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“Celui qu’on attendait” : Une fable philosophique signée Serge Avédikian 

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Projection-débat autour du film de Serge Avédikian 

Ce mercredi 29 mars à 20h30, le Ciné Club Christine propose une projection exceptionnelle du film de Serge Avédikian « Celui qu’on attendait ». Sortie en 2016, cette fable sociale entraine le comédien Patrick Chesnais dans un petit village arménien à deux pas de la frontière avec l’Azerbaïdjan…

En résonance avec l’actuel conflit arméno-azerbaidjanais et le blocus du Haut-Karabagh, Serge Avédikian invite les spectateurs à poursuivre le débat. Pour ce faire, il a convié les comédiens Patrick Chesnais et Arthur Arzoyan mais aussi Jean-Christophe Buisson (D.A du Figaro Magazine), le philosophe Pascal Bruckner et le journaliste Tigrane Yegavian de la revue Conflits.

Entre comédie et tragédie, cette soirée est ouverte à toutes les opinions et sensibilités.

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Le comédien Patrick Chesnais et une jeune fille du village arménien de Khatchik

Celui qu’on attendait : L’histoire

Jean-Paul Bolzek (Patrick Chesnais) est un acteur grenoblois venu présenter son one-man show en Azerbaïdjan. Tandis que son taxi le ramène à l’aéroport de Bakou pour rentrer en France, le véhicule tombe en panne et le chauffeur s’enfuit. Seul au beau milieu des montagnes, Bolzek traverse la frontière azérie sans s’en rendre compte et se retrouve en terre arménienne.

Arrivant dans le village de Khatchik, il est pris pour un espion à la solde de l’Azerbaïdjan et mis en détention. Lorsque les habitants se rendent compte de leur erreur, ils adoptent étrangement un tout autre comportement: prenant Bolzek pour un soi-disant messie rescapé du Génocide de 1915, ils l’accueillent comme le sauveur de leur terre ancestrale ! Malgré la barrière de la langue et les différences de mentalités, le comédien se laisse alors prendre au jeu et devient contre toute attente un véritable porteur d’espoir. 

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Quand un comédien grenoblois (Patrick Chesnais) est pris pour le messie par tout un village du Caucase…

Une fable philosophique

Ce film de Serge Avédikian peut être perçu comme une fable contemporaine. Alternant des moments d’humour et de grande tendresse, il porte un regard bienfaiteur sur l’homme et son positionnement au sein d’une société qu’il ne maitrise pas toujours. Le spectateur ne doit pas y chercher une logique d’actions ou une analyse sociétale, juste se laisser porter et s’interroger sur le sens de l’existence, celui des années qui passent et la nécessité de ne pas s’enfermer dans une triste solitude.

Malgré quelques allusions au conflit arméno-azéri, Serge Avédikian n’a pas souhaité mettre en avant le problème du Haut-Karabakh. Certes, le choix du tournage à la frontière des deux pays n’était pas anodin à cette époque mais ce n’est pas cet axe qui a porté son récit en 2016. 

En choisissant Patrick Chesnais comme protagoniste de cette drôle d’histoire, Serge Avedikian ne s’est pas trompé. Balloté comme une brebis égarée entre les monts du Caucase, Chesnais apporte beaucoup d’authenticité voire de burlesque à Bolzek, son personnage. Incapable de comprendre un seul mot d’arménien, il en est réduit à pousser des gueulantes, s’enfuir par les toilettes ou tenter de dialoguer en utilisant des phrases de Tintin. Son décalage permanent avec la réalité est amusant mais c’est surtout sa transformation progressive qui est attendrissante: voir ce français égoïste s’ouvrir peu à peu à une culture orientale et généreuse a quelque chose de savoureux. 

Parmi les autres interprètes se remarquent la sensuelle Arsinée Khanjian ainsi que Mikayel Dovlatyan qui incarne avec une austère retenue l’incontournable figure du prêtre. Afin de compléter son tableau folklorique, Serge Avédikian a aussi placé un joueur d’échec, un pseudo-mafieux et une ribambelle de fonctionnaires teintés de sovietisme.

Avedikian-syma-news-chesnais-film-gopikian-yeremianCelui qu’on attendait
Un film de Serge Avédikian

Sur une idée de Jean François Derec
Avec : Patrick Chesnais, Arsiné Khandjian, Robert Harutyunyan,  Nicolay Avétisyan, Stephan Ghambaryan

Christine Ciné Club
4, rue Christine – Paris 6e
T. 0143258578

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Interview * de Serge Avédikian  

Florence Gopikian Yérémian : Comment est née l’idée du film?

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Le réalisateur Serge Avédikian

Serge Avédikian : Ce projet a été conçu au fil de mes discussions avec le comédien Jean-François Derec. Jean-François avait envie de raconter l’histoire d’un homme qui s’égare dans un milieu à priori hostile. L’idée principale était de s’interroger sur la communication et l’interaction de deux cultures différentes: que se passe t’il lorsqu’un homme se retrouve seul au milieu d’une société qui ne comprend pas sa langue? Certes, cela est déstabilisant car il est obligé de s’adapter à son nouvel environnement, cependant c’est aussi formateur car il est immédiatement renvoyé à sa propre solitude, ce qui l’emmène à regarder autrement son couple, son métier et son mode de vie. C’est précisément ce recul sur l’existence et cette introspection qui sont mis en avant à travers le singulier personnage de Bolzek.   

Pourquoi avoir choisi Patrick Chesnais pour incarner ce pauvre Bolzek ? 

C’est un comédien français qui a une particularité : il est en rupture dans son travail aussi bien que dans son jeu. Lorsque l’on regarde ses films, l’on voit que Chesnais porte une sorte de clown de lui-même. Ce n’est pas un comique au premier sens du terme mais il est en marge dans sa gestuelle et dans son phrasé. Cela correspond parfaitement à la figure désorientée de Bolzek qui ne comprend pas trop ce qui lui arrive mais essaye de s’adapter. Patrick est un acteur qui a atteint la maturité suffisante pour être dans ce type de lâcher-prise: lorsque qu’il a lu le scénario, il a tout de suite accepté de se laisser entrainer en Arménie sans trop savoir où il mettait les pieds. Je pense personnellement qu’il a vécu et ressenti ce rôle comme une aventure personnelle plus qu’une composition. Il a d’ailleurs beaucoup apprécié le voyage. 

Qu’en est-il d’Arsinée Khanjian qui interprète une enseignante arménienne ?

Arsinée est une amie de longue date, tout comme son mari, le réalisateur Atom Egoyan, avec qui je partage une réelle complicité cinématographique. Je l’ai choisie car elle possède naturellement l’engagement de sa protagoniste : c’est une femme de caractère qui sait alternativement être subtile ou psycho-rigide. Sa figure est très importante dans le film car même si elle n’apparait que trois fois, elle fait évoluer l’histoire vers une quête d’humanité, voire de romantisme.    

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Bolzek (Patrick Chesnais) n’est pas indifférent aux charmes de la belle Tzarkanoush (Arsinée Khanjian)

Comment s’est passé le tournage? 

