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ZION : un film coup-de-poing sur les cités de Pointe-à-Pitre

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Zion : l’autre visage des Antilles

Avec ce premier long-métrage, Nelson Foix signe une œuvre punchy à mi-chemin entre le polar et le film social. À travers la figure de Chris, un jeune looser guadeloupéen, il dresse le portrait des cités de Pointe-à-Pitre et de leur jeunesse désenchantée.

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Alors qu’il ne sait même pas se gérer lui-même Chris (Sloan Decombes) va devoir s’occuper d’un enfant…

L’autre visage des Antilles

Très peu de réalisateurs se sont hasardés à parler de la crise et de la misère sociale qui rongent depuis de longues années les pays d’Outre-Mer. Avec autant de courage que d’empathie, Nelson Foix s’est penché sur ce sujet sensible et a restitué la vie des cités dans toute leur puissance et leur décrépitude. Entre les braquages, les guerres de clans et les trafics de drogue, il a voulu montrer la difficulté à vivre sur une île en perdition qui continue de cacher sa détresse derrière des images d’Épinal ornées de palmiers et de plages paradisiaques.

Pour tenir son propos, Nelson Foix a mis en scène le personnage de Chris : un peu dealer, un peu crâneur, ce jeune guadeloupéen passe son temps à draguer les filles et à faire des virées sur son scooter. Le jour où Chris découvre un bébé posé sur le palier de sa porte par l’une de ses ex, son univers bascule : face à l’impossibilité de concilier deal, oisiveté et paternité, il va perdre pied et se laisser entrainer dans une dangereuse spirale.

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Une caméra coup-de-poing

Grace à la caméra punchy et engagée de Nelson Foix, Zion nous entraine dès les premières scènes dans l’univers chaotique et délabré des cités. Au cœur de cet environnement où les caïds font la loi, les journées alternent entre violence et ennui. Témoin de ce mal-être, le réalisateur antillais suit ces gamins sans perspective et restitue avec brio leur triste quotidien.

Sur un rythme haletant boosté par la musique de Kalash, il filme les émeutes ou les courses poursuites et nous plonge même dans l’enfer des fumeurs de crack (fabuleuse Lucile Kancel en camée décharnée !) qui sont devenus l’ombre d’eux-mêmes.

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Un casting 100% antillais

C’est à Sloan Decombes que revient le rôle de Chris. Avec beaucoup d’émotion et d’intensité, ce jeune acteur parvient à insuffler à son protagoniste une cool attitude qui va progressivement se transformer en une terrible angoisse. Bon biker et dragueur invétéré, son personnage va, en effet, devoir faire face à une réalité qui va non seulement l’émanciper mais aussi lui faire confronter les démons et traumas de son propre passé.

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La symbolique du petit Zion

Il faut dire que l’apparition improbable d’un bébé sur le pas de sa porte a de quoi remettre les pendules à l’heure ! Face à un petit être fait de chair et de sang, on ne peut que s’interroger sur le sens de sa propre vie et sur les responsabilités qui soudain nous incombent.

C’est avec beaucoup d’humour et subtilité que le réalisateur introduit dans son scénario ce tout petit enfant « au cœur pur ».  Balloté dans un cabas comme une vile marchandise (les mères spectatrices vont suffoquer face à ces scènes insupportables) cet adorable Zion s’avère être la véritable clef du film.

Affublé d’une Vierge en plastique en guise de doudou, cet innocent au prénom biblique n’est pas sans rappeler la figure mythique du petit Moïse à la fois sauvé des eaux et sauveur de son peuple.

ZION … Un enfant porteur d’espoir ?

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Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Un film de Nelson Foix

Coproduit par Laurence Lascary et Jamel Debbouze

Avec Sloan Decombes, Philippe Calodat, Zebrist, Axelle Delisle, Don Snoop et Lucile Kancel 

 Sortie : 9 avril 2025

https://youtu.be/JpDwl1NbCKA

Béatrice, Fabrice et Pasolini : interviews croisées

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La Passion selon Béatrice sort cette semaine au cinéma : retour sur un échange informel en compagnie de Béatrice Dalle et de Fabrice du Welz capturés en septembre dernier durant le Festival du Film Fantastique de Strasbourg.

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La comédienne Béatrice Dalle et le réalisateur Fabrice du Welz, très complices lors de la présentation du film La Passion selon Béatrice au Festival du Film Fantastique de Strasbourg. (Photo ©Florence Gopikian Yérémian)

Comment définiriez-vous votre nouveau film ?

Fabrice du Welz : C’est un documentaire destinée à Béatrice que j’aime profondément. On a eu plusieurs rendez-vous manqués au cinéma et chaque fois que je la voyais, je lui disais « Il faut faire un film sur ta vie ». Elle avait un projet qui n’a pas abouti, alors je me suis lancé. Je ne voulais pas créer quelque chose de littéral sur elle. Je voulais l’emmener dans une quête spirituelle ou poétique, et l’idée de Pasolini a germé. Comme nous sommes tous les deux de grands passionnés de ce maître italien, cette intersection nous a rassemblés.

Quel a été pour chacun de vous le point de rencontre avec Pasolini ?

Dalle-Wetz-syma-news-gopikian-yeremianBéatrice Dalle : La première œuvre que j’ai vue au cinéma était Salò. Je l’ai découvert avec mon premier mari dans une petite salle de Saint Michel. Avec ce film, tu prends une vraie claque et à chaque image tu te dis qu’on ne peut pas aller plus loin. Ce n’est que plus tard que j’ai vraiment capté la poésie de cet artiste.
Quand on est parti tourner en Italie avec Fabrice, j’avais dans l’idée que Pasolini était un saint. J’ai compris ensuite que ce n’était qu’un humain et, même si j’ai constaté des choses qui me plaisaient moins chez lui, j’en suis restée amoureuse. Durant le tournage, j’ai carrément creusé sa tombe pour y planquer des trucs !

