La rumeur d’un produit concurrent du Gamepass de Xbox chez Sony allait de bon train chez les connaisseurs du marché du jeu vidéo. Alors quand le PDG de Sony Interactive Entertainement dévoile le PlayStation Plus nouvelle formule, personne n’est surpris, mais pas forcément convaincu non plus.

Dans son message posté sur tous les blogs PlayStation de la planète, Jim Ryan met l’accent sur la fusion du PlayStation Now (son service de jeu en streaming) et le PlayStation Plus comme on le connaît aujourd’hui. Plus que discret au fil des années, le PlayStation Now était vraiment un échec et cette annonce peut être vue comme un moyen de l’enterrer en douce. Dans un discours inutilement grandiloquent sur l’innovation, Sony reconnaît donc un échec sur les offres d’abonnement.

A partir du mois de juin, le PlayStation Plus verra triple : le constructeur renomme le PlayStation Plus actuel en PlayStation Plus Essential, et ajoute les offres Extra et Premium. Le PlayStation Plus Essential comporte exactement les avantages connus actuellement, c’est-à-dire deux jeux téléchargeables par mois, les réductions, le stockage des sauvegardes dans le cloud et bien sûr le jeu multijoueur en ligne. Le prix reste le même, à savoir 59,99€ par an.

Payer plus pour jouer plus?

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Returnal devrait être un des premiers jeux importants du PS+ Extra.

Le PlayStation Plus Extra a tous les avantages d’Essential, avec en plus 400 jeux PS4 et PS5 qui seront téléchargeables et jouable hors ligne sans restriction. Le prix monte alors à 99,99€ par an. Seulement voilà, Jim Ryan admet que le nouveau service ne proposera toujours pas de jeux récents. En d’autres termes, on ne verra pas de jeu de PlayStation Studios sortir en même temps en magasin et sur le PlayStation Plus. M. Ryan estime qu’une telle simultanéité “briserait le cercle vertueux du succès et de l’investissement”. En clair, la qualité des jeux en pâtirait grandement. Sony va y mettre certains de ses gros succès comme Spiderman Miles Morales ou Returnal, qui auront donc plus d’un an. Par ailleurs, Jim Ryan ne précise pas quels autres jeux, notamment des éditeurs tiers, pourraient arriver dans la sélection. Le chef de PlayStation assure que “les discussions avancent bien”.

Le PlayStation Plus Premium possède tous les services des deux autres, et ajoute 340 jeux venus des catalogues PS3, PS2 et PSP. Déjà, on se demande où sont passés les jeux PlayStation Vita, nettement plus actuels que ceux de la console portable précédente. Les jeux PS3 seront uniquement jouables en streaming (grosse connexion recommandée) quand ceux PS2 et PSP pourront être téléchargés ou jouables aussi en streaming. On ne sait pas trop ce que revêt ce “ou”. Aura-t-on le choix ou sera-t-on dépendant d’internet pour une partie du rétrogaming? Encore une fois, l’annonce est pleine de flou et d’astérisques. Seul le prix est parfaitement clair : 119,99€ par an. Cela paraît tout à fait exagéré pour juste jouer à des jeux dont beaucoup sont dépassés. La valeur ajoutée est contestable : il aurait été plus clair et convaincant mettre les 700 jeux dans le deuxième palier au lieu de monter un tryptique qui respire l’avidité.

L’offre premium dans l’impasse?

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Pas sûr que Valkyria Chronicles 2 fasse un tabac en 4K…

Outre son prix, le Premium a un autre défaut majeur que Sony ne semble pas voir. Tout le monde aujourd’hui joue à sa PS4 ou PS5 sur des écrans 4K. Qu’est-ce qui va se passer quand l’écran 4K va afficher un jeu PSP originellement sur une résolution huit fois plus réduite? Il est permit de penser que ça ferait mal au yeux, et on peut difficilement espérer que des jeux PS2 pré-HD fassent beaucoup mieux sans remasterisation au cas par cas. Il manque à Sony un support portable capable d’être le plus proche possible de l’expérience originelle. Un successeur à la PSVita apparaît nécessaire pour profiter au maximum de la nouvelle offre, mais le constructeur s’y refuse.

Quel est donc alors le public cible de cette évolution? Les fans de la marque sont les plus propices à monter leur investissement, mais pour toutes les raisons citées plus haut, leur intérêt est quasi-nul. Pour payer deux fois plus pour quelque chose qu’on utilisera pas? Les “ultras” de PlayStation se jettent sur les toutes dernières sorties, et n’ont probablement pas une minute à consacrer à des jeux d’il y a un ou deux ans. Des sorties simultanées PS Plus et PlayStation Store sont indispensables pour embarquer les core gamers. De ce point de vue, le PlayStation Plus n’est toujours pas un concurrent sérieux pour le Gamepass de Microsoft.

Ce sont les joueurs plus occasionnels qui pourraient se laisser tenter : à 70 voire 80€ le jeu PS5, autant payer cette somme pour 400 titres si l’on est pas dans la course à la nouveauté. Difficile de déterminer l’épaisseur de cette démographie, mais cela pourra les détourner du marché de l’occasion, et donc prendre du chiffres d’affaires aux revendeurs pour le récupérer directement dans les caisses de Sony. Ne serait-ce pas là l’objectif caché de l’opération? Poursuivre la digitalisation du business et étrangler encore un petit peu plus les intermédiaires coûteux, voilà qui ferait du bien à la marge du groupe.

Thomas Froehlicher est chroniqueur Japon & Gaming. Rédacteur pour plusieurs sites spécialisés dans le jeu vidéo, il intervient sur l'actualité vidéo-ludique depuis trois ans. Sa passion pour la culture japonaise, aussi bien classique que moderne, l'a poussé à en étudier la langue en parallèle de sa majeure en finance, puis à effectuer un semestre d'échange universitaire à Sophia University à Tokyo. Il est titulaire du Japanese Language Proficiency Test niveau 1 depuis 2012, et depuis ne jure que par les versions originales en japonais.