On a démarré en mai 2015 et cela a duré presque huit semaines. Toute l’équipe française vivait chez l’habitant ce qui a entrainé une très belle communion. Bien sûr la logistique n’était pas toujours évidente mais on a fraternisé avec la mairie et on a mis les habitants à contribution en les engageants comme figurants ! On a même travaillé avec de vrais soldats qui ont prêté leur uniforme à Patrick! Certes, il n’y avait pas vraiment d’eau chaude ou de confort mais l’amitié était là, sans parler de la générosité des Arméniens et de leurs tablées: nous avons eu droit à de la nourriture bio pendant tout le séjour ! Lavash, yaourt maison, xholovatz… Patrick n’a pas arrêté de manger de la viande et de se régaler !

Comment avez-vous géré la barrière de la langue? 

Il y a très vite eu une empathie entre l’équipe française et les habitants du village qui parvenaient à communiquer avec des gestes. De mon côté, par contre, j’ai du déployer une énergie phénoménale pour diriger le film simultanément en français et en arménien: durant tout le tournage, j’ai du parler les deux langues quasiment en même temps. Cela m’a mis dans un état de transe épuisant, mais ça a eu le mérite de faire rire tout le monde.

Patrick Chesnais a t’il appris ses textes en arménien? 

Je les lui écrivais en phonétique et il les répétait. Patrick n’est pas très doué pour les langues orientales, il a du mal avec la prononciation et il fait un réel effort pour déclamer ses phrases. J’ai tenu à conserver cette approche maladroite au montage car je trouvais qu’elle correspondait parfaitement à la gaucherie de Bolzek. 

Quel a été le rapport de Patrick Chesnais avec l’Arménie? 

Je pense qu’il a vraiment apprécié le côté très direct et rugueux des villageois. Patrick vient des alentours de Rouen et a grandi dans cette atmosphère franche et rurale. Au fil des jours, il a eu l’impression de faire un come-back dans les années 50 et cela lui a beaucoup plus. En vivant avec des gens sans-façon qui le regardaient dans les yeux et le prenaient simplement dans leur bras, il s’est rendu compte à quel point les mentalités avaient changées.

Avez-vous fait exprès de ne pas sous-titrer l’ensemble du film ?

Parfaitement. Au début de l’histoire, j’ai voulu que les spectateurs français soient aussi déstabilisés que Patrick. J’ai donc fait abstraction de plusieurs dialogues arméniens afin qu’ils ressentent eux-mêmes ce vide linguistique. L’absence de sous-titres leur fait perdre tout repaire et fonctionne très bien dans la dynamique du film. 

Vous avez aussi introduit des « vignettes » et de malicieux clins d’oeil stylistiques? 

Oui, lorsque Bolzek rêve de s’enfuir, j’ai souhaité faire des références au cinéma muet de Chaplin et de Buster Keaton. Mon protagoniste est acteur de profession et l’on découvre ainsi à l’écran comment peut fonctionner son imagination. Quand ensuite Bolzek participe à la manifestation du village contre la mafia locale, j’ai aussi procédé à une « Tinténisation » du film en faisant un clin d’oeil au monde de la Bande Dessinée pour explorer une autre façon de communiquer. 

Vous avez fait appel à Gérard Torikian pour composer la musique ? 

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Gérard Torikian a signé la musique du film

Tout à fait. J’ai déjà travaillé avec Gérard sur la pièce ” Le concert arménien ou le proverbe turc »  et à mes yeux, c’est la personne qui pouvait le mieux sentir le décalage ludique qu’il fallait apporter musicalement à mon film. La force de cet artiste est de ne pas être cloisonné dans son arménité. Bien sûr, il possède la langue, le savoir et la sensibilité de ses ancêtres mais il les enrichit sans cesse en laissant d’autres cultures se superposer. À son exemple, il faut que les Arméniens se décomplexent, qu’ils métissent leur patrimoine afin de se rendre universels. Aujourd’hui plus personne ne se résume à une seule identité, il faut être pluriel, avoir un regard large.

Quel est le message de votre long-métrage?

Il n’y a pas un message précis car ce n’est pas un documentaire. « Celui qu’on attendait » est une fiction où les thématiques s’imbriquent. J’y évoque le rapport au temps, la vieillesse, le besoin de communiquer… L’un des thèmes qui me tient le plus à coeur demeure cependant celui du comédien: qu’est-ce qu’un comédien ? Est-ce un homme qui passe à côté du réel en s’impliquant trop dans sa profession? Et quel est vraiment l’impact des rôles qu’il endosse sur sa vraie vie?

Vous placez cette histoire à la frontière de l’Azerbaïdjan, ce n’est pas un choix anodin…

J’ai tourné le film en 2015, année du centenaire du Génocide des Arméniens mais je n’ai pourtant pas voulu en faire un manifeste en faveur du Haut-Karabakh. J’avais envie d’évoquer une réalité propre à tous les gens d’aujourd’hui, de mettre en avant l’homme dans sa solitude et son besoin d’autrui.

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Interview * de Patrick Chesnais 

Florence Gopikian Yérémian : Aviez-vous déjà travaillé avec Serge avant ce long-métrage ?

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Le comédien Patrick Chesnais sera présent à la projection-débat du 27 mars au Ciné Club parisien Christine

Patrick Chesnais : Non, mais je le connaissais depuis longtemps comme comédien car il a joué avec ma femme – Josiane Stoléru – durant des mois dans la pièce de Tennessee Williams, “La ménagerie de verre”.

Comment est-il en tant que réalisateur ?

Serge est assez précis, il veut tout contrôler mais comme il est lui-même acteur il laisse une certaine liberté à ses interprètes. Heureusement !  

Qu’est ce qui vous a fait accepter le rôle tragi-comique de Bolzek ? 

Le personnage était intéressant en soit, tout comme le scénario, mais c’était surtout alléchant pour moi d’aller en Arménie et de m’immerger dans un monde inconnu avec de nouveaux acteurs. Déjà sur le papier, cela avait l’air excitant.  

Comment s’est passé votre séjour ?

A l’exemple de mon personnage, il y a eu un choc des cultures lorsque je suis arrivé à Khatchik. Un tel environnement ça secoue radicalement les habitudes! J’avoue qu’au début j’ai eu un peu peur car le village était assez précaire mais on a été si bien reçus qu’au fil du tournage j’ai trouvé cette expérience très agréable. 

Avez-vous, à l’instar de Bolzek, vécu cette parenthèse exotique comme un retour à l’essentiel ?

Oui. En Arménie, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un village normand de l’après guerre. Le fait d’être coupé du monde modifie complètement les relations entre les gens. J’ai ressenti une disponibilité et une ouverture impressionnante de la part des habitants. L’on y vit à une autre vitesse, bien loin de l’accélération et de la folie parisienne. Cela confère une toute autre saveur aux choses. 

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Qu’est ce qui vous a séduit en Arménie? 

L’hospitalité. Il y a une véritable gentillesse partout où vous allez. Même si je ne parlais pas la langue, les gens me comprenaient. L’on échangeait avec le regard, la gestuelle, le sourire, c’était très intéressant. 

Avez-vous eu le temps de partir en excursion ?

J’ai visité le Lac Sevan et la capitale. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé Erevan et ses habitants. C’est une ville très riche culturellement, très vivante, il y a beaucoup de théâtres, de musées et, en même temps, une douceur de vivre incroyable.

Avez-vous eu droit aux traditionnels « guenadz » (“Santé !”) durant votre séjour ? 

