Bienvenue au Salon d’Automne 2021

Installé sur les Champs-Élysées, à deux pas du Petit Palais, le Salon d’Automne accueille cette année près de mille artistes originaires de 43 pays. De la sculpture à la photographie, en passant par une majorité de peintures, cette 118e édition s’annonce éclectique et sans frontières. Après l’effervescence de la FIAC 2021, elle vous propose à son tour un survol plus accessible de la nouvelle création. SYMA News vous présente sa sélection.

Isabelle-de-luca-salon-automne-syma-yeremian-gopikian-

Isabelle de Luca propose des toiles dans l’air du temps autour du thème « Connexion déconnectée ». Associant fusain et acrylique, elle croque avec un doux cynisme des personnages masqués plongés dans leurs téléphones. Observatrice des tristes moeurs de son temps, son pinceau nous livre avec réalisme des brochettes de gens perdus dans leur solitude digitale. Au coeur de ces compositions sur fond blanc, aucun échange, aucun mot, aucun regard. Seules les couleurs vives des vêtements apportent un frémissement de vie à ces existences égarées.

Terri Broughton - syma

Terri Broughton est une peintre dont la palette reflète une impressionnante force de caractère. Son tableau aux couleurs crues et aux lumières saturées est en effet d’une rare intensité. À travers le traitement des carnations, des tissus et des membres, cette artiste anglaise semble nous raconter une histoire ou plutôt un conte cruel. À première vue, on a l’impression de contempler le simple portrait d’une femme d’un certain âge, mais lorsque l’on s’attarde sur l’ensemble des détails de la toile, il ressort de cette oeuvre une raisonnance étrange et presque douloureuse. Qui est donc cette ancienne prisonnière qui vient de couper les cordes de ses pieds et de ses poignets ? De qui s’est-elle affranchie et pourquoi décide-t-elle à son tour de manipuler un pauvre pantin ? Par-delà la dextérité picturale de Terri Broughton, on salue bien bas la teneur psychologique et le talent narratif de son art.

Megumi sachs komamura - syma - yeremian - gopikian

Mégumi Sachs-Komamura est née au Japon. Présente au Salon d’Automne depuis 2012, elle propose cette année une oeuvre onirique peinte sur quatre panneaux nommée Baiser au vent. À travers cette huile imprégnée de délicatesse, l’artiste offre au public une réflexion personnelle qu’elle a élaborée durant la période du confinement. Malgré l’enfermement imposé à un niveau planétaire, Mégumi a continué de croire à la possibilité de dire à nos proches qu’on les aimait : son personnage envoie ainsi symboliquement des baisers pour maintenir le lien avec sa famille et ses amis. Dans ce tableau plein d’espoir et de poésie, la protagoniste ressemble à une naïade ou à une créature mythologique d’un autre temps. Tout y est harmonieux et équilibré : la finesse des membres, le soyeux des cheveux, sans parler de la fluidité diagonale de la pose se détachant sur ce fond rougeoyant qui illumine l’ensemble de la composition.

Kelyne-syma-yeremian-gopikian

L’art de Kélyne oscille entre celui de deux grands maîtres de la peinture. Sa belle poseuse aux bras recroquevillés nous rappelle, en effet, le personnage féminin du Baiser de Klimt tout en nous faisant songer aux demoiselles de Modigliani dont les yeux oblongs sont si souvent imprégnés de tristesse. Il se dégage de ce tableau une sublime harmonie picturale tant au niveau des coloris que des formes: la peau laiteuse de son personnage se marie parfaitement avec les tonalités pastel du fond tandis que ses courbes parfois anguleuses viennent percuter nos sens par leur douceur et leur étrangeté.

Nicolas Mocan

Nicolas Mocan joue sur l’étrange et l’ambiguïté. Ambiguïté des sexes et des corps anonymes qui se mêlent les uns aux autres. Étrangeté des lieux dessinés minutieusement en lumières rasantes. D’un point de vue technique, on aime beaucoup son travail sur les contrastes et les textures car par-delà la volupté qui se dégage de ses oeuvres, la peinture de Nicolas Mocan possède un côté graphique très intéressant : on pense aux gravures sombres et striées d’Hans Bellmer, on y pense aussi d’un point de vue thématique car l’univers de Nicolas Mocan est pétri d’un érotisme presque pervers. Face à ces peaux satinées, ces visages cachés et cette poitrine pendante piquée par des stilettos, on songe aussi aux écrits sulfureux du Marquis de Sade. Cette impression est d’ailleurs habilement accentuée par la présence d’oubliettes ainsi que par le cadrage du tableau : en se positionnant au plus près des corps, Nicolas Mocan transforme ainsi habilement le spectateur en un voyeur accidentel…

Ang.O-Belgique-syma-salon-automne-yeremian-gopikian

Ang.O est un artiste Belge. L’oeuvre qu’il a choisi d’exposer au Salon d’Automne intrigue à la fois par son titre (Scène de crime) et sa mise en scène présentant quatre enfants arrêtés par des banderoles jaunes. Derrière le calme apparent de ces gamins, on s’interroge : qui sont-ils ? À quoi ont-ils assisté ? Qu’est-ce qui les lie ? Quel théâtre se joue ou s’est joué devant leurs yeux ? Avec une belle dextérité, Ang.O nous offre leurs regards angéliques où se dissimulent à la fois un mutisme et une singulière violence. Tout est décliné dans des dégradés de noir et de blanc où l’on apprécie autant la maitrise des traits juvéniles que l’innocence des expressions : brillance des pupilles, indolence de la bouche, rondeur des joues… Un travail de portraitiste aussi méticuleux que déstabilisant.

Catherine Robin

La toile verticale de Catherine Robin représente des embarcations échouées sur l’Ile de Mull en Écosse. De par sa composition, elle nous fait un peu penser à une carte géographique où chacune des barques serait un ilot. Afin de capter la beauté de cette oeuvre, il faut la voir de près : les textures y sont rugueuses, les lumières pleines de vie, quant aux couleurs, elles ont absorbée la patine du temps. Tout y est authentique, aqueux, humide, gorgé de souffle. Avec délectation, on y sent les poils du pinceau qui lèche la toile, on y devine les couches successives d’huile et de pigment destinées à donner l’illusion de barques à l’abandon dont le bois a été usé par l’érosion. Simplement beau. 

Claudine-Loquen-syma-news-gopikian-yeremian-salon-automne

Pour 2021, le Salon d’Automne a ouvert une section “Art naïf” et c’est Claudine Loquen qui a remporté le prix de cette catégorie avec une toile nommée « À l’ombre des jeunes filles en fleurs ». À mi-chemin entre le surréalisme et l’art décoratif, cette oeuvre nous plonge dans un monde onirique où de jeunes demoiselles translucides flottent parmi des fleurs et des oiseaux imaginaires. On apprécie le choix et la belle maitrise des couleurs qui sont à la fois riches, intenses et élégantes. On aime aussi le sens de la composition de cette artiste qui cerne ses personnages dans un décor floral et ornithomorphe proche des illustrations de contes pour enfants.

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Isabelle-de-luca-salon-automne-syma-yeremian-gopikianSalon d’Automne

Jusqu’au 31 octobre 2021

Place George Clemenceau / Avenue des Champs-Élysées – Paris 8e

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.