Au diapason du monde

LVMH - Au diapason du monde - Fondation Vuitton - Art - Exposition - Kunst - Bernard Arnault - Syma Mobile - Syma News - Bleu Klein - Body Painting - Arts - Florence Yérémian - Expo

Une exposition qui s’égare

Le cheval suspendu de Maurizio Cattelan (surnommé La ballade de Trotski – 1996) a de quoi surprendre tous les visiteurs

Difficile de classer la nouvelle exposition de la Fondation Vuitton tant on ne capte pas son intention. Repartie sur les quatre étages du lumineux bâtiment conçu par Frank Gehry, elle rassemble une trentaine de créateurs hétéroclites ainsi qu’une section réservée à l’artiste japonais Murakami. Bien qu’elle se positionne comme un pseudo-questionnement sur la place de l’homme dans l’univers du vivant, son propos demeure opaque et sans cohérence.

Les œuvres, en effet, se suivent de façon illogique, elles combinent en désordre toutes les techniques (peinture, sculpture, vidéo…) et elles associent sans affinités des artistes du siècle dernier (Matisse, Klein, Giacometti…) à nos contemporains. Au fil du parcours, l’on peine à trouver une ligne directrice et l’on a l’impression que les conservateurs du Fond Vuitton ont rassemblé ce qu’ils avaient sous la main pour créer une exposition transcendantale sans réel parti-pris.

L’idée de sélectionner des œuvres au hasard pour tenter de trouver un lien entre elles peut être intéressante mais il faut laisser sous-entendre au public cette démarche ludique afin que l’accrochage fonctionne. Ce n’est pas le cas de l’exposition “Au diapason du monde” qui malgré ses qualités esthétiques ne propose ni jeu de hasard, ni réelle thématique, ni même un regard constructif sur les tendances actuelles.

Des correspondances visuelles qui sauvent la mise

La légèreté évanescente de l’homme qui chavire de Giacometti répond subtilement à l’homme qui court au centre de l’immense cliché photographique de Giovanni Anselmo.

Fort heureusement, par delà le manque de sens, l’assemblage visuel de certaines pièces apporte une très belle esthétique et des moments de grâce : il en va ainsi de L’homme qui chavire de Giacometti dont la légèreté évanescente répond subtilement à l’homme qui court au centre de l’immense cliché photographique de Giovanni Anselmo. Réunis dans des tonalités grisonnantes, ces deux silhouettes solitaires nous plongent dans une atmosphère sépulcrale et invitent le spectateur à une certaine méditation sur le devenir de soi.

Le bronze martelé de Giacometti répond silencieusement aux corps éclaboussés de la toile d’Yves Klein

Une telle mise en écho se retrouve aussi dans le face-à-face entre une toile de Klein et un autre Giacometti : issu de ses incroyables body paintings, le tableau anthropomorphique d’Yves Klein est tout en explosion et se déploie dans la matière bleue. Cet éclatement de corps peints qui se déplacent anarchiquement sur le canevas répond parfaitement à la nervosité de la figure de bronze du sculpteur suisse où les chairs semblent projetées, frappées, voire martelées.

LVMH - Au diapason du monde - Fondation Vuitton - Bernard Arnault - Syma Mobile - Syma News - Giacometti - Klein - Expo - Matisse - Florence Yérémian - Kiki Smith - Sculpture - Arts
Il existe une belle résonance visuelle entre le Nu aérien de Matisse et la lourde statue de Kiki Smith qui salue son envol.

Autre résonance: celle du Nu bleu aux bas verts de Matisse placé en retrait de la statue de Kiki Smith. Dans cet étrange dialogue, la figure de gouache découpée oppose sa féminité, ses couleurs vives et son apesanteur à la lourdeur et à l’uniformité chromatique du bronze : l’une prend son envol vers le ciel tandis que l’autre demeure au sol en la saluant d’un geste de la main.

Un attrait contemporain pour le glauque

Fondation Louis Vuitton - Au diapason du monde - LVMH - Paris - Art - Exposition -Syma News - Syma Mobile - Kunst - Pierre_Huyghe - Andrea Crespo
Andrea Crespo nous présente d’étranges siamoises – © A.Crespo 2018 et David Bordes
Ce portrait de Bunny Rogers est un écho au Silence des Agneaux ( 2016 – Tirage gélatino argentique)

Parallèlement à ces correspondances visuelles, certaines œuvres ressortent individuellement du parcours grâce aux impressions ou aux réflexions qu’elles suscitent : peur, malaise, amusement, remise en question…

Bien que la plupart des artistes contemporains entretiennent un rapport excessif avec la mort ou l’étrangeté, il faut avouer que ces singulières créations ont le pouvoir de troubler immédiatement les spectateurs.

Il en va ainsi des petits portraits mortifères de Bunny Rogers, du cheval empaillé de Maurizio Cattelan, des films sur les céphalopodes de Philippe Parreno ou des angoissantes jumelles bicéphales d’Andrea Crespo.

Fondation Louis Vuitton - Au diapason du monde - LVMH - Paris - Art - Exposition -Syma News - Syma Mobile - Kunst - Pierre_Huyghe -Florence Yérémian
La vidéo de Pierre Huyghe met en scène un chimpanzé déguisé en petite fille. Une façon plutôt singulière d’interroger notre ascendance…

La vidéo de Pierre Huyghe (Human mask) demeure l’une des pièces les plus marquantes de l’exposition. Durant une vingtaine de minutes, elle met en scène un chimpanzé habillé en petite fille qui se retrouve errant dans un univers post-apocalyptique. A mi-chemin entre l’humain et l’animal, ce silencieux personnage masqué nous dérange autant qu’il nous intrigue car il symbolise avec force et réalisme toute la théorie de notre évolution.

Un final multicolore

L’immense toile lumineuse de Gerhard Richter (Lilak) captive tous les regards

Face à ces créations glauques et malaisantes, l’on est heureux de découvrir la peinture élégiaque de Gerhard Richter (Lilak) ainsi que l’énorme Félix gonflable de Mark Leckey installé au cœur de l’architecture lumineuse d’Olafur Eliasson : grâce à cette installation monumentale jouant sur les reflets et les couleurs, le visiteur a l’impression d’évoluer dans un gigantesque kaléidoscope où il se sent soudainement plus léger.

L’énorme Felix le Chat de Mark Leckey se profile dans l’architecture lumineuse d’Olafur Eliasson

Une section autonome consacrée à Takashi Murakami conclut l’exposition Vuitton de façon ludique. Les enfants et les amateurs de manga apprécieront certainement les fresques murales à l’esthétique kawaii de ce peintre japonais. Ils s’amuseront aussi de ses gigantesques peintures mettant en scène sa pieuvre géante ou sa petite souris “Mr. DOB”.

La petite souris de Murakami représente symboliquement l’alter ego de l’artiste.

A l’exemple de la rétrospective de Vancouver actuellement consacrée à Murakami, il eut été judicieux de présenter quelques œuvres anciennes de l’artiste en parallèle de ses frises pop et colorées. Certes, ces pièces récentes sont vives et rayonnantes mais elles demeurent sans âme de par leurs motifs répétitifs et leur aspect « industrialisé ». Ne présenter que cette période tardive de Murakami devient aujourd’hui trop réducteur.

Un petit conseil de visite

Afin de ne pas être déçus par la nouvelle exposition de la Fondation Vuitton, nous vous conseillons d’aborder ce parcours capilotracté sans vraiment en chercher le sens. Trouvez séparément le meilleur de chacune des œuvres, faites abstraction des mauvaises et attendez avec impatience le prochain accrochage (En espérant, cette fois, qu’il soit aussi beau que l’hommage de Bernard Arnault à la scène africaine.)

Au diapason du monde
Du 11 avril au 27 août 2018

Fondation Vuitton
8, avenue du Mahatma Gandhi
Bois de Boulogne

http://www.fondationlouisvuitton.fr/

PDF Au diapason du monde – Florence Gopikian Yérémian

Activités jeune public :

Tous les weekends et durant les vacances scolaires, initiez vos têtes folles à l’art ludique de Murakami  :

De 11h30 à 12h30 : Parcours conté pour les 3-5 ans « Planète Murakami »

De 14h30 à 15h30 : Visite Kawaii en famille pour les 6-10 ans

Réservations obligatoires !

 

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.