Fabrice du Welz : Personnellement, je n’aime pas beaucoup Salò. Je préfère Accattone, le Décaméron et la période lumineuse de Pasolini où se dessine son Évangile selon Saint Matthieu. J’associe cette œuvre à la vitalité, à la pulsion de vie. J’ai beaucoup de mal à voir Salò à cause de ma sensibilité. Pasolini devait être vraiment désespéré quand il l’a tourné. Il en a d’ailleurs payé de sa vie car on lui a volé le négatif et le film que l’on possède aujourd’hui se résume à de mauvais rushs et des secondes prises.

Combien de temps a duré le tournage de La Passion selon Béatrice ?

Fabrice du Welz : Une dizaine de jours. Quand on est arrivé en Italie avec le chef opérateur, on s’est assis sur nos valises sans vraiment savoir ce qu’on allait faire. On avait juste une colonne vertébrale posée entre le Nord et le Sud du pays ponctuée de quelques rencontres qui changeaient sans cesse. On ne savait pas comment on allait articuler ce trajet cinématographique avec Béatrice. La scène déterminante où j’ai su qu’on tenait le film est celle où Abel Ferrara discute avec elle. Cet échange a donné sens à tous les lieux visités, à la quête, au changement d’époque et au monde perdu.

Béatrice Dalle : Moi je vois ce film comme la quête d’un homme avec qui j’ai vécu, que j’ai vraiment aimé, mais que je ne retrouve pas. Ça me donne envie de pleurer rien qu’en y pensant ! Je crois que j’ai usé mon quota de larmes dans cette oeuvre ! Je vais faire des comédies à partir de maintenant !

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Au fil du voyage, Béatrice Dalle croise le chemin d’Abel Ferrara qui lui raconte l’assassinat de Pasolini. Cette scène a été déterminante pour la structure du film.

La fiction réalisée par Ferrara en 2014 sur la fin de Pasolini peut-elle être perçue comme un complément à votre démarche cinématographique ?

Fabrice Du Welz : Ce n’est pas un complément car je reste assez loin de l’œuvre de Ferrara. Mon film est plutôt un portrait de Béatrice Dalle saisie dans son intimité avec tous les paradoxes qui la caractérisent. On a choisi Pasolini comme quête mais ça aurait pu être Jean Genet ou quelqu’un d’autre. Par contre, ce qui est sûr pour moi, c’est que Béatrice a tout d’une actrice Pasolinienne.

Si vous aviez pu jouer dans un film de Pasolini, lequel auriez-vous choisi ?

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Béatrice, aussi belle et mystique que les actrices pasoliniennes.

Béatrice Dalle : J’aime particulièrement Silvana Mangano dans Théorème. Je crois que c’est la plus belle créature terrestre que j’ai jamais vue. Souvent les homosexuels filment bien les femmes ! En regardant Pasolini, on sent justement qu’il les aimait vraiment. Il ne couchait peut-être pas avec elles mais on s’en fout, il s’entourait des plus belles.

Le film possède une esthétique impressionnante, était-ce un parti pris dès le départ ?

Fabrice du Welz : Pas du tout. Je n’avais nullement l’intention de faire de ce long métrage un objet esthétique. L’idée est  venue avec le changement de support : quand les quatre caméras sont passées au noir et blanc, tout a basculé, puis c’est ensuite le trajet lui-même qui nous a inspiré.

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Le noir et blanc apporte une très belle esthétique au film de Fabrice du Welz

Au début du film, un texte se dessine : « Je suis une force du passé, je viens des ruines, des églises… ». Qu’évoque-t-il ?   

Béatrice Dalle : C’est un poème de Pasolini (Io sono una forza del passato). Je l’ai tatoué sur tout mon dos car j’aime passionnément la poésie. Le quotidien me déplait. Déjà dans ma vie, il m’insupporte mais à l’écran c’est pire : je n’arrive plus à tourner des films en me déguisant en petit cochon ou en princesse. À présent, je préfère me pencher vers des génies comme Fassbinder, Maïakovski ou Pasolini. Il n’y en a pas beaucoup des talents comme ça, alors il faut que je les exploite à mort !

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Vous avez dit qu’à vos yeux, malgré les centaines de films que vous avez déjà tournés, celui-ci demeure le plus beau

Béatrice Dalle : C’est vrai, et je ne suis pas la seule à le penser : Abel Ferrara qui n’aime habituellement rien ni personne était présent à Venise lors de la première projection de La passion selon Béatrice. Il était assis à côté de moi. Il a regardé tout le long-métrage et à la fin, il a simplement conclu : « C’est le plus beau film qu’on ait jamais fait sur Pasolini ! ». Abel qui te dit ça, ça n’existe pas ! Et il continue de le dire à qui veut l’entendre !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

Propos recueillis au Cinéma Star Saint Ex de Strasbourg le 22 septembre 2024

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Un film de Fabrice du Welz

Avec Béatrice Dalle

En salle : le 20 novembre 2024

Lien vers la critique du film : La Passion selon Béatrice

Photos :©Florence Gopikian Yérémian

The Missing : une pépite animée venue des Philippines

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The Missing : un film d’animation qui dénonce l’inceste à travers une incroyable créativité métaphorique

L’une des pépites du Festival du Film Fantastique de Strasbourg est certainement The Missing. Réalisé par Carl Joseph Papa, ce film d’animation met en scène l’étrange quotidien d’Éric, un jeune philippin luttant contre les démons de son passé. À mi-chemin entre la science-fiction et la triste réalité des victimes d’inceste, il nous fait prendre conscience de la portée d’un tel trauma et nous plonge avec virtuosité dans leur reconstruction.