Oui et ça m’a beaucoup plus. A chaque invitation, chez le maire ou ailleurs, on levait le verre ! J’aime cette tradition où chacun prend la parole pour remercier ses proches ou féliciter ses amis. Tout le monde est attentif, à l’écoute des autres. Effectivement, si l’on boit à chaque fois cul-sec, on devient saoul très rapidement mais en faisant attention on peut s’en sortir…

Etiez-vous au courant du conflit arméno-azerbadjanais avant le tournage?

Franchement non. Mais vu qu’on était à la frontière, je m’y suis bien penché. Comment faire autrement? L’armée était omniprésente sur le tournage!

Comme le dit votre protagoniste, pensez-vous que « l’Arménie puisse faire la paix avec ce pays voisin » ?

Ces questions de territoire sont très complexes. Je pense que si la paix doit se faire, ce sera par le biais des grandes puissances occidentales et russes. Il faut cependant qu’un partage équitable se fasse car on a déjà piqué suffisement de territoires aux Arméniens : les Turcs se sont largement servis ! A mes yeux, le peuple arménien est à présent légitimement en droit de revendiquer d’autres terres. Il suffit simplement de regarder l’Histoire pour comprendre l’injustice dont ils sont victimes.

* Ces deux interviews ont été faites au lendemain de la sortie du film en mai 2016

Florence Gopikian-Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Corsage : l’autre visage de Sissi l’impératrice…

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Corsage : l’autre visage de Sissi l’impératrice…

Ce film retrace une année de vie d’Elisabeth d’Autriche. Bien loin des images candides et doucereuses immortalisées par Romy Schneider, il nous laisse entrevoir un visage à la fois tragique et exalté de l’impératrice.

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À mille lieues de la jeune ingénue souriante et rêveuse, Sissi est devenue amère et lucide. Il faut dire que ce biopic se concentre sur le tournant de ses quarante ans que la souveraine perçoit comme une bascule dans son règne de femme, d’épouse et de mère.
Entre les stigmates de l’âge, l’absence de perspective d’avenir et le désintérêt de son époux Franz-Josef, tout commence à déstabiliser cette allègre figure qui se pigmente jour après jour de mélancolie.
Engoncée dans ses devoirs insipides d’impératrice autant que dans ses robes, elle va peu à peu tenter de faire exploser ce corset ainsi que l’« étiquette » qui l’empêchent de s’émanciper. Multipliant le sport de façon obsessionnelle, mais aussi les voyages ou les virées à cheval, Elisabeth va se laisser emporter dans une fuite en avant teintée de désespoir.
Trop rebelle pour la cour et son protocole, trop fantasque pour son temps, cette souveraine mythique va bafouer toutes les conventions allant jusqu’à choisir elle-même la maîtresse de son époux afin de pouvoir assouvir son intarissable soif de liberté.

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Vicky Krieps : Une performance magistrale

vicky-krieps-symanews-cinema-gopikianC’est à l’élégante Vicky Krieps que revient le rôle complexe de Sissi qui lui a valu le Prix d’interprétation au festival de Cannes dans la section “Un certain regard”. Maîtrisant son personnage de bout en bout, cette comédienne germano-luxembourgeoise parvient à traduire la peur d’une femme qui voit sa beauté se faner mais aussi la désillusion d’une impératrice indépendante et pleine d’esprit à qui l’on demande de parader sans penser…

Tout au long du récit, Vicky Krieps nous fait ressentir la lucidité de Sissi, sa solitude ainsi que sa fragilité dissimulée derrière un visage diaphane et austère. On adore surtout la voir incarner les moments de révolte et d’exaltation d’Elisabeth qui laissent deviner une folie proche de celle de son démentiel cousin, Louis II de Bavière.

Un très beau film intimiste

marie-kreutzer-symanews-gopikian-yeremianAvec Corsage, la réalisatrice autrichienne Marie Kreutzer signe un très beau film intimiste et contemplatif. Portée par la musique sombre et planante de Camille, cette œuvre cinématographique offre aux spectateurs des images somptueuses et peaufinées dans l’esprit de Visconti. Attentive aux décors, au détail des costumes et aux choix des paysages, Marie Kreutzer les cadre avec audace et les anoblit en lumière. Les scènes où l’impératrice se fait corseter sont d’une élégance folle, celles où elle se baigne de nuit nous font frissonner, quant aux chevauchées en forêt, elles sont tout simplement enivrantes.

Par-delà son esthétique et son lyrisme, Corsage demeure un film très actuel car il questionne chacun sur ses dérives mentales forgées par l’emprise du temps et le regard d’autrui. Ce biopic souligne également avec admiration l’avant-gardisme de l’impératrice d’Autriche : Sissi était certainement un être névrosé qui pratiquait le sport à outrance et frôlait l’anorexie mais c’était avant-tout une femme indépendante et exaltée qui demeura incomprise tout au long de sa vie.

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Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Un film de Marie Kreutzer

Avec Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, katharina Lorenz, Jeanne Werner, Alma Hasun, Manuel Rubey, Finnegan Oldfield, Aaron Friesz

Sortie le 14 décembre 2022

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Photos : ©Felix Vratny, ©Film AG, ©Ricardo Vaz Palma, ©Govinda Van Maele, ©Robert Brandstätter

Le Mashup Film Festival : c’est ce weekend !

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Le Mashup Film Festival : c’est ce weekend !

La nouvelle édition du Mashup Film Festival démarre aujourd’hui. Que vous soyez un cinéphile insatiable assoiffé de classiques ou un fan de scènes débridées et de second degré, ces 3 jours de folies CINÉ POP-PUNK sont pour vous !

C’est quoi le Mashup ?

Le mashup est un cinéma POP-PUNK d’emprunt consistant à créer une nouvelle œuvre à partir d’images et de sons préexistants. C’est un art véritablement ouvert à tous qui ne cesse de prendre de l’ampleur avec, en son centre, la création française. À la croisée du cinéma et du web, cette avant-garde créative s’accompagne d’un succès populaire immense et planétaire : le film français le plus vu dans le monde est d’ailleurs un mashup ! Il est omniprésent sur internet et dans notre culture audiovisuelle : les memes, les détournements, les édits vidéo Tik Tok, les Supercut, les YouTube poop sont apparentés au mashup.

https://youtu.be/i0UX31goMyQ

Petit historique

Initié par le Forum des Images à Paris de 2011 à 2014, le Mashup Film Festival a repris en 2017 en connectant différentes salles à travers le monde. Durant deux ans, l’équipe du festival a ainsi organisé des projections de films à Rennes, à Lyon, à Strasbourg, à New-York, Mexico, Lima, Milan et même à Arusha en Tanzanie !
Depuis 2020, ils ont recentré l’évènement sur Paris avec une sélection de films hétéroclites allant du parodique à l’expérimental.

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Édition 2022

Si le Mashup Film Festival est avant tout un festival de cinéma, il embrasse également les innovations de l’ère numérique pour proposer des expériences hybrides et interactives.

Cette année, le programme de cet hommage/sabotage du 7e art démarre avec une “Ciné-Party” au Centre culturel de la Bellevilloise. Dans le Forum de 20h à 5h du matin, une grande soirée d’ouverture se profile festive et bigarrée. On démarre avec la projection de « Mash chansonnette », une série de court-métrages qui dézinguent, remixent et poétisent images et chansons cultes ! Puis place à une farandole de jeux créatifs et de délires : quizz avec cadeaux vintage à gagner, battle de monteurs-comédiens, doublage-détournement, karaoké canadien… Ensuite, pour terminer la soirée, la Belleviloise enchaine avec la plus grande fête mashup de la galaxie avec DJ ZEBRA, DJ PROSPER, GRANDPAMINI et CAPTAIN CUMBIA aux platines.

