Peut-on encore parler des samouraïs de manière originale? C’est la mission que s’est lancé le Musée national des arts asiatiques Guimet ce printemps avec L’arc et et le sabre, une exposition qui a pour but de regarder le guerrier nippon sous de nouveaux angles, loin des poncifs habituels.

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Triste fin pour l’héritage des samouraïs en 1870…

Le premier support de l’exposition est la photographie. Evidemment, on est davantage vers la fin du guerrier japonais traditionnel dans ce cas. Le cliché ci-dessus illustre ce fait : les armes et armures devenues inutiles, on les retrouve en masse chez les revendeurs. Une image rare et forte du crépuscule des guerriers.

Des pièces historiques classiques mais efficaces

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Même si elle commence par la fin, L’arc et et le sabre réunit néanmoins plusieurs photographies précédant l’installation du pouvoir Meiji (même si certaines font vraisemblablement partie des montages de Stillfried). Il y a en particulier deux produits du travail de Felice Beato, photographe ayant œuvré sur l’archipel dans les années 1860. La photo ici présentée montre des samouraïs du clan Satsuma. Elle n’est pas datée avec précision, mais on suppose qu’elle provient de la guerre de Boshin (1868-1869). Dans ce conflit, le clan Satsuma est allié du gouvernement Meiji pour renverser le shogunat. On remarque trois samouraïs en uniforme occidental, largement démocratisé par l’armée de Meiji à l’époque, accréditant cette thèse.

Bien sûr, on fera jamais une expo sur les samouraïs sans quelques belles lames. On peut y voir des tachis (sabre long) richement décorés mais aussi des tantôs (plus petite taille de sabre) tout aussi luxueux. Celui-ci à droite fait apparaître plusieurs gravures, certes difficiles à voir sur une photo, mais d’une finesse qui force le respect : une figure bouddhique entourée de dragons sur la lame, et le mont Fuji magnifiquement représenté. La gravure est tellement nette qu’on penserait qu’il a été forgé hier! Les détails sont vraiments fascinants et valent à eux seuls une visite au MNAAG.

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L’influence de l’animisme est resté fort longtemps.

Il faut dire que l’allégorie naturelle est très présente dans les armées d’antan. Les casques sont ornés de figures ostentatoires, entre autres, de dragons et de serpent. Si l’on est peu étonné du dragon qui a presque toutes les qualités en asie, le serpent est pour le coup bien plus apprécié que son confrère biblique. Pour les nippons, la mue du reptile est signe de longévité, voire d’immortalité.

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De quoi réfléchir sur la condition de la femme japonaise en 1870.

Un sujet fort inattendu s’illustre dans la sélection : la femme. Si féminité et armement ne font a priori pas bon ménage, on est détrompé par cette estampe de Yoshu Chikanobu montrant des domestiques s’entraînant au maniement du naganita (lance à lame courbe). On remarque que l’une d’elle à gauche tient un bokken (sabre en bois), suggérant que d’autres arts sont ouverts au public féminin. L’œuvre date de l’ère Meiji, donc peut-être que la condition féminine a commencé à changer après le départ du shogun.

L’esprit du guerrier traduit par les arts

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Les trois cercles concentriques sont l’emblème de cette légendaire lignée d’acteurs.

Le théâtre Kabuki est rempli de références au guerrier et c’est sans conteste le thème central de L’arc et le sabre. C’est d’autant plus vrai que le visuel de l’exposition représente l’acteur Danjurô VII dans son impressionnant costume utilisé pour la pièce Shibaraku. Dans Shibaraku, il incarne Kamakura Gongorô Kagemasa, un général de l’époque Heian qui sauve des condamnés d’un cruel seigneur. Danjurô incarne la puissance par son habit grandiloquant et son sabre de deux mètres. Le kabuki rend alors hommage à la force et à la bravoure du guerrier, et c’est loin d’être le seul exemple.

La pièce maîtresse de la collection est très certainement cette longue série d’estampes signée Hiroshige, représentant la version Kabuki du Chûshingura. Sous ce nom se cache en réalité la reprise, en plus romancée, de l’histoire des 47 Rônins. Traduit ici par “le trésor des vassaux fidèles”, ce Chûshingura en images marque les grandes étapes du récit de manière assez forte, même si tous les noms ont été changés. La détermination et la dignité des 47 samouraïs sans maître, qui ont abandonné jusqu’à leur vie pour venger leur leader, est formidablement rendue par le trait de Hiroshige. L’artiste offre à nouveau des décors magnifiques et un festival de couleurs, mais aussi un vrai jeu dans les personnages.

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En jeu vidéo, il y a quand même plus emblématique…

Dans sa dernière partie, L’Arc et le sabre explore un peu l’influence du samouraï dans les media modernes. Films, jeux vidéo, mangas, il y a quelques exemples d’oeuvres alignées en fin de parcours, mais elle semble un rien improvisée. Aucune exégèse par exemple des pièces, alors que tout le reste est finement documenté, ni même un court texte en encart pour expliquer le choix. Pourquoi Onimusha 3 plutôt que le premier? Cette série PS2 de Capcom est connue pour ses samouraïs et ses ninjas, mais les deux premiers sont nettement plus authentiques dans leur rapport au bushi (guerrier). Et pourquoi aucun Samurai Warrior? Ghost of Tsushima? Sekiro? Les exemples récents et parlants ne manquent pas.

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Les classiques sont bien là, mais ça mériterait quelques explications.

Les exemples cinématographiques sont parfois bien trouvés (Kill Bill, Yojimbô), parfois contestables (Les Sept Mercenaires en lieu et place des Septs Samouraïs) mais là encore il manque l’explication de la thèse.

Malgré cette relative fausse note sur la fin, L’Arc et le sabre est une exposition qui vaut franchement le détour pour ceux qui apprécient a culture classique japonaise. Elle n’est pas très grande, mais renferme moult pièces de grand intérêt, ainsi qu’une vision neuve du guerrier nippon. Plus que jamais au Musée Guimet, il y a beaucoup à apprendre et à retenir sur l’esprit du pays.

japon arc et sabre exposition paris musée arts asiatiques guimet meiji histoire samourai guerrier japonais tachi tanto casque kabuki estampe hiroshige chushingura danjuroL’Arc et le sabre

Musée National des Arts Asiatiques Guimet
6, Place d’Iéna, 75116 PARIS

Du 16 mars au 29 août 2022
Ouvert de 10h à 18h

Thomas Froehlicher est chroniqueur Japon & Gaming. Rédacteur pour plusieurs sites spécialisés dans le jeu vidéo, il intervient sur l'actualité vidéo-ludique depuis trois ans. Sa passion pour la culture japonaise, aussi bien classique que moderne, l'a poussé à en étudier la langue en parallèle de sa majeure en finance, puis à effectuer un semestre d'échange universitaire à Sophia University à Tokyo. Il est titulaire du Japanese Language Proficiency Test niveau 1 depuis 2012, et depuis ne jure que par les versions originales en japonais.