : Il travaille essentiellement à l’acrylique et pratique aussi la sérigraphie : dans un premier temps, il recouvre ses toiles de cartes urbaines imprimées à l’encre puis il peint progressivement des décors et des personnages en se basant sur des photos.

Il y a donc un travail photographique en amont de sa peinture ?

Tout à fait. Jean David Nkot organise régulièrement des shootings où il emploie des modèles qu’il met en scène au coeur de sa future composition picturale. Au sein de sa dernière série, les figures  féminines se sont d’ailleurs peu à peu imposées.

Que représentent ses cartes sérigraphiées ?

Ce sont des fonds topographiques inspirés à l’origine des villes de Dakar et de Paris. Selon ses oeuvres, Jean David Nkot utilise de petites plaques sérigraphiques de façon aléatoire. Au final, celà crée des fonds schématiques ornés de villes imaginaires. 

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#Pharaons des crevasses.org (Acrylique, posca et sérigraphie sur toile – 200×240 – 2022)

Quelle est la thématique de ce nouvel accrochage ?

L’ensemble des tableaux exposés chez Afikaris se concentrent sur l’exploitation minière et les matières premières. À travers ses oeuvres, Jean David Nkot dénonce non seulement l’épuisement des ressources mais aussi l’épuisement des hommes. Il tente d’expliquer qu’un corps en souffrance n’est pas nécessairement décharné. Bien au contraire, ce sont souvent des corps encore assez forts qui peuvent endurer la souffrance physique du travail minier.

L’exposition a pour titre « Les pommes de la discorde », pour quelle raison ?

C’est assez subtil. Jean David Nkot a représenté sur plusieurs de ses toiles une batterie de voiture.  Ce motif récurent est pour lui semblable à une pomme de la discorde car cette batterie contient des minerais rares qui sont aujourd’hui devenus les enjeux économiques et politiques de plusieurs nations.

Son art a donc une grande portée symbolique ?

Absolument. Il véhicule beaucoup de messages sociaux ou humanitaires. Les titres même des oeuvres de Jean David Nkot sont allégoriques. Il leur donne d’ailleurs des noms assez complexes précédés de « www » ou de « P.O Box » afin de montrer que ses tableaux sont de véritables moyens de communication. 

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Fr.Blueline.org.cm.com (Acrylique, posca et sérigraphie sur oitle – 200 x 247 – 2022)

Auriez-vous un exemple à citer en particulier ?

Entre  « Les pharaons des crevasses.org » et « Les Amazones des mines.org » se distingue la toile “fr.blueline.org.cm.com” . Cette grande composition représente deux personnages travaillant dans une mine de cobalt. Jean David Nkot les a intentionnellement peints en bleu afin de dénoncer la toxicité de ce minerai : via son pinceau, il propose une exploration autour des chairs qui s’imprègnent de la couleur du minerai et deviennent elles-mêmes cette matière.

Certaines oeuvres comprennent justement des textes écrits sur les corps des personnages

Effectivement. Le texte qui revient le plus est celui faisant référence au livre « Minerais de sang » de Christian Boltanski. Les extraits repris par Jean David Nkot dénoncent l’esclavage qui découle de l’extraction de matières premières telle que le coltan. Il parle également du cheminement de ces matériaux qui sont exportés à travers le monde par les multinationales.

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Pomme de la discorde.com (Acrylique, posca et sérigraphie sur oile – 140 x 160 – 2022)

Les enfants sont, bien sûr, présents dans ses compositions

À travers ces jeunes victimes de l’extraction minière, Jean David Nkot poursuit ses revendications : épuisement des matières, épuisement des sols et, au final, épuisement des hommes et de leur progéniture. L’un des enfants qu’il a peint est mis en avant aux côtés d’une batterie de voiture électrique. Jean David a couvert les membres de son protagoniste de slogans publicitaires utilisés habituellement pour vendre ce type de batterie. Censément les véhicules électriques sont meilleurs pour l’homme et plus écologiques… celà est faux car leurs batteries nécessitent toujours autant de matériaux miniers dont l’extraction tue des vies…

Quels sont les projets de Jean David Nkot ?

Il travaille sur sa prochaine exposition qui se tiendra au sein de notre galerie en 2023. Elle doit se nommer « Prédation » et sera cette fois consacrée aux multinationales qui contrôlent toute l’exploitation des matières premières à travers le monde.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Fr.m.Les amazones des mines.org (Acrylique, posca et sérigraphie sur toile – 200 x 290 – 2022)

Jean David Nkot
Les Pommes de la discorde

Jusqu’au 10 septembre

Galerie Afikaris
38, rue Quincampoix – Paris 4e

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Galerie AFIKARIS

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.