Le Festival c’est aussi des ateliers créatifs à Hoba dans l’éco-quartier de Clichy Batignolles (Initiation au montage / Table Mashup / Collage/ Battle de monteurs / Projections Ciné Mystère / Ateliers Incrustation Fond Vert) ainsi qu’au café culturel de Ménilmontant, Lou Pascalou  (Ciné jeux / Atelier Table Mashup / Initiation au doublage – détournement / Projections Ciné Mystère / Ateliers Incrustation…)

De son côté, le cinéma Grand Action du Quartier Latin invite à des soirées Nanarland et des rencontres avec les nouvelles figures de la création web-cinéphiles : parallèlement aux projections ciné et aux sélections officielles, vous pourrez découvrir les réalisateur-ices ainsi que les Youtubeurs qui font vibrer la toile et partager leurs secrets en direct. 

Avec le Mashup Film Festival, il y en a pour tous les gouts et tous les âges !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

Mashup Festival - films - cinéma -symanews - gopikian-yeremianMashup Film Festival

Les 2,3 et 4 décembre 2022

Cinéma Grand Action : 5, rue des écoles – Paris 5e (0143544762)

La Bellevilloise : 19, rue Boyer – Paris 20e (0146360707)

Hoba : 43, rue Bernard Buffet – Paris 17e (0183640211)

Lou Pascalou : 14 rue des Panoyaux – 20e (0146367810)

La maison : un éloge biaisé de la prostitution 

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La maison : un éloge biaisé de la prostitution 

Emma est une jeune écrivaine française installée à Berlin avec sa sœur. Pour son troisième roman, elle se penche sur le monde obscur de la prostitution et entre dans une maison close. Dépassant le simple stade de l’observatrice, elle passe à l’acte et se transforme en « Justine »…

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La comédienne Ana Girardot interprète avec une sensualité froide le rôle d’Emma.

Prostitution volontaire ?

La Maison est le premier long-métrage d’Anissa Bonnefont qui s’est déjà distinguée au Festival de Cannes avec « Wonder Boy – Olivier Rousteing » (Prix du meilleur documentaire 2020).

Inspiré du livre d’Emma Becker (La Maison – Editions Flammarion), ce film interdit au moins de seize ans porte un regard intime et intrusif sur les travailleuses du sexe. Prenant place à Berlin au sein d’un bordel, il met en scène le personnage d’Emma interprétée par la séduisante Ana Girardot. Au fil du récit, cette jeune française en quête d’inspiration littéraire va prendre progressivement goût à la prostitution et réaliser que sa soi-disante enquête dans les lupanars n’est, en fait, qu’un prétexte à son réel attrait pour les aventures sexuelles.

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Ana Girardot en « héroïne sadienne »

Prenant la peau d’une héroïne quasi sadienne, la jeune comédienne envoie valser toute pudeur et offre son corps à l’écran avec autant de flegme que de sensualité. Sa partition n’est pas facile car par-delà la mise à nue de sa protagoniste, le caractère d’Emma/Justine est complexe : oscillant entre l’audace, la mythomanie, l’autodestruction et la lubricité, il implique des phases de contrôle, de lâcher prise ainsi qu’une desinhibition exemplaire.

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Une mise en scène insipide

Malgré un sujet sulfureux et un beau casting, le film d’Anissa Bonnefont demeure confus, insipide et, hélas, sans parti pris. Afin d’introduire les spectateurs dans « sa maison », la réalisatrice fait étalage de scènes crues et de chairs impudiques au sein d’alcôves sombres et volontairement kitch. Parmi les néons glauques, les gémissements forcés et la musique oppressante du talentueux Jack Bartmann, on a l’impression de voir se succéder des clichés vieux comme le monde sur la vie au bordel : entre la French Girl sexy, la perversion allemande et le désespoir des maris en manque d’amour qui viennent brièvement se consoler chez les putes, on cherche en vain un semblant d’originalité ou de mise à jour.

L’ensemble du scénario fonctionne, certes, mais il stagne et s’éternise car tout est prévisible. Quelques prises camera près des corps sont interessantes mais la plupart restent inégales car elles vacillent entre une recherche d’esthétisme et un besoin gratuit de provocation.

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Joli casting

Du point de vue des actrices, Ana Girardot dégage une impressionnante assurance et elle fait de son mieux pour donner du sens à son personnage. Enchaînant les clients, les passes et le reste, elle tente de s’impliquer dans toutes les situations mais cette excellente comédienne ne parvient pas à relever l’intérêt du film.

Il en va de même pour la troublante Aure Atika qui fait partie de cette sympathique troupe de filles de joie : aussi impliquée soit-elle, la comédienne n’est absolument pas plausible en dominatrice SM. Heureusement, parmi ces belles-de-nuit, l’irremplaçable Rossy de Palma apporte un peu d’humour et d’humanité sinon on se lasserait très vite.

Notons aussi la présence bénéfique de Lucas Englander (Les Apparences) qui joue les amoureux transis : prêtant son doux charisme et sa délicatesse autrichienne au personnage de Ian, il apporte un pendant léger et positif à cet univers de perdition.

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Quelle est la démarche d’Anissa Bonnefont ?

Par-delà ces critiques, ce qui nous déçoit le plus dans cette adaptation cinématographique de La Maison est le manque d’analyse du monde de la prostitution et l’absence réelle de parti pris. Le film se présente comme un constat voilé qui ne veut ni vraiment juger cette profession ni donner de piste quant aux choix d’Emma.

Si la protagoniste aime le sexe et qu’elle est personnellement attirée par le fait de donner du plaisir et d’en recevoir : grand bien lui fasse ! Mais pourquoi se prostituer étant donné que l’argent ne semble pas être son besoin premier ? Est-ce un alibi pour ne pas s’avouer qu’elle est une « sex-addict » ? Est-ce un fantasme ? Une perversion ? On ne comprend absolument pas sa démarche. En tant que spectateur, on aimerait avoir un regard plus introspectif et une analyse expliquant la cause profonde de besoins aussi singuliers.

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Si inversement, Emma, choisi de faire ce métier pour gagner sa vie, alors pourquoi semble-t-elle en faire l’éloge ? Qu’y-a-t-il de si fascinant au « commerce du sexe » lorsque l’on en est l’objet ? Cette jeune femme est-elle si naïve ou complètement aveugle pour ne pas en percevoir plus rapidement les déviations possibles et les dangers ?

La-Maison-ana-girardot-syma-yeremian-gopikian-film-cinema-rossy-di-palmaÀ ce propos, la réalisatrice Anissa Bonnefont passe trop rapidement sur les revers salaces de ce métier : concernant la prise de drogue, les coups, les maladies, les pédophiles ou les violeurs potentiels, elle demeure vraiment très évasive. Pourquoi ne pas montrer jusqu’au bout la réalité d’un bordel ? Pourquoi mettre en avant la quête de plaisir et édulcorer tout le reste ? Cette approche est étrange et manque de maturité surtout lorsque l’on sait que le livre d’Emma Becker a reçu le prix du roman des étudiants France Culture-Télérama et que le film ne manquera pas d’éveiller leur curiosité !