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The Missing est une oeuvre autobiographique où le protagoniste Éric tente de fuir les démons de son passé

Les fantômes du passé

Éric est un jeune dessinateur qui crée des films d’animation au sein d’une petite entreprise philippine. Dévoué et travailleur, il a la particularité de ne pas avoir de bouche et ne s’exprime qu’avec un stylo et une tablette. Pris dans un quotidien mutique et sans surprise, il se retrouve un soir face au corps de son oncle gisant sur le sol de son appartement.
Prostré devant ce cadavre couvert de mouches, ses souvenirs refont soudainement surface et entrainent le jeune homme dans des hallucinations à répétition peuplées d’Aliens et de vaisseaux spatiaux.
Épaulé par sa mère et son ami Carlo, Éric va tenter de comprendre et d’apprivoiser ses peurs pour enfin pouvoir mettre des mots sur les fantômes de son enfance et atteindre une résilience.

THE MISSING - FILM - CINEMA - sYMA NEWS - gOPIKIAN - yEREMIAN - JOSEPH PAPA - FEFFS
Malgré l’amour qu’elle porte à son fils, Rosalinda semble ne pas comprendre la cause réelle de son mutisme…

Du bon usage de la rotoscopie

Réalisé en rotoscopie avec un tout petit budget, The Missing aurait pu déplaire aux amateurs de cartoons lissés et synthétisés de l’ère numérique. Il n’en est rien : ces derniers ont tous été séduits par cette œuvre singulière car, de façon étrange, la technique rotoscopique – qui consiste à redessiner sur un corps en mouvement – sert parfaitement l’œuvre de Carl Joseph Papa.
À la fois réaliste et saccadée, elle confère au récit un aspect artisanal qui résonne avec la ruralité du cadre philippin et répond à l’esprit en reconstruction du protagoniste. Cette approche un peu « ébauchée » du film est d’ailleurs accentuée durant les multiples flashbacks d’Éric où son passé réapparait à travers de candides dessins d’enfants en 2D.

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A chaque fois qu’Éric est projeté dans les arcanes de son enfance, le film animé passe de la rotoscopie à de candides images en 2D

Une immense sensibilité narrative

Le point fort de cette œuvre animée réside cependant dans son extrême sensibilité. Malgré la terrible thématique de l’inceste, tout y est exprimé avec délicatesse à travers d’incroyables métaphores qui explorent le schéma mental post-traumatique du héros. Au premier regard, le spectateur est pris dans un univers surréaliste où des monstres viennent perturber le personnage puis, peu à peu, il prend conscience de chacun des symboles du récit et de la dure réalité qui oppresse Éric depuis ses neuf ans.

De façon alternative, on passe ainsi de l’univers d’un jeune adulte muet à celui d’un petit enfant menacé par un extra-terrestre. Le dessin change, les couleurs s’assombrissent et la réalité happe progressivement le public dans ses tentacules. C’est intense, intelligent et la narration du trauma est très habilement construite. Il faut dire que cette histoire est autobiographique et que le réalisateur s’est inspiré de son propre parcours pour dénoncer avec autant d’empathie les abus sexuels envers les enfants.

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Suite à la mort de son oncle, le jeune Éric va devenir victime d’hallucinations qui vont le terroriser

L’animation engagée au service du réel

Malgré sa lourde thématique, l’œuvre de Carl Joseph Papa ne comporte pas que des zones d’ombre. Son imagination est d’ailleurs si débordante qu’elle nous séduit et nous intrigue avant tout. La bouche inexistante de son protagoniste place le spectateur dans un questionnement dès la première image et instaure inconsciemment un étrange climat de non-dits. Il en va de même pour certaines des parties du corps d’Éric qui vont être amenées à disparaitre, elles aussi, au fil du récit.

Le silence même du jeune homme est un élément primordial du film : son absence permanente de paroles accentue sa détresse et elle nous fait entrer avec évidence dans la complexité psychologique de son monde intérieur. On doute, on le sent vulnérable, on essaye d’analyser ses cauchemars et on capte peu à peu sa douleur mutique au fond de ses yeux si expressifs.

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L’oeuvre de Carl Joseph Papa évoque également le thème de l’homosexualité avec beaucoup de douceur et de bienveillance

L’amour est aussi présent dans The Missing à travers la figure un peu naïve de la mère Rosalinda, mais surtout par le biais de l’idylle naissante entre Éric et Carlo. Là aussi, en évoquant l’homosexualité, le réalisateur porte à l’écran un thème encore très peu exploité sur les écrans philippins. Carl Joseph Papa prouve ainsi le potentiel narratif que peuvent avoir les films d’animation comparativement au cinéma réel et signe avec brio une double pépite !

Espérons que cette oeuvre pourra avoir un impact même minime sur le nombre des victimes d’abus sexuels qui s’élèveraient aujourd’hui à plus de 7 millions d’enfants uniquement dans le cadre des Philippines.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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(Iti Mapukpukaw)

Un film de Carl Joseph Papa

Carlo Aquino (Éric), Gio Gahol (Carlo) et Dolly de Leon (Rosalinda)

Prochaine projection : Dimanche 29 septembre au Cinéma Star – 27 rue du jeu-des-enfants – Strasbourg

Nos précédents articles sur le Festival – FEFFS

La passion selon Béatrice Dalle

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La passion selon Béatrice Dalle

Amoureux de Pasolini, Béatrice Dalle et Fabrice du Welz ont fait fusionner leur passion pour donner naissance à une œuvre cinématographique où le destin du cinéaste maudit chaloupe poétiquement avec un portrait intime de la comédienne.

