Coup double pour Camelia Jordana, de retour avec « Facile, fragile ». Un album éclectique partagé en deux parties. La première pop entêtante, et une seconde d’avantage live acoustique. Une croisée musicale entre les différents styles de la chanteuse sur fond de sujets qui lui tiennent à coeur, comme le féminisme. Chronique musicale d’un disque accessible et militant.

Camelia Jordana - Facile fragile -

Debout le point levé

Bien décidée à partir à la reconquête du grand public, Camélia Jordana surprenait il y a quelques mois avec « Facile ». Un premier single enivrant et radiophonique qui a fait d’elle l’artiste féminine la plus écoutée en France en 2020. Un essai concluant qui l’a motivé à poursuivre dans ce sens.
Mais loin pour l’artiste l’envie de tomber dans la facilité ou pire la futilité. Elle qui pour rien au monde ne se condamnera au « Silence ». Se faisant entendre même un peu plus fort sur ce deuxième single inspiré des critiques dont elle est la cible. « Tu parles, tu parles, tu parles trop, à chaque fois tu l’ouvres ça te fait défaut » clame-t-elle avec ironie reprochant à la société de prendre les artistes engagés pour cible. Une personnalité qui n’a pas sa langue dans sa poche, souvent pointée du doigt pour ses idées bien tranchée. Et pourtant elle l’assure elle-même, loin d’elle l’envie de faire un disque engagé. « Je fais des chansons avec des sujets qui me tiennent à coeur » nous assurait-elle même au cours d’une interview. À commencer par le féminisme. Un thème primordial pour elle, qui s’est imposé presque naturellement comme fil conducteur de l’album. Assumé très clairement d’entrée de jeu par « Femmes ». Un hymne dédié à toutes les filles, sœurs, mères et épouse du monde, dont bon nombre d’entre elles se sentent obligées de se pomponner « Jusqu’au bout des cils » pour plaire à ces messieurs. « Le combat nous appelle » clame-t-elle, appelant à l’union et à la motivation des troupes. Y compris «Les garçons » dont elle dépeint un doux portrait en second partie de son album. Une femme de caractère se levant contre les beaux parleurs au sein de l’efficace « J’oublie vite » porté par des sonorités solaires. Allant même jusqu’à s’imaginer être l’un d’entre eux dans l’audacieux et majestueux « Si j’étais un homme ». Se rêvant à une égalité totale mais aussi à une unité collective dans l’utopiste « Si on s’aimait tout.te.s » au nom symbolique. Une invitation à la tolérance, faisant référence au racisme une autre cause qui l’anime. Une interprète fière de ses racines qui les expose fièrement derrière des sonorités orientales rythmant « Nata Lova » ou encore le criant « SOS Méditerranée » faisant référence à une association venant en aide aux réfugiés en haute mer. Une composition qui lui tient profondément à coeur.

Camelia Jordana - Facile fragile -

Confessions et lâché prise

Proposant un style plus populaire en première phase de son double album. Des titres sur lesquels elle s’accorde un certain lâché prise en tout enthousiasme.
À l’instar de l’entêtant « Le monde en main », un hit à contre-courant de ce que la majeure partie imagine d’elle. Laissant apparaître une artiste plus épanouie que jamais. Démontrant que derrière cette image d’interprète jazzy un peu vieillotte, existe bel et bien de 28 ans moderne. Et quoi de mieux pour approfondir sa démarche qu’une collaboration avec des rois du streaming comme Dadju et Soolking. Deux chanteurs urbains pour tout autant de tubes en puissance que sont « Loco » et « Te parler ». Une demoiselle légère, parfois fleur bleue pour qui l’amour est une préoccupation comme pour les jeunes de son âge. Partageant sa déception au sein de « Ta vie pour toi », avant de baisser la garde sur le berçant « Nos chansons ». Une ambiance feutrée qui résonne dans la seconde moitié de l’album. Rythmée entre autre par le mélancolique « Seul » où on l’imagine totalement derrière son piano un soir de composition. Même effet à l’écoute de « Reste en vie » aux sonorités dépouillées, ou encore à « Because of you » interprété en anglais. Un style acoustique faisant baisser la pression jusqu’au bout. Terminant sur une note intime et introspective avec « While your breathe ». Un titre aérien s’interrogeant délicatement sur la trahison et quête de soi, sans révolte ni haine.

En bref avec « Facile fragile », Camelia Jordana livre là différentes facettes de son univers musical. Une manière à elle de baisser les armes sans pour autant cesser le combat de ce qui l’anime tant.

Coups de coeur : Loco / J’oublie vite / Si j’étais un homme

DROUIN ALICIA