Pour être parfaitement honnête envers les jeunes spectateurs, il serait donc intéressant de montrer les revers de la prostitution et de se demander combien de femmes s’épanouissent réellement dans sa pratique… Le personnage d’Emma, qui semble faire l’apologie de cette profession et s’y complaire, ne doit ni être généralisé ni être porté en exemple comme c’est ici le cas.

Prôner une légalisation des maisons closes dans le but de protéger les employées autant que les clients, cela a du sens. Faire l’éloge de la vie au bordel en prétextant que les putes n’y sont pas dans une position de soumission mais dans une prise de pouvoir sur les hommes … il faut avoir l’esprit légèrement tordu !

La maison ? Un film qui n’a, hélas, ni queue ni tête !

Florence Gopikian Yérémian –  florence.yeremian@symanews.fr

La-maison-film-ana-girardot-cinema-bonnefont-syma-news-gopikian-yeremianLa Maison

Un film d’Anissa Bonnefont

Avec Ana Girardot, Aure Atika, Rossy De Palma, Lucas Englander

Au cinéma le 16 novembre 2022

Interdit au moins de 16 ans

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Le lycéen : Christophe Honoré explore les errances d’un adolescent entre solitude et résilience

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Le lycéen : Christophe Honoré explore les errances d’un adolescent entre solitude et résilience

Le titre du nouveau film de Christophe Honoré peut de prime abord prêter à confusion par l’insouciance juvénile qu’il véhicule. Loin d’être une énième histoire de lycéen à l’eau de rose, ce long-métrage intense et profond traite, en effet, du deuil, de son acceptation, mais aussi du passage à l’âge adulte et de l’homosexualité.

Ces vastes thématiques sont importantes car elles préoccupent de plus en plus notre jeunesse autant que les parents qui commencent enfin à comprendre la nécessité d’un dialogue intergénérationnel afin d’éviter les dérives…

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Paul Kircher insuffle au personnage de Lucas beaucoup de candeur et de sensibilité

Un film autobiographique

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Le réalisateur Christophe Honoré interprète le rôle de son propre père dans Le Lycéen.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Christophe Honoré possède à son palmarès près d’une vingtaine de films (Ma mère, Les Bien-aimés, Les chansons d’amour…), une douzaine de pièces (Les Idoles, Le côté de Guermantes…) sans compter ses romans. Avec cette nouvelle œuvre cinématographique, il semble avoir besoin d’analyser son propre passé en revenant sur la mort de son père qu’il a perdu durant son adolescence. Projetant ses souvenirs et sa douleur dans son protagoniste (Lucas), il donne l’impression de vouloir mettre en mots et en images cette perte qu’il a précédemment évoquée dans certains ouvrages et via sa pièce « Le ciel de Nantes ».

À travers ce film autobiographique, il est intéressant de voir que Christophe Honoré pousse la catharsis jusqu’à interpréter lui-même le rôle de son père ! Une telle démarche n’est pas anodine et souligne à quel point la résilience peut-être longue après le deuil d’un parent …

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Juliette Binoche joue magnifiquement les mères protectrices et fusionnelles auprès de son jeune fils (Paul Kircher)

Paul Kircher : un comédien lunaire

C’est à Paul Kircher que revient le rôle complexe de Lucas qu’il incarne à travers une palette d’émotions fort bien maîtrisées : tour à tour candide, sensible ou pétri de douleur, ce jeune comédien dégage avec beaucoup de naturel la fragilité et le mal-être qui rongent son personnage endeuillé. Passant par les phases successives du déni ou de la reconstruction, on le voit tracer un chemin de croix qui va lui permettre d’entrer, étape par étape, dans sa vie d’adulte.

Afin de nous faire entendre pleinement son ressenti et sa vulnérabilité, Christophe Honoré construit son film à la première personne et offre à son protagoniste des apartés face caméra où l’on voit Lucas confier ses doutes, un peu comme dans une séance de psychanalyse. Cette approche est intéressante car elle apporte des parenthèses dans la narration qui nous permettent de comprendre les actes souvent insensés de cet adolescent à la dérive.

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Paul Kircher a reçu le prix de la Meilleure Interprétation (La Concha d’Argent) au Festival de San Sebastián

Résilience et homosexualité chez les adolescents

Parallèlement à son exploration du deuil, le réalisateur se penche aussi avec insistance sur le thème de l’homosexualité et de son acceptation. À travers des scènes très cash, il nous montre les appétences sexuelles et les pulsions autodestructrices d’un être qui a perdu tous ses repères. Afin de trouver son équilibre mental et sentimental, Lucas va, en effet, passer par des tentatives de suicide et des phases de débauche plus que nauséeuses.

Ces passages malaisants sont lourds à l’écran et ils s’éternisent. Ils mettent néanmoins en évidence la fragilité psychique d’un adolescent et montrent à quel point un être immature devient facilement une proie au sein de nos sociétés contemporaines. Ce statut de victime dérange car on voit Lucas perdre pied et l’on ne peut rien faire pour l’aider.

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Quentin (Vincent Lacoste) et Lilio (Erwan Keopa Falé) jouent les chaperons auprès de Lucas (Paul Kircher). Ils tentent de lui expliquer qu’il n’a pas le droit de tout saccager à cause du chagrin causé par la mort de son père.

L’importance d’une cellule familiale

La responsabilité en revient à Vincent Lacoste auquel le réalisateur a demandé de jouer les grands frères protecteurs auprès de Lucas. Transformé en artiste parisien, le comédien s’inscrit habilement dans un registre mélodramatique et insuffle une dimension salutaire à ce drame familial.

De son côté, Juliette Binoche joue les mères dévastées avec beaucoup d’émotion. Poignante et généreuse, elle montre comme il est difficile d’assumer la perte d’un époux en demeurant le socle d’une famille brisée. Alternant fragilité et puissance, elle traduit parfaitement la dévotion d’une mère et prouve à quel point son amour et son don de soi sont indispensables à la reconstruction de ses fils.

Dans ce récit constamment pétri de tensions, de heurts et de ruptures, le personnage de Lilio apparaît enfin comme un bel ange gardien. Interprété délicatement par le charismatique Erwan Keopa Falé, cet ami de la famille initie le dialogue, assume ses choix et parvient avec élégance à rompre le chaos. Ouf ! Sinon le film était vraiment trop long !

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Aussi ambigüe soit-elle, la relation qui se créée entre Lilio (Erwan Keopa Falé) et Lucas (Paul Kircher) va s’avérer salvatrice

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

lyceen-film-cinema-honore-syma-news-gopikian-yeremian-binoche-kircherLe lycéen

Un film de Christophe Honoré

Avec Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste, Erwan Keopa Falé

Sortie le 30 novembre 2022

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Leonard Cohen, dandy mystique et solitaire

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Leonard Cohen, dandy mystique et solitaire

Lorsque l’on entend “Hallelujah”, on pense instinctivement au timbre suave de Jeff Buckley, à la voix de John Cale du Velvet Underground ou même à la bande son de Shrek. Derrière cette sublime ballade, se cache pourtant un être aussi singulier qu’énigmatique : le génial Leonard Cohen.
À travers la genèse de sa chanson mythique, ce film documentaire tente de nous faire comprendre le parcours créatif et la philosophie de ce poète musicien qui nous a quitté en 2016.