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Entière et sans fard, Béatrice Dalle nous entraine sur les traces de Pasolini

Sur les traces de Pasolini

Oscillant entre l’éloge et le documentaire, ce film atypique suit les traces de Pasolini en promenant le spectateur du Nord au Sud de l’Italie. De Rome à Ostia en passant par Venise, Béatrice Dalle se transforme en évangile dont la parole nous entraine dans les pas complexes du messie pasolinien.

Envoutée par le charisme et le talent de cet artiste hors-normes, Béatrice mystifie son fantôme tout en cherchant à comprendre son génie. A la fois dramaturge, acteur et réalisateur, Pasolini a longtemps été perçu comme un véritable diable à la sexualité débridée. A travers une palette de rencontres impromptues, Béatrice Dalle fait cependant ressortir l’engagement de cet intellectuel contre l’injustice ainsi que sa critique contre le consumérisme et la classe bourgeoise dirigeante.

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Parmi ses rencontres, Béatrice Dalle croise le chemin d’Abel Ferrara qui lui raconte l’assassinat de Pasolini

Croisant les chemins d’un archiviste ou d’une co-scénariste en compagnie du jeune acteur Clément Roussier, on la retrouve aux côtés d’Abel Ferrara qui lui décrit à quel point Pasolini était détesté par le gouvernement italien pour son activisme communiste et son homosexualité avec de très jeunes garçons.

Béatrice Dalle touchée par la grâce

Eblouie par le talent de Pasolini, Béatrice semble lui pardonner ses fautes et préfère se concentrer sur l’amour du cinéaste envers les humbles. Subjuguée face au film qu’il a consacré à Jésus (L’évangile selon Saint Matthieu), on la voit pleurer toutes les larmes de son corps tant l’émotion la submerge. Mystique et presque possédée, elle s’offre ainsi sans fard à la caméra de Fabrice du Welz qui la madonise dans un noir et blanc de soie enveloppé de concertos vivaldiens.

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Fabrice du Welz livre un portrait à fleur de peau de Béatrice Dalle

Lorsque l’on connait la gouaille et la force de caractère de Béatrice Dalle, on est extrêmement touché par l’hypersensibilité qu’elle dévoile à l’écran. C’est de l’amour qui jaillit de ses tripes, de l’admiration sans faille pour le Maestro mais peut-être également  un flux de douleurs et un appel à la beauté demeurés trop longtemps enfouies en elle. De toute évidence, la comédienne ne joue plus car Pasolini et sa poésie la bouleversent jusqu’au fond de l’âme. À mi-chemin entre une amante impossible et une Mater Dolorosa, elle est transcendée par ce voyage qui la rapproche d’un fantôme tant adulé et qui prend sur la fin des allures de Chemin de croix.

Lorsque la caméra de Fabrice du Welz s’arrête, on se dit que Béatrice a reçu la grâce lors de ce tournage… à moins qu’elle ne l’avait déjà, dissimulée durant des années sous sa carapace de rebelle.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

En complément : Interview exclusive Béatrice Dalle & Fabrice du Welz

La passion selon Béatrice

Un film de Fabrice du Welz

Avec Béatrice Dalle, Clément Roussier, Abel Ferrara

Au cinéma le 20 novembre 2024

La passion selon Béatrice a été projetée lors du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2024 en séance spéciale

Nos articles sur le FEFFS :

– Ouverture du Festival 2024  

– Mémoires d’un escargot

– The Missing

 

John Mc Tiernan à l’honneur du Festival du Film Fantastique de Strasbourg

Mc Tiernan à l’honneur du Festival du Film Fantastique de Strasbourg

Ce week-end du 20 septembre a débuté le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg en présence de John Mc Tiernan. Pour cette dix-septième édition, pas moins de 123 films vont se déployer à travers toutes les salles obscures de la ville. Entre thrillers, science-fictions et films d’animations, les festivaliers petits et grands vont être comblés !

John Mc Tiernan (au centre) lors de la soirée d’ouverture du Festival – Photo : © Florence Gopikian-Yérémian

Hommage à Mc Tiernan, roi des Blockbusters

La soirée d’ouverture du FEFFS a débuté le vendredi 20 septembre avec un hommage mérité à John Mc Tiernan. Face à ce géant du cinéma, le public du Vox s’est levé d’un seul élan pour acclamer son immense travail cinématographique. Entre Predator, Die Hard, Rollerball, A la Poursuite d’octobre rouge et le 13e Guerrier, on peut affirmer que Mc Tiernan a révolutionné le cinéma d’action hollywoodien en lui apportant un souffle novateur et une dynamique des plus impressionnantes !

Très ému face aux applaudissements des festivaliers, John Mc Tiernan leur a fait part de sa passion pour le septième Art et a précisé avec beaucoup d’humour et d’humilité qu’il était très impressionné d’avoir rencontré la fille de Stanley Kubrick qui fait partie cette année des membres du jury du FEFFS.

The Surfer : film d’ouverture

Cette première soirée s’est poursuivie avec la projection de The Surfer, un film australien signé Lorcan Finnegan mettant en scène Nicolas Cage pris dans une spirale infernale digne de The Game.

Précisions que parmi les longs métrages fantastiques, les dessins animés, les thrillers et les films de genre, le Festival organise cette année une rétrospective du cinéma australien des années 70/80.

Une sélection riche et variée

Au sein des films en compétition, ne ratez pas Animale d’Emma Benestan qui met en scène l’univers de la tauromachie ainsi que la comédie britannique Timestalker d’Alice Lowe qui propose un voyage amoureux à travers le temps.

Il faut également noter l’originalité du long-métrage canadien Sew Torn où Freddy Mc Donald construit un thriller autour d’une étrange couturière et souligner l’immense travail d’Adam Elliot pour son très touchant film d’animation, Mémoires d’un escargot.

