Place aux Bennet Sisters !
Après un immense succès londonien, l’adaptation parodiée du roman de Jane Austen est en train de conquérir l’Hexagone ! Signée Virginie Hocq et Jean-Marc Victor, cette version française de Pride and Prejudices est un évènement théâtral aussi délicieux qu’irrévérencieux.
Prenant place dans la campagne anglaise du XIXe siècle, elle met en scène (sous la houlette acidulée de Johanna Boyé) les péripéties de Mrs Bennet, une bourgeoise proche de la ruine prête à tout pour marier ses cinq filles avec de bons partis.
Orgueil & Préjugés… ou presque
Publiée en 1813, cette nouvelle est l’un des fleurons les plus romantiques de la littérature britannique. Avec beaucoup d’humour et d’intelligence, Isobel Mc Arthur a transformé le texte un peu désuet de ce drama à l’eau de rose en une succulente comédie féministe où chacun des personnages devient sa propre caricature. Il en va ainsi des cinq sœurs Bennet dont on retrouve l’ensemble des profils tournés en dérision : il y a Jane la plus belle, Kitty la douce, Mary le laideron, Lydia la frivole, et enfin, Elizabeth l’orgueilleuse qui incarne avec audace l’héroïne rebelle de ce roman.
Place aux Bennet Sisters !
Le casting est à 100% féminin et toutes les actrices font preuve d’une réjouissante complicité en campant non seulement leurs rôles titres mais également ceux des domestiques, des amis, sans oublier les figures masculines du récit tels que l’aimable Mister Bingley ou le ténébreux Darcy.
Vêtues de chastes robes Régence et de perruques fantasques, les comédiennes disposent également de balais, plumeaux et pots de chambre qu’elles manipulent du bout de leurs gants Mapa !
Accompagnées d’une guitariste qui se déplace dans le public, les Bennet Sisters nous offrent un ballet joyeux et décalé où l’on passe ironiquement du quadrille fin de siècle au karaoké contemporain. La pièce est, en effet, musicale et elle revisite Pride & Prejudices en mode pop scandé de riffs électriques ! De Kate Bush à Eurythmics en passant par Queen ou Ed Sheeran, les hits “pur British” s’enchainent tout au long du spectacle en demeurant fidèles à la Couronne.
Dear Mrs Bennet !
Au cœur de cette cour de jeunes gens festifs aux hormones délirantes, s’élève et domine l’inégalable Mrs Bennet. Véritable reine-mère calculatrice et capricieuse, elle est interprétée avec insolence et frénésie par Emmanuelle Bougerol. En 2019, nous avions déjà savouré le panache de cette remarquable comédienne dans la pièce Jean-Louis XIV, la voici aujourd’hui de retour encore plus survoltée !
L’œil moqueur et la voix gouailleuse, elle déborde d’énergie et d’allégresse. Avec sa clope au bec, son bagout d’harengère et son insistance à vouloir marier ses filles, elle nous fait d’avantage penser à une maquerelle qu’à une vieille bourgeoise de la campagne anglaise du XIXe siècle. Aussi pêchue que géniale, Emmanuelle Bougerol ne se contente pas d’interpréter Mrs Bennet, elle prête aussi son talent fou au personnage de Fitzwilliam Darcy qui évolue dans le registre opposé ! A la fois impassible, dramatiquement noble et hautain, elle incarne ce gentleman avec un snobisme décapant qui séduit la salle autant qu’Elizabeth Bennet.
Vous l’avez compris, avec cette version réactualisée, vous pouvez mettre le romantisme sirupeux au placard et rire de bon cœur : les Bennet Sisters se sont enfin émancipées et vont même jusqu’à chanter Fuck You de Lily Allen !
Jane Austen aurait adoré.
Cordialement,