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Un Hallelujah à mi-chemin entre la foi et le désir

Contrairement à la majorité des artistes, Leonard Cohen a débuté sa carrière « sur le tard ». C’est, en effet, aux alentours de trente ans que ce poète de Montréal s’est improvisé chanteur, auteur et compositeur.

Adepte de la mouvance folk, il a progressivement élargit son répertoire au rock et à la pop mais, c’est définitivement avec le single “Hallelujah” qu’il a pactisé avec le Créateur et qu’il est passé à la postérité.

À la fois profane et sacré, cet opus universel nous fait songer à une étrange prière amoureuse. À mi-chemin entre le gospel et le blues, il parvient magnifiquement à faire fusionner foi et sexualité tout en questionnant le sens de la vie. Leonard Cohen a mis des années à écrire cet “Hallelujah” et il résume à lui seul toute sa quête existentielle.

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Le cheminement spirituel de Leonard Cohen

Si les réalisateurs Dayna Goldfine et Daniel Geller ont choisi cette chanson comme fil directeur de leur film, c’est justement pour nous faire subtilement capter le parcours de cet artiste aussi discret que sensible. À travers ses interviews, ses tournées ou ses répétitions en studio, on découvre le cheminement spirituel de Leonard Cohen, on comprend mieux ses inspirations et l’on capte ses phases de dépression qui l’ont conduit à séjourner au sein d’un monastère zen durant plus de six ans.

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À l’exemple du film de Brett Morgen sur David Bowie (Moonage Daydream), ce long métrage se concentre sur le processus créatif de l’artiste en mêlant des images d’archives à des témoignages d’amis et de musiciens. Monté comme un voyage spirituel, il nous livre à la fois l’élégance, la solitude et le mysticisme de Léonard Cohen.

Même si l’on adore écouter en boucle le divin “Hallelujah” de ce dandy des temps modernes, on aimerait que cet hommage cinématographique nous fasse aussi entendre des morceaux moins connus, qu’il explore d’autres textes et poèmes de Leonard, et qu’il nous en apprenne d’avantage sur sa jeunesse.

Au bout de deux heures de voyage musical, on est néanmoins séduit et l’on se dit que le mystère Cohen demeure à l’image de celui de la “Création” : envoutant et insoluble !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Hallelujah, Les mots de Leonard Cohen

Un film de Dayna Goldfine et Daniel Geller

En salles : le 19 octobre 2022

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SONY MUSIC accompagne la sortie du film avec l’édition d’un best-of inédit de Leonard Cohen en CD et vinyle (édition limitée). Composé de 17 titres, HALLELUJAH & SONGS FROM HIS ALBUMS, comprend une performance livre inédite et inoubliable de Hallelujah lors du Festival de Glastonbury en 2008...

Butterfly Vision : dommages collatéraux d’une femme soldat

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Butterfly Vision : l’actualité ukrainienne sur grand écran

Lilia, est une militaire ukrainienne spécialisée en reconnaissance aérienne. Après plusieurs mois passés en détention dans les prisons du Donbass, elle retourne à Kiev auprès de sa famille. Tourmentée par sa captivité, elle présente des visions post-traumatiques qu’elle tente de refouler mais les séquelles refont peu à peu surface …

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Maksym Nakonechnyi, un cinéma entre drônes et pixels

Avec Butterfly Vision, Maksym Nakonechnyi signe son premier film en temps que réalisateur. Partisan d’un cadrage brut et d’une caméra mouvante, ce jeune scénariste ukrainien offre une approche percutante de la narration en mode « reportage ». Alternant les flashbacks et les vues par drone, il propose une image aux pixels parfois saccadés qui déstabilise autant nos repaires visuels que nos schémas mentaux et parvient à nous projeter dans la tête de son héroïne, Lilia.

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Rita Burkovska, premier prix d’interprétation

Interprétée par Rita Burkovska, cette protagoniste est un exemple de pudeur et d’aplomb. Derrière ses grands yeux clairs et ses doux sourires, cette femme soldat tente de garder en sourdine les horreurs de sa captivité. Malgré sa force et son calme apparent, on sent cependant que le mal est là et qu’il peut refaire surface à n’importe quel moment.

L’actrice Rita Burkovska a une maîtrise millimétrée de son rôle. Elle vient d’ailleurs d’obtenir le premier prix d’interprétation féminine du Festival de Saint Jean de Luz. À la fois digne et pondérée, elle aborde son personnage par petites touches via une alternance de fausse quiétude et de douce austérité. À travers son mutisme et ses regards plein de désillusion, elle parvient à laisser poindre au fil du récit toute la tragédie interne de Lilia.

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La tourmente d’une femme soldat

C’est avec une certaine décence et beaucoup d’attention que le réalisateur se penche sur les troubles post-traumatiques des femmes prisonnières de guerre. Évitant l’écueil de la violence visuelle et des scènes scabreuses, il met en avant le long cheminement psychique qui poursuit les victimes de viols et de tortures. Dans le cas de Lilia, il a choisi de parer son héroïne d’une grande force mentale afin qu’elle ne tombe pas dans les arcanes de la folie ou de l’autodestruction.

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Quid des dommages collatéraux

Même si cette dernière se bat contre ses tourments et refuse de se positionner en victime, Maksym Nakonechnyi insiste sur le fait qu’une blessure de guerre peut faire basculer non seulement la trajectoire de la personne agressée mais entraîner dans sa chute une famille complète.

Par-delà les séquelles d’une guerre, son film pose enfin une question lourde mais nécessaire : faut-il garder l’enfant d’un viol ou avorter ? Après tout, n’est-ce pas également un crime de prendre la vie à un si petit être ? Pourtant, si la mère le met au monde, n’est-ce pas, dans ce cas, une façon certaine de perpétuer le trauma à travers toutes les générations à venir ?

Difficile de se positionner.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

Nakonechnyi-butterfly-vision-film-cinemaButterfly vision

Un film de Maksym Nakonechnyi

Avec Rita Burkovska, Lyubomyr Valivots, Myroslava Vytrykhoska-Makar, Natalya Vorozhbit, Daria Lorenci

En salles le 12 octobre 2022

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“Lelouch Symphonie” au Palais des Congrès

À l’occasion du 85e anniversaire de Claude Lelouch, le Palais des Congrès organise un ciné-concert exceptionnel. Le soir du 14 novembre, vous aurez le plaisir de visionner les extraits de ses films les plus célèbres accompagnés par 80 musiciens du Philharmonique de Prague. Ce dernier sera dirigé par l’excellent Vahan Mardirossian qui orchestrera en présence de Claude Lelouch et de nombreux invités surprises. Réservez vos places !

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Que de souvenirs !

La séance démarre en mode western au milieu de l’Arizona : Belmondo et Annie Girardot, sourire aux lèvres, s’esclaffent dans une décapotable poursuivis par des indiens. Violons, flûte, timbales… Action !!!

claude-Lelouch-syma-news-gopikian-yeremian-film-spectacleArrivez-vous à situer la scène ?
1969 – « Un homme qui me plait » – road trip dans le Grand Canyon…

Ce premier extrait ne nous rajeunit pas, mais quelle joie de revoir ces acteurs merveilleux, leur connivence, leur aisance de jeu et cette liberté cinématographique !

Si vous êtes adepte des films de Lelouch, vous allez vous régaler car ce ciné-concert va éveiller en vous des rires, de la mélancolie et une foule de souvenirs.

50 films signés Lelouch

Durant près de deux heures s’enchaînent ainsi en musique une trentaine d’extraits de ses plus grands classiques : entre Un homme et une femme, L’aventure c’est l’aventure, Les uns et les autres, Chacun sa vie ou Itinéraire d’un enfant gâté, on retrouve les yeux de braise d’Anouk Aimée, l’air renfrogné de Ventura, le charme de Bebel, les sautes d’humeur d’Annie Girardot, sans oublier le déhanché mythique d’Aldo Maccione !

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L’Aventure c’est l’aventure avec Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Gérard, Charles Denner et Aldo Maccione

Parallèlement à ces légendes du cinéma français, on savoure aussi le fait de revoir Richard Anconina, Patrick Bruel ou Fabrice Luchini au tournant de leurs jeunes années ! Face à une telle palette de talents, on demeure interloqués car on a l’impression que Lelouch a formé et filmé sans exception toutes les générations de comédiens du cinéma hexagonal !

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Soixante ans de cinéma

Il faut dire que cela fait plus d’un demi-siècle que Claude Lelouch les fait chanter, pleurer ou s’aimer à tour de rôles sur le grand écran. À travers sa caméra, cet amoureux des acteurs a inventé un singulier univers de personnages que le public s’est graduellement appropriés et qui font à présent partie de nos existences ! De Sam Lion à Anne Gauthier en passant par Simon le Gangster, Lelouch a fait de ses protagonistes des figures qui appartiennent aujourd’hui au patrimoine national et à l’album photo de tous les Français.

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Un homme et une femme avec Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant

C’est donc avec bonheur et nostalgie que vous allez voir défiler ces artistes mais aussi les sentir vieillir au fil des années. Une immense émotion va vous saisir accentuée par ces parenthèses musicales qui enveloppent si merveilleusement les films de Lelouch. Dans l’inconscient des spectateurs, chaque scène mythique est, en effet, associée à une ballade pianistique ou à une symphonie qui s’est figée avec le temps dans un coin de notre tête. Poignantes, tristes ou romantiques, ces mélodies complètent avec beauté et justesse toutes les histoires de Claude. Chantées par Charles Aznavour ou par l’incorrigible Dutronc, elles sont signées Didier Barbelivien, Calogero, Michel Legrand ou Francis Lai qui demeure le favori de Lelouch. C’est d’ailleurs délicieux de reconnaître, d’un film à l’autre, la touche grisante et mélancolique de ce compositeur qui a également créé la musique de Love Story.

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L’imposant Vahan Mardirossian dirigera l’orchestre de Prague au Palais de Congrès.

Au sortir de ce ciné-concert qui sera porté par 80 musiciens sous la baguette du chef d’orchestre arménien Vahan Mardirossian, vous aurez certainement envie de chanter “dabadabada” et de revoir tous les films de Lelouch. Il vous faudra du temps car ce grand cinéaste en a signés plus de cinquante. Avec le montage de ce petit dernier, ça en fait un de plus !

Bon anniversaire Claude !

Florence Gopikian Yérémian –  florence.yeremian@symanews.fr

Le spectacle symphonique :
Claude Lelouch – D’un film à l’autre
Ciné-concert

Le 14 novembre à 20h

Palais des Congrès de Paris
T. 0892050050

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Let’s talk about Sex with Emma Thompson & Daryl McCormack

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Mes rendez-vous avec Leo sort au cinéma le 30 novembre

Nancy est une enseignante britannique à la retraite. Veuve depuis deux ans, elle s’ennuie et regrette de n’avoir pas su écouter ses envies et profiter pleinement des plaisirs de la chair. Afin de rattraper le temps perdu durant ses années de mariage insipide, cette bonne catholique décide donc de faire appel aux services de Leo Grande, un jeune escort. La rencontre entre ces deux êtres que tout oppose va s’avérer aussi insolite qu’épanouissante.

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À travers la rencontre insolite de Nancy (Emma Thompson) et Leo (Daryl McCormack), la réalisatrice australienne Sophie Hyde proclame haut et fort le droit au plaisir pour tous les genres et les âges

Magnifique Emma Thomson

Emma Thomson est décidément une actrice incroyable qui se prête à toutes les fantaisies cinématographiques. Dans ce nouveau film de la cinéaste australienne Sophie Hyde (52 Tuesdays, Animals…), elle se met non seulement entièrement à nu mais elle envoie aussi valser une foule de tabous. Du haut de ses 63 ans, la comédienne ose, en effet, offrir la volupté de son corps vieillissant au yeux du public afin d’incarner sans aucun artifice le personnage de Nancy.

Tour à tour puritaine, curieuse ou sensuelle, elle confère à sa protagoniste une sorte d’ironie tragique teinté de doutes et de désirs.

Au fil des rencontres de Nancy avec son jeune escort Leo, on voit cette sexagénaire se crisper, culpabiliser, réfléchir… Puis elle se détend, entre dans la danse de l’amour et se débride en parlant d’orgasme. Dans un mélange de gaucherie et de délicatesse, elle commence alors à s’effeuiller et parvient enfin à apprivoiser ce corps qu’elle n’a jamais pu aimer auparavant.

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Emma Thompson n’a pas fini de nous surprendre : du haut de ses 63 ans, elle nous livre une très belle interprétation d’une sexagénaire en mal d’amour physique

Daryl McCormack : un escort plein de candeur

Il faut dire que son escort a tout pour plaire : quel que soit votre âge ou votre sexe, vous ne pouvez que tomber sous le charme de Daryl McCormack. Outre ses yeux dorés, ses lèvres ourlées et son corps de rêve, ce très bel acteur possède une grande sensibilité.

Malgré son profil de playboy, il confère à Leo une part de candeur et ne tombe jamais dans la vulgarité. Oscillant entre le glamour et la fragilité, Daryl McCormack fait de ce jeune gigolo un être sain et pétri d’une étrange compassion envers sa fébrile partenaire.

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Daryl McCormack interprète le rôle de l’escort Leo Grande avec une douce sensibilité.

Love yourself !

Plus qu’un film autour du sexe, cette œuvre écrite par l’humoriste anglaise Katy Brand est une réflexion sur l’acceptation de soi. À travers le personnage de Nancy, elle incite les spectateurs – et précisément les spectatrices – à être en adéquation avec leurs désirs, à aimer leur physique et à se débarrasser une fois pour toute des tabous sociaux qui considèrent que la femme n’a pas le droit aux plaisirs charnels.

Afin de mettre en images cette quête de l’épanouissement personnel, la cinéaste Sophie Hyde explore sans fard les cœurs et les corps de ses deux protagonistes. Filmés à huis clos dans une simple chambre d’hôtel, elle pousse Emma Thomson et Daryl McCormack à assumer leur nudité et fait exploser avec beaucoup de justesse le carcan moral des esprits pudibonds.

Mes rendez-vous avec Leo est, certes, un film pour adultes mais nullement une œuvre érotique. La caméra de Sophie Hyde ne tombe jamais dans l’écueil du voyeurisme ou de l’exhibitionnisme; elle propose une certaine sensualité mais se concentre surtout sur une approche analytique – voire intello – de la sexualité et des sentiments.

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Durant quatre « chapitres », les deux protagonistes vont dépasser les interdits sociétaux pour explorer en toute conscience le plaisir sexuel.

Let’s talk about Sex

Par-delà l’histoire intime de Nancy et Leo qui nous fait indéniablement songer à une version contemporaine du Lauréat, ce film pose de multiples questions :

Si une femme mûre préfère forniquer avec un homme jeune, cela fait-il d’elle une perverse ? Si nous échangeons les rôles, avec une perspective « vieil homme / jeune fille » tout est, en effet, remis en cause. Il faut donc s’interroger sur la place et les différences de droits que notre société encore archaïque et patriarcale octroie à chacun des genres.

Dans un second temps, ce portrait de « couple » pose un vrai regard sur la prostitution. Sans aller jusqu’à la « prescrire sur ordonnance », comme le propose Emma Thompson dans le film, ne faudrait-il pas la légaliser une fois pour toute ? L’un des arguments appuyant ce choix étant qu’une règlementation et une protection aussi bien sociale que physique serait le moyen le plus sûr de protéger les travailleurs du sexe.

Enfin, pour conclure sur la question des genres et de l’amour purement physique, il est intéressant de se demander quelles sont les limites « émotionnelles » à ne pas dépasser dans le cadre d’une relation payée régulière : est-il concevable de la part des deux partenaires de n’insuffler aucun sentiment dans ce type d’échange ? Est-il possible de ne jamais mélanger travail et amour lorsque l’on crée une sphère aussi intime ? À l’exemple de ces messieurs, les femmes sont-elles mentalement capables de se limiter à l’acte sexuel sans vouloir construire une relation plus “poussée” ?
Vaste question …. qui ne concerne pas que les ménopausées !

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Plus qu’un film sur le sexe, “Mes Rendez-vous avec Leo” porte un regard analytique sur la complexité des relations humaines.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

rdv-avec-leo-mccormack-thompson-yeremian-gopikianMes rendez-vous avec Léo
(Good luck to you Leo Grande)

Un film de Sophie Hyde
D’après le texte de Katy Brand

Avec Emma Thompson et Daryl McCormack

En salle le 30 novembre 2022

 

Moonage Daydream : une introspection en mode psychédélique

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Moonage Daydream : une introspection en mode psychédélique

À mi-chemin entre un documentaire ésotérique et une vidéo underground, le nouveau film de Brett Morgen propose un portrait inattendu et introspectif de David Bowie. À découvrir en urgence pour tous les fans de Ziggy… et les autres !

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Les fans de Bowie vont adorer Moonage Daydream car ce film propose un très grand nombre de séquences d’archives et de captations inédites.

Chacun connaît de Bowie ce qu’il a bien voulu livrer : par-delà le musicien charismatique, le génie visionnaire ou le caméléon androgyne, Brett Morgen a souhaité en savoir d’avantage. Avec la complicité de la famille de David Bowie, il s’est donc plongé durant près de cinq ans dans des milliers d’archives pour percer à jour les pensées d’un artiste en quête de soi et du sens de la vie.

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Brett Morgen lors de la présentation de Moonage Daydream au Festival de Cannes

Un film kaléidoscopique

Huit ans après la mort du héros, Brett Morgen nous offre un portrait aussi Rock’n’roll que philosophique. Assisté par Tony Visconti et John Warhust, il invite les spectateurs à partager une sorte de voyage spirituel porté de bout en bout par la voix de velours de David Bowie.

L’approche cinématographique du réalisateur est particulière et frôle le psychédélisme : durant deux heures trente, il nous abreuve, en effet, d’un flot kaléidoscopique d’images et de musiques si intenses (prudence pour les épileptiques !) qu’on a parfois l’impression d’être sous psychotropes. Entre les interviews, les captations inédites, les extraits de films (Nosferatu, Fantasia, un Chien andalou…) et les concerts live s’échelonnant du Diamond Dogs Tour en 1974 à la dernière tournée de Bowie, on découvre pas à pas les faces cachées de la star et son cheminement existentiel.

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Brett Morgen a choisi de dresser un portrait de Bowie en mode kaléidoscopique.

Quel est le rôle d’un artiste ?

On vous prévient : Moonage Daydream n’est en aucun cas un biopic traditionnel conçu pour satisfaire le grand public. Plus proche d’une expérience sensorielle ou d’un montage underground, ce film observe avec beaucoup de finesse et d’admiration l’évolution de Bowie à travers ses inspirations et son processus créatif.

David Bowie, en effet, ne s’est pas limité au chant et à la musique. Véritable caméléon, il a flirté avec tout : la sculpture, la poésie, le cinéma, le théâtre et même la peinture ! Au fil de sa carrière, il a ainsi interprété près de cinquante rôles sur grand écran, conquis la scène de Broadway dans Elephant man et conçu de superbes toiles à l’acrylique dans la veine tourmentée des expressionnistes. (À quand une exposition de ses œuvres ???)

En montrant un tel éclectisme associé à une créativité sans bornes, Brett Morgen souligne admirablement le besoin intrinsèque de Bowie à vouloir transformer en art toute réalité.

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A travers ses oeuvres, David Bowie a su capturer la quintessence de ce qui nous entoure pour transformer en art toute réalité.

Et le sens de la vie ?

Parallèlement à ce questionnement sur l’art et sur sa relation au monde en tant qu’artiste, ce film explore aussi la quête existentielle de David Bowie. Moonage Daydream s’ouvre d’ailleurs sur une citation en rapport avec la pensée nietzschéenne et il se poursuit via de profonds questionnements philosophiques.

Avec une grande lucidité, David Bowie décrypte ainsi son désir constant de prise de risques, il analyse sa volonté à briser les tabous et sa nécessité de toujours se reconstruire. Suivant sans cesse son instinct esthétique et musical, il évoque aussi sa curiosité insatiable et sa crainte des êtres statiques.

Cette soif de nouveauté est d’ailleurs parfaitement perceptible à travers ses perpétuels déménagements : grand voyageur, Bowie a, en effet, changé de pays tous les trois ans afin d’explorer de nouvelles terres, d’élargir l’horizon de ses pensées et de developper d’autres registres sensoriels. Passant de Berlin-Est à la Californie, cet observateur social, a ainsi pu capturer la quintessence de ce qui l’entoure pour créer successivement ses oeuvres.

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À travers ce film, Bowie nous propose de belles réflexions sur le sens de la vie et la fugacité de l’existence

Un cheminement vers la sagesse

Avec Moonage Daydream, Brett Morgen met clairement en avant l’évolution spirituelle de David Bowie. Le faisant passer du stade de gourou extraverti baignant dans l’hystérie collective de ses fans au stade de grand sage rejetant toute forme de matériel ou de superficialité, il montre le long parcours traversé par cet être singulier qui s’est construit au fil des années et des expériences artistiques.

Au cours de ses multiples interviews, Bowie se confie sur son appétence à l’isolement qui l’a mené à créer ses microcosmes successifs, il parle de son acceptation du chaos et de la finitude humaine, il révèle aussi une sensibilité trop longtemps dissimulée derrière sa palette de personnages et divulgue, en fin de compte, un optimisme que peu d’entre nous pouvaient soupçonner.

Le message final de Bowie est aussi touchant que positif : avec des mots simples, il convie chacun à apprécier sa vie au quotidien et nous incite à ne pas laisser le temps passer.

Yes… We could be Heroes !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Moonage Daydream

Un film de Brett Morgen

Sortie en salle : le 21 septembre 2022

 

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