Parmi les artistes invités, signalons la présence de Béatrice Dalle qui viendra le 22 septembre à l’UGC de Strasbourg afin de défendre le film de Stuart Ortiz consacré à Pasolini : La Passion selon Béatrice.

En attendant la remise de l’Octopus d’Or et du Melies d’Argent, nous vous souhaitons un Bon Festival !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg

Du 20 au 29 septembre 2024

www.strasbourgfestival.com

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Nos articles sur les films du FEFFS 2024 :

 

Tatami nous met K.O

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Tatami, un film qui nous met K.O par sa force et son intelligence

Lors de la coupe du monde de judo en Géorgie, la jeune Leila représente la république islamique d’Iran. Tandis que la médaille d’or se profile, son gouvernement comprend qu’elle va devoir affronter une judokate israélienne et lui demande d’abandonner le tournoi. Effrayée par cet oukase, son entraineuse Maryam prend peur mais Leila refuse obstinément de se plier à la loi des mollahs…

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Arienne Mandi maitrise son rôle de bout en bout. A la fois rebelle, puissante et pleine d’esprit, elle confère au personnage de Leila une détermination à toutes épreuves.

Un thriller sportif et politique

Tatami est définitivement le film de cette rentrée car il fait écho à l’actualité olympique tout en dénonçant l’absurdité à laquelle peuvent mener les conflits politiques et précisément ceux du Proche-Orient.

Réalisé par Guy Nattiv et Zar Amir, ce long-métrage défraye de surcroit la chronique car il propose une collaboration main dans la main entre un israélien et une iranienne. Si ces deux artistes ont pu tourner ce film, c’est qu’ils ont chacun quitté leur pays d’origine : Guy Nattiv (auteur de Skin) a migré aux États-Unis, quant à Zar Amir, elle s’est exilée en France où elle s’est récemment fait remarquer pour son interprétation dans Les nuits de Mashhad.

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Guy Nattiv et Zar Amir (au centre) forme un duo de réalisateurs révolutionnaires : passant outre les conflits de leurs pays respectifs (l’Israël et l’Iran), ils ont travaillé à quatre mains pour réaliser Tatami.

Vers un message de paix

En ces temps de crise géopolitique, ce tandem de cinéastes héroïques prouve avec une très grande intelligence que l’art – et particulièrement le septième – peut être porteur d’un dialogue entre les pays et d’un engagement réel pour le respect des droits de l’homme.

Bien que Tatami mette en avant un sport de combat, il est intéressant de constater que ce film et l’ensemble de son équipe sont clairement porteurs d’un message de paix.

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Un rythme haletant 

Construit sur une forte dynamique avec un très bon cadrage, Tatami nous fait parfois songer à Raging Bull de Scorsese. Il est d’ailleurs tourné à huis clos et en noir et blanc, ce qui lui octroie à la fois une intensité folle, une élégance et un très beau suspens. Rythmé par les rounds qui se succèdent entre judokates de toutes les nations, il nous fait avancer pas à pas vers la médaille d’or tout en nous plongeant dans les tourments et les dilemmes de ses protagonistes.

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Leila (Arienne Mandi) est déterminée à remporter la médaille d’or de Judo mais va-t-elle résister face à la pression et aux menaces que son pays fait peser sur sa famille ?

Duo de choc

Les deux actrices phares sont exceptionnelles. Arienne Mandi confère à Leila une détermination à toutes épreuves. Rebelle, puissante et pleine d’esprit, sa protagoniste alterne les phases de concentration et les moments où elle laisse exploser toute sa rage de judokate. Refusant de se soumettre au diktat de l’Iran en simulant une blessure, elle va continuer ses combats en devant gérer mentalement la menace qui pèse sur sa famille restée à Téhéran. L’un des plus beaux moments de ce parcours est certainement celui où Leila monte sur le tatami pour lutter sans son foulard devant le monde entier. Frissons garantis.

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À travers le tandem de Leila (Arienne Mandi, à droite) et de son entraineuse (Zar Amir), deux générations d’athlètes se confrontent. Quel que soit leur âge, elles demeurent, hélas, prisonnières des lois archaïques de l’Iran.

À ses côtés, la partition cinématographique de Maryam est plus tempérée mais demande davantage de nuances. Bien que coach, Zar Amir joue aussi le rôle d’une ancienne athlète qui a peur des représailles de son gouvernement car elle connait, hélas, les lois de l’Iran et de son guide suprême. Basculée entre ses craintes et ses hésitations, elle ne peut se permettre d’avoir la spontanéité de son élève mais aspire secrètement à ne plus se soumettre.

Un film très engagé

À la fois comédienne et réalisatrice, Zar Amir porte ici une double casquette qui montre son implication de femme et fait écho aux récents mouvements activistes des manifestantes iraniennes. Avec autant de finesse que de volonté, son film est un cri contre toutes les oppressions :  celles faites aux athlètes, aux femmes et à l’humain dans toute sa globalité.

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Tatami dénonce non seulement la récupération politique des sportifs, ce film met aussi en avant le combat des femmes iraniennes pour leur liberté.

Avec Guy Nattiv, ces deux réalisateurs ont réussi à composer une ode audacieuse à la liberté qui dénonce à la fois l’archaïsme des nations belliqueuses et accuse sur grand écran l’hypocrisie et la récupération politique du sport.
Le clin d’œil final à l’équipe olympique des exilés est porteur d’un magnifique message d’espoir. Encore bravo pour cette film : Ippon !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Un film de Guy Nattiv et Zar Amir

Avec Arienne Mandi et Zar Amir

En salle le 4 septembre 2024

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Jusqu’au bout du monde : un western au féminin mené par Vicky Krieps

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Viggo Mortensen créé le Western romantique

Le nouveau film de Viggo Mortensen est une histoire d’amour tragique sur fond de guerre de Sécession. Dans les années 1860, un immigré danois, Holger Olsen tombe amoureux d’une québécoise répondant au nom de Vivienne Le Coudy. Indépendante et volontaire, la jeune femme va gouter aux premières joies du mariage jusqu’à ce que son époux s’engage sous les drapeaux aux côtés de l’Union. Se retrouvant seule au cœur d’un Nevada hostile, Vivienne va devoir faire face à la rudesse et à la brutalité d’un monde très masculin.

