L’objectif suggestif de Cédric Vasnier

Comédien et metteur en scène, Cédric Vasnier dévoile aujourd’hui une nouvelle facette de son talent : la photographie. À la fois sensuels et esthétisés, ses clichés en noir et blanc traduisent à merveille son attrait pour le portrait et les corps en mouvement. Exposés jusqu’à fin février au sein du théâtre Saint-Georges, ils débordent de fragilité, de désir et d’un très bel érotisme.

Rencontre avec un jeune photographe aussi doué que sensible.

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Florence Gopikian-Yérémian : Vous êtes initialement comédien-metteur en scène, quel est votre parcours scénique ?

Cédric Vasnier : Je viens de Normandie mais je suis monté à Paris une fois mon bac en poche. J’y ai suivi les cours de théâtre de Dominique Viriot et j’ai très vite fait de la publicité avant d’écrire et de jouer un one man show (Je suis un Homme) que j’ai tourné en province. J’ai ensuite été chroniqueur pour diverses radios où je faisais, entre autres, des billets d’humeur. J’ai adoré ça. J’ai eu la chance également de rencontrer Valérie Lemercier pour laquelle j’ai travaillé lors de son spectacle au Châtelet puis au Casino de Paris. Ce fut l’une de mes plus belles rencontres. Dernièrement, j’ai aussi joué aux côtés de Léa Drucker dans le film de Julien Rambaldi (C’est la vie). J’ai adoré toutes ces rencontres mais je me rends compte finalement combien j’aime être derrière plutôt que devant l’objectif.

Comment est né votre attrait pour la photographie ? Êtes-vous autodidacte ?

La photographie est arrivée dans ma vie par hasard. Je travaillais pour la marque de souliers de luxe Maison Ernest et je faisais, sans réellement y penser, des photos avec mon téléphone portable. La directrice artistique a trouvé ça bien, elle m’a donné une paire de souliers, une modèle et nous sommes allés au jardin du Palais Royal faire quelques clichés. Ce fut une révélation. On m’a prêté un reflex et j’ai commencé à réaliser des portraits d’une amie actrice. Dès que j’ai mis mon œil dans l’œilleton de l’appareil, je me suis senti à ma place. À travers cet œilleton, je pouvais décider de comment je voulais montrer le monde. Effectivement, je suis autodidacte. Avant septembre 2018 je n’avais jamais touché un appareil photo de ma vie. Aujourd’hui, je ne pense qu’à ça.

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Quels sont vos artistes référents dans le monde du 8e art ? Qui vous inspire ?

Pour moi, le maître c’est Peter Lindbergh. J’aime sa façon de capter l’âme de ses modèles. Dans les années 90, sa vision de la mode, cette manière de photographier les visages avec peu de maquillage, peu d’artifice fut une révolution. Je pense qu’il a contribué à libérer la femme du dictat de la perfection à tout prix. Son noir et blanc et son épure ont rendu ses clichés intemporels. Dès que je regarde ses photographies, je suis immédiatement ému. J’ai tous ses livres, je les parcours tout le temps.
Sinon, j’ai aussi une passion pour les photos de rue de Vivian Maier. Cette femme étrange et son incroyable travail découvert en 2017 sont impressionnants.

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Quelle est votre approche de la photographie ? Pour vous, est-ce une œuvre purement esthétique ? Un message ? Un éloge du beau ? Une nécessité intrinsèque de reproduire le réel ? De le modifier ?

Je ne pense pas qu’une photographie se doit de reproduire la vérité. Mes photos reflètent toujours ma vision, donc il y a subjectivité. Ce que j’aime surtout c’est essayer de montrer la fragilité des êtres. Lorsque j’étais petit, j’adorais fouiller dans l’armoire de ma grand-mère et regarder les vieilles photos en noir et blanc de gens que je n’avais pas connus : mes arrière-grands-parents, des oncles, des tantes… Ils sont morts désormais et pourtant toujours vivants puisque cent ans après, grâce à la photographie, je peux encore parcourir leurs visages imprimés sur ce petit morceau de papier. Je me demande souvent quelle a été leur vie. La seconde d’avant et la seconde d’après cette photo n’existent plus mais l’instant du clic, lui, est toujours bien vivant. Lorsque je fais des portraits, je dis souvent à mes modèles : « Regarde bien au fond de l’objectif et pense qu’une personne, un jour, te regardera, de l’autre côté de l’objectif. Vous vous regarderez alors. