Le compte est bon. Tout d’or certifié, Ed Sheeran continue de faire grimper le compteur avec « Subtract » entré numéro 1 des ventes. Un sixième album pourtant pas calculé, sur lequel l’artiste britannique se laisse porter avec tristesse mais espoir par les vagues d’épreuves qu’il a prises de plein fouet ces deux dernières années. Chronique musicale.

Ed Sheeran - Subtract - Boat -

Au fil de l’émotion

« Le coeur d’une femme est un océan de secrets » glissait James Cameron en plein naufrage du légendaire « Titanic ». Celui d’Ed Sheeran a quelque peu pris l’eau ces derniers temps. Mais plutôt que de se laisser couler dans les profondeurs, le chanteur a saisi le manche de sa guitare pour remonter à la surface avec « Subtract », dernier résultat de ses calculs mathématiques. Un Capitaine prenant le large en pleine tempête sous forme d’exutoire à bord d’un « Boat » abimé mais résistant. « But the waves won’t break my boat » comprenez « Mais les vagues ne briseront pas mon bateau» affirme-t-il d’un air berçant sur cette ode à la résilience bien décidé à digérer tous ces évènements vertigineux. Son gilet de sauvetage bien attaché le matelot roux poursuit son bain de « Salt Water » dans un tourbillon d’accords épurés. Un faiseur de tubes enfilant un uniforme plus authentique pour surfer sur le fil de l’émotion. « Pour la première fois je n’essaie pas de créer un album qui plaira aux gens. Je me contente de sortir quelque chose d’honnête et de fidèle à l’endroit où je me trouve dans ma vie d’adulte » assure l’interprète de « Shape of you » fortement éclaboussé par les coups durs de la vie. Entre autre la disparition douloureuse de ses amis proches Shane Warne et Jamal Edwards à qui il rend hommage dans le déchirant « Eyes Closed ». Une ballade pop thérapeutique évoquant l’épreuve du deuil. Le seul hit radiophonique faisant éclater cette douce bulle acoustique. Une totale mise à nu aux cinquante nuances de bleu allant poétiquement du thème du deuil à celui de la maladie en passant par la toxicomanie, la dépression jusqu’aux pensées suicidaires. Un bateau ivre tanguant au rythme des addictions passées de la star. « Stopped the drugs when she came, cleaned my act up overnight » / « J’ai arrêté la drogue quand elle est venue, j’ai nettoyé mon acte du jour au lendemain » scande-t-il sur l’apaisant « End Of Youth ». Avant de jeter à la mer une dernière bouteille d’alcoolBorderline ») où se mélangent poésie et amertume d’un homme qui a bu la tasse.

Ed Sheeran - Subtract - Boat -

Le calme après la tempête

S’il lui arrive de se laisser submerger par le chagrin, pour combattre la marée Ed Sheeran ne perd jamais du regard sa femme incarnant son phare son repère. Ni ses enfants à qui il rend un joyeux hommage paternel dans « Dusty ». Un équipage encore plus soudé depuis la découverte d’une tumeur chez Cherry Seaborn, tandis qu’elle était enceinte de leur deuxième fille Jupiter née l’été dernier. « Worried ‘bout my lover and I’m worried ‘bout our child » / « Inquiet pour mon amour et je m’inquiète pour notre enfant » se tracasse le chanteur resté à quai dans la salle d’attente du médecin sous un «Sycamore ». Prêt cependant à lever l’ancre malgré l’orage qui gronde. « She’ll be fine, she’ll be fin » / « Elle ira bien, elle ira bien » se persuade-t-il combattif mais fortement secoué. Un homme déboussolé qui laisse voguer ses doigts sur les touches de piano pour se diriger vers un ciel plus bleu. « Like a hand, I’m trying to hold the water back, And softly the oceans leans in the cracks » / « Comme une main, j’essaie de retenir l’eau, Et doucement les océans se penchent dans les fissures » navigue t-il dans «Spark » désireux de raviver la flamme. Et quoi de mieux qu’un slow dont lui seul a le secret pour rapprocher les coeurs. À l’instar du tendre « Life Goes On » au refrain similaire à celui du célèbre « Thinking Out Loud ». Plus féerique encore « Colourblind » véritable perle qui devrait résonner dans bon nombre de futurs mariages. Avant de remettre les voiles sur l’électrique « Curtains » les yeux rivés vers un horizon plus lumineux. Une note optimiste qui flotte dans l’air de « No Strings » noyant ses angoisses dans une eau plus limpide filtrée d’amour et du soutien indéfectible des siens. Jusqu’à se prolonger sur « The Hills of Aberfeldy » ultime piste officielle de l’album (sans compter les quatre bonus supplémentaires) qui clôture d’un air celtique vibrant cette croisière sur ce vaste Océan de calme et tempêtes qu’est la vie.

DROUIN ALICIA