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L’excellente comédienne Vicky Krieps incarne le rôle d’une jeune femme (Vivienne Le Coudy) qui refuse de se plier aux conventions sociales de son époque.

Vicky Krieps, une superbe interprète sans artifice

Viggo Mortensen est à la fois le réalisateur, le scénariste et l’acteur principal de ce nouveau long-métrage. Inspiré par sa propre mère qui a grandi à proximité d’une forêt entre la frontière canadienne et le nord-est des Etats-Unis, il a choisi de donner le rôle principal de son western à une québécoise du nouveau monde, Vivienne Le Coudy. Farouche, libre et téméraire, son héroïne charme les spectateurs par son anticonformisme et les impressionne par sa capacité de résilience. Tout au long du film, Vivienne va, en effet, faire preuve d’un courage sans borne auquel va se rajouter une vocation pour le pardon.

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Renouvelant le genre du western, Viggo Mortensen nous propose une romance inattendue entre une québécoise et un immigrant danois sur fond de guerre de Sécession.

C’est à Vicky Krieps que revient ce rôle ardu et la comédienne s’en sort avec autant de force que de grâce. Dans la lignée du film Corsage (2022) où elle interprétait avec brio l’indomptable Elisabeth d’Autriche, Vicky Krieps endosse de nouveau un rôle de femme ultra indépendante en lutte contre les injonctions d’une société patriarcale.

Véritable « Jeanne d’Arc parmi les cowboys », elle fait de son personnage une pionnière dans tous les sens du terme : pionnière sur une terre rugueuse à conquérir, mais aussi pionnière par son avant-gardisme et ses revendications de femme libre. À la fois douce, espiègle et un brin sauvageonne, Vicky Krieps nourrit avec talent toute la complexité de sa protagoniste et nous séduit par la beauté simple et authentique qui se dégage de sa personne.

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Avec ses yeux clairs, sa belle carrure et son étoile de shérif, Viggo Mortensen n’a pas besoin de se forcer pour avoir des allures de « cowboy scandinave »

Viggo Mortensen en “cowboy scandinave”

Le duo que forme Vicky Krieps avec Viggo Mortensen est plein de charme malgré les différences qui caractérisent leurs personnages. Aussi amoureux qu’indépendants la rencontre entre Vivienne et Olsen créée une intéressante alchimie.

Avec ses yeux clairs, sa belle carrure et son étoile de shérif, Viggo Mortensen n’a pas besoin de se forcer pour avoir des allures de « cowboy scandinave ». Solitaire, taiseux et assez paresseux, son protagoniste aime sincèrement Vivienne et se différencie de tous les mâles de cette histoire en acceptant avec sincérité l’indépendance de sa femme.

L’ensemble des congénères qui entourent Olsen sont d’ailleurs aussi machistes que corrompus et ce quelle que soit leur fonction : entre le maire, le juge et le patron du saloon, sans parler de l’abominable propriétaire terrien Weston Jeffries ou de son fils sociopathe, ces messieurs incarnent à ravir un nid d’ordures au sein d’une ville plus que gangrénée.

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La figure de Vivienne Le Coudy apporte autant de courage que de sérénité au sein de ce Far West dominé par des hommes violents et corrompus.

Un Western au féminin ?

En situant son histoire dans la petite ville d’Elk Flats au fin fond du Nevada, Viggo Mortensen nous plonge dans le cadre traditionnel du western américain avec sa rudesse et ses injustices. Il renouvelle cependant ce genre en s’intéressant à la psychologie profonde d’un personnage féminin et en construisant sa mise en scène autour d’une réelle histoire d’amour.

Au fil du récit, on se dit que ce réalisateur possède une âme aussi romantique que justicière. A la fois sensible et admiratif à l’égard de son héroïne, il nous offre un regard singulier et inattendu sur le rôle des femmes en plein Far West.

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Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

jusqu'au bout du monde - Viggo mortensen-vicky krieps-film-cinema-syma-news-gopikian-yeremianJusqu’au bout du monde

The Dead don’t hurt

Un film de Viggo Mortensen

Avec Vicky Krieps, Viggo Mortensen, Solly McLeod

En salles actuellement

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Quand vos voisins sont échangistes…

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Quand vos voisins sont échangistes…

Usés par vingt-cinq ans de vie commune, Xavier et Sophie ont fini par sombrer dans la tragique monotonie des vieux couples. Lorsque Sophie décide d’inviter leurs voisins à diner, Xavier n’est pas d’accord car les mœurs débridées de ces derniers le dérangent. Au fil de la soirée, il réalise cependant qu’il n’est au bout de ses surprises car ces jeunes voisins épris d’amour libre semblent être très intéressés par un échange de partenaires …

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La soirée s’annonce explosive pour ce joyeux quadrille formé par Sophie (Isabelle Carré), Xavier (Bernard Campan), Adèle (Julia Faure) et Alban (Pablo Pauly).

Un diner aux allures de thérapie de couple

Et plus si affinités est un remake du film espagnol Sentimental signé Cesc Gay. Assez fidèles à la thématique libertine de cette comédie, les réalisateurs Wildfried Méance et Olivier Ducray se sont amusés à confronter deux couples diamétralement opposés : d’un côté, il y a Sophie & Xavier qui s’ennuient terriblement au sein de leur routine conjugale, et de l’autre se distinguent Adèle & Alban, échangistes, sensuels et prêts à toutes les expériences pour agrémenter leur vie sexuelle. La rencontre de ces voisins va s’avérer pleine de surprises et d’excitations : certains vont s’émoustiller, d’autres vont s’énerver, tous enfin vont douter et plonger dans une querelle des ménages assez réjouissante.

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Un quadrille à la française

Le vieux couple formé par Isabelle Carré et Bernard Campan déborde de complicité. Il faut dire que les comédiens se connaissent de longue date et qu’ils ont déjà tourné maintes fois ensemble sur scène comme au cinéma (La dégustation en 2022, Se souvenir des belles choses en 2001)

Bernard Campan (Xavier) incarne avec beaucoup d’humour un époux jaloux, cynique et sans cesse sur la défensive. Surpris par l’extrême liberté de ses voisins et par les réactions improbables de sa propre femme, il passe de l’aigreur la plus acerbe à un véritable pétage de plombs.

film-syma-news-gopikian-yeremian-et plus si affinités-cinema-comedie-humour-isabelle-carre-campan-faure-pauly-meance-ducrayA ses côtés, Isabelle Carré (Sophie) campe le rôle de l’épouse frustrée qui tente malgré tout de donner quelques couleurs à sa vie conjugale. Entre un bon repas et des mots tendres, elle se donne encore l’illusion de l’amour sans trop savoir pourquoi. La comédienne est rayonnante dans sa belle robe rouge avec son sourire espiègle qui s’enhardit au fil du récit. Derrière la mine sage et coincée de sa protagoniste, on sent progressivement transparaitre des envies charnelles au grand dam de son âpre mari…

film-syma-news-gopikian-yeremian-et plus si affinités-cinema-comedie-humour-isabelle-carre-campan-faure-pauly-meance-ducrayIl faut dire que le voisin Alban est sans filtre et qu’il pousse le jeu de la séduction avec beaucoup d’insistance. Interprété crânement par Pablo Pauly, ce fanfaron joue les mâles provocateurs et savoure l’embarras dans lequel il plonge son concurrent.

Pour calmer le malaise qui s’accentue au fil de la soirée, sa compagne Adèle (Julia Faure, très glamour) tente de rester la figure dominante de ce joyeux quadrille en jouant les pseudo psychologues de couple.

Derrière sa légèreté, ce film traite de l’usure du couple

L’idée du film est audacieuse et fort sympathique. Avec ses mesquineries, ses mensonges et ses relations si hypocrites de « bon-voisinage », les réalisateurs Wildfried Méance et Olivier Ducray parviennent à insuffler à ce long-métrage l’esprit d’un vaudeville à la française.

On regrette néanmoins que la conversation entre voisins reste tiède et qu’elle tourne un peu en rond. Des répliques plus explosives auraient été les bienvenues ainsi que la présence d’autres intervenants aptes à élargir le débat sur les relations humaines, la sexualité et les tabous de notre époque.

Ces sujets sont très intéressants et truffés de ressources. Ils reflètent de surcroit pleinement la réalité et les questionnements des couples contemporains. En prenant du recul, vous comprendrez que cette comédie est en fait un film social qui va bien au-delà des partouses et du libertinage. Sous ses airs ironiques et un brin provocateurs, il challenge le public sur son ouverture d’esprit et traite de l’usure du couple : pourquoi rester ensemble si l’on ne partage plus rien ?
Bonne question !

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Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Et plus si affinités

Un film d’Olivier Ducray et Wilfried Méance

Avec Isabelle Carré, Bernard Campan, Julia Faure et Pablo Pauly

En salles le 3 avril 2024

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Être “père” peut-être un dilemme au sein de l’église catholique

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Être “père” peut-être un dilemme au sein de l’église catholique

Avec Paternel, Ronan Tronchot nous raconte le cheminement intérieur d’un prêtre découvrant qu’il est le père d’un enfant de onze ans. Entre cette nouvelle responsabilité et l’engagement qu’il porte envers ses fidèles, le doute s’instaure chez cet homme de Dieu : comment demeurer le messager du Seigneur tout en élevant son propre fils ?

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Simon (Gregory Gadebois, très convaincant en homme de foi) est-il apte à porter la double casquette de « père » sans délaisser sa paroisse ?

Faut-il choisir entre le Seigneur et son propre fils ?

Pudeur, empathie et justesse peuvent être les caractéristiques de ce premier long métrage réalisé par Ronan Tronchot. Mis en scène assez sobrement dans un petit village du centre de la France, son film se construit avec humilité autour de la sympathique figure du Père Simon.

Interprété avec beaucoup de douceur et d’humanité par Gregory Gadebois, cet homme de foi doit faire face à un passé qui le rattrape : avant son entrée dans les ordres, Simon a en effet gouté aux plaisirs de la chair avec une certaine Louise (Géraldine Nakache) qui est tombée enceinte sans le lui dire. Frôlant le burn-out et certainement la culpabilité, cette mère restée trop longtemps célibataire décide un jour de présenter le fruit de leurs ébats (Anton Alluin) à son ancien amant…

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L’apparition soudaine du jeune Aloé (Anton Alluin) a completement ébranlé le chemin de foi du père Simon (Grégory Gadebois)

Âgé de onze ans, cet enfant va chambouler tout le quotidien et les grandes certitudes de Simon : doit-il s’occuper de sa progéniture ou demeurer le père de sa paroisse ? Sa vocation sacerdotale est-elle seulement compatible avec l’amour paternel ou faut-il la sacrifier ? Face à ce lourd dilemme et à la peur d’être révoqué par l’église, Simon va entamer un véritable chemin de croix.

