Bonhams mène les enchères à la foire d’art africain AKAA

Ce samedi 13 novembre au Carreau du Temple, la Maison Bonhams a mené une vente d’art africain moderne et contemporain au sein de l’AKAA Fair. Une première expérience pour une foire d’art qui manquait d’écho face à de telles pièces. À renouveler dès l’an prochain !

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Chéri Samba : J’aime la couleur (Acrylique et paillettes sur toile – 2004)

La République Démocratique du Congo

Les amateurs d’art africain du XXe et XXIe siècles le savent : la République Démocratique du Congo est l’un des pôles artistiques les plus actifs de cette période (Voir à ce sujet, nos articles sur la Galerie Art Brazza ou sur l’exposition Kings of Kin des Galeries Natalie Seroussi et Magnin-A).

Lors de la vente Bonhams, la RDC était donc présente avec une acrylique de Cheri Cherin tout à fait dans l’air du temps : un hommage en couleurs aux scientifiques et aux soignants de la Covid-19 qui a été acquis à 2500€ mais aurait vraiment du susciter plus d’enthousiasme auprès des enchérisseurs.

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Cheri Cherin : Hommage aux donneurs d’espoir et aux personnels soignants (Acrylique sur toile – 2020)

L’irremplaçable Chéri Samba avait trois oeuvres en techniques mixtes abordant avec son humour habituel des thèmes qui lui sont chers tels que la dénonciation des horreurs de la guerre civile ou son autoportrait décliné à travers un ruban de Moébius (adjugé à 18000€). Dans un registre plus amusant, sa troisième toile Le Crapeau Sapeur taquinait sympathiquement les « élégants du Congo », ces dandys contemporains qui ont remis au goût du jour la culture de la SAPE (Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes) et en ont fait une véritable religion locale.

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Chéri Samba : Le Crapeau Sapeur (Huile sur toile – 1993)

Très belle pièce également de Freddy Tsimba qui n’hésite pas à allier puissance et revendication à travers une sculpture de femme enceinte faite entièrement en douilles soudées et en munitions neutralisées. Le passage en douane d’une telle oeuvre peut s’avérer complexe mais celà ne fait qu’en augmenter la force et le message.

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Freddy Tsimba : Sans titre (Douilles soudées – 2000-2002)

L’ancienne école du Congo proposait aussi une pièce animalière d’un des pionniers de l’art congolais : Kibwanga Mwenze. Connu pour ses scènes de chasse et ses représentations de la faune locale, son oeuvre déclinait des gazelles au repos dissimulées dans une végétation stylisée. D’aspect très décoratif à cause du travail en zébrures et de l’absence de perspective, cette pièce rarissime n’a pas dépassé les 3000€. Étonnant pour un tableau de l’avant-garde dont les équivalents étaient déjà exposés cinq ans auparavant à la Fondation Cartier ! 

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Kibwanga Mwenze : Sans titre (Huile sur papier – 1955)

Le Nigéria

Le Nigeria a battu des records notamment avec une superbe sculpture de bronze réalisée par Enwonwu et adjugée à 75000€ : nommée Anyanwu, cette déesse au corps longiligne symbolise aux yeux de l’artiste la nation montante à travers les images de la femme, la mère et la nourricière.

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Benedict Chukwukadibia Enwonwu M.B.E : Anyanwu (Bronze et résine)

Ravissante toile également de Godwin Oluwole Omofemi qui a conçu un portrait de femme ton sur ton d’une très grande pureté. De par sa délicatesse chromatique et le silence qui en émane, le tableau Awaiting est, à n’en pas douter, l’une des plus belles pièces de la vente Bonhams (Adjugée à 52000€)

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Godwin Oluwole Omofemi : Awaiting (Huile et acrylique sur toile – 2012)

Concernant le Nigéria, il faut aussi saluer le travail du graveur Bruce Onobrakpeya présent à travers un relief en métal déclinant Les Derniers jours du Christ. Par-delà son éblouissante technique de gravure, cette oeuvre met en avant l’engagement de Bruce en faveur de la décolonisation des arts visuels africains. Afin de se détacher de l’omniprésence culturelle européenne, il a revêtu ses figures bibliques de tenues locales et les a faites évoluer dans des décors nigérians. (Adjugé à 11000€)

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Bruce Onobrakpeya : The last Days of Christ (Relief en métal sur panneau de bois)

Un véritable tour artistique du continent africain

Le Cameroun participait à la vente avec des toiles figuratives d’Ategwa (Raining Season) et de Njepe (Enfance volée) ainsi que des réinterprétations de Big Ben et du Château de Versailles par Noah.

Le Sénégal proposait une gouache très « Arts Déco » de Bacary Diémé, quant à la Côte d’Ivoire, elle était mise en avant à travers deux oeuvres d’art brut peintes par Aboudia qui ont respectivement été adjugées à 50000€ et 60000€. Notons aussi la présence d’un rare pastel de Ouattara Watts dont la carrière a été boostée dans les années 90 suite à sa rencontre avec Basquiat.

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Aboudia : Sans titre (Acrylique, crayon et collage sur toile – 2013)

Le Mozambique avait pour porte-parole une gouache de Ngwenya, deux huiles de l’emblématique Bertina Lopes affectueusement nommée Mama B. (enfin une femme !) ainsi qu’un « canapé métallique » de Gonçalo Mabunda fabriqué à base de cartouches et d’armes démilitarisées.

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Gonçalo Mabunda : Sans titre (Douille, fer, armes démilitarisées)

L’Ouganda été représenté par une demi-douzaine de tableaux signés Joseph Ntensibe, l’Afrique du Sud montrait une oeuvre unique de Kgole sur fond de QR Code (Vivid 2021), quant à l’Éthiopie, elle rougeoyait à travers deux compositions figuratives de Getahun Assefa Balcha mettant en scène des chasseuses (Preparation for the Hunt) ainsi que des jeunes femmes disparaissant derrière d’éblouissantes gerbes de fleurs (Girls with Flowers).

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Getahun Assefa Balcha : Girls with Flowers – 2020)

L’Afrique du Nord faisait la part belle au Maroc avec une superbe sculpture en bronze de Mahi Binebine (Le Cercle) ainsi qu’un portrait spectral du peintre El Yacoubi qui était l’un des artistes protégés de Francis Bacon. Présence aussi de l’Égypte avec Khaled Hafez, de l’Algérie avec une toile abstraite de Ben Bella ou de la Tunisie avec une acrylique d’Ahmed Hajeri (Le jeu de Maijda)

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Mahi Binebine / Le Cercle (Bronze et cordes – 2015)

Le Bénin, enfin, concluait cette vente avec trois oeuvres de Dominique Zinkpè que l’on peut considérer comme le fils spirituel de Basquiat et l’un des plus grands artistes africains contemporains. Réalisées en techniques mixtes, ces compositions exacerbées aux personnages contorsionnés présentaient La métamorphose Koudio, le Plaisir nocturne ainsi qu’une scène peuplée d’étranges figures aux comportements singuliers nommée À minuit. 

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Dominique Zinkpè : Plaisir Nocturne (Acrylique sur Toile – 2019)

Cette vente unique offrait donc un très beau tour du continent africain qui a permis aux Happy Few présents dans la salle d’apprécier l’ébullition et la diversité des propositions picturales et sculptées d’une cinquantaine d’artistes. Espérons que cet évènement sera reconduit l’an prochain au sein de l’AKAA Fair avec une plus grande audience afin de pouvoir offrir une reconnaissance sonnante et trébuchante à toute la nouvelle création africaine !

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La vente était menée sous le marteau de Catherine Yaiche – directrice de Bonhams France – en compagnie du spécialiste d’art moderne et contemporain africain Giles Peppiatt.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

auction-enchere-akaa-art-africain-syma-news-yeremian-gopikianVente aux enchère – Bonhams

Art Moderne & Contemporain Africain

Le Samedi 13 novembre 2021 à 14h

AKAA Fair : Carreau du Temple – Paris 3e

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.