Ronan Tronchot questionne l’église catholique

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Lorsqu’il range sa soutane, Simon découvre les joies d’être aux côtés d’Aloé. Va-t-il enfin le laisser l’appeler “Mon père” ?

À travers la sensibilité de sa caméra et la sincérité de ses dialogues, le jeune réalisateur Ronan Tronchot, engage ici un vrai questionnement sur le besoin évident de renouvellement de l’église catholique. Subtil et délicat, son film montre la fonction sociale que peuvent avoir ces missionnaires chrétiens dans notre société contemporaine et il remet pieusement en cause le célibat des prêtres : est-il donc impossible d’avoir une vie de famille tout en étant au service de Seigneur ? Un prêtre est un homme de foi, certes, mais c’est également un homme qui peut éprouver des sentiments amoureux envers son prochain. Tartuffe ne disait-il pas avec lucidité : “Pour être dévot, je n’en suis pas moins homme” ?  En ayant une compagne et ses propres enfants, un prêtre ne serait-il pas plus apte à comprendre ses fidèles, à les orienter ? Le mariage, par ailleurs, ne serait-il pas bénéfique pour éviter les abus sexuels de l’église catholique ? Chacun sait que les pasteurs, les anglicans, les rabbins, les imams ou les prêtres maronites sont habilités à se marier, qu’attend donc le Vatican ?
Aux dernières nouvelles, le Pape François ne semble, hélas, pas encore prêt à réviser cette obligation.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Paternel-film-syma-gopikian-yeremian-cinema-Gregory-gadebois-tronchotPaternel

Un film de Ronan Tronchot

Avec Gregory Gadebois, Géraldine Nakache, Lyes Salem, Anton Alluin 

Sortie le 27 mars 2024

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Comme un lundi : une comédie déjantée en mode J-Pop

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Comme un lundi : une comédie déjantée qui se savoure en mode J-Pop

Tout démarre un lundi 25 octobre au sein d’une agence de pub japonaise. Une jeune équipe de com se rend compte qu’elle est prise dans une boucle temporelle qui lui fait sans cesse revivre la même semaine. Au fil des jours, chacun des employés tente de s’extraire de ce cauchemar jusqu’à comprendre que seule une grande solidarité va pouvoir les sauver.

À travers ce premier film, le jeune réalisateur japonais Ryo Takebayashi grime avec beaucoup humour l’asservissement d’une équipe de com dans un open space. Entre Métro – Boulot – Miso et Dodo, le délire est garanti !

Quoi de neuf au bureau ?

Le film de Ryo Takebayashi est une « comédie de bureau » complètement déjantée qui se savoure en mode Japanese Pop. Dans la lignée d’Happy Birthdead ou d’Un jour sans fin, le réalisateur s’amuse avec un schéma itératif où tout se réinitialise afin de faire comprendre à chacun que les êtres humains doivent sans cesse se remettre en question pour atteindre la meilleure version d’eux-mêmes.

Ce cheminement mental a le mérite d’être proposé avec une ironie mordante car Ryo Takebayashi maitrise aussi bien le comique de répétition que la direction de ses protagonistes : entre un duo de geeks, une employée modèle, un graphiste plein de fantaisie et un patron qui passe son temps à lire des comics, on assiste à des scènes cocasses qui frôlent parfois l’hystérie.

Un regard ironique sur le monde des métiers de la com à la puissance jap !

Métro – Boulot – Miso – Dodo

Grace à l’interprétation graduellement frénétique des comédiens, on prend place au sein de leur agence de pub et l’on ressent jour après jour le climat oppressant qui règne au cœur des entreprises nippones. De prime abord, la servitude et les courbettes de ces employés nous font songer au livre d’Amélie Nothomb (Stupeur et Tremblements) mais Ryo Takebayashi pousse plus loin la farce afin de nous faire comprendre avec le sourire à quel point notre société est vraiment devenue esclave du système.

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La carriériste Mademoiselle Yoshikawa (Wan Marui) va peu à peu mettre de côté sa petite personne pour aider son équipe à sortir d’une boucle temporelle

Un scénario dynamique et rocambolesque

La structure à huis clos du film ainsi que la répétition des séquences successives font preuve d’une grande rigueur de construction et illustrent parfaitement l’ambiance asphyxiante d’un open-space au sein duquel les employés perdent toute notion des priorités jusqu’à une prise de conscience collective.

Cette dernière s’effectue pas à pas via un de jeu de piste totalement rocambolesque qui nous propose comme indices un bracelet magique, un pigeon flashback et un manga inachevé… Tout cela avance dans une belle dynamique avec un scénario rythmé par des sensations de déjà-vu, des cliquetis d’horloge et des remises en question successives de chacun des personnage quelle que soit leur niveau de hiérarchie.

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Et s’il y avait une vie en dehors du bureau ?

Sous ses dessous loufoques et surréalistes ce film offre une réflexion lucide qui sous-entend que l’individualisme n’est jamais la bonne solution. Si l’on en croit la morale de la fin, seul un travail d’équipe est capable de conjurer la malédiction de cette boucle temporelle. Il en va certainement de même dans la vraie vie :  au lieu d’être centré sur vous-même et de céder au stress de votre boulot, voire au suicide, il serait temps de vous réveiller, et pourquoi pas dès ce lundi !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Un film de Ryo Takebayashi

Avec Wan Marui, Makita Sports, Yûgo Mikawa, Kohki Osamura, Kotaro Yagi, Haruki Takano, Momoi Shimada, Ryô Ikeda et Harumi Shuhama

Musique : Takao Ogi

Bande-dessinée : Yajimari

Sortie en salles le 8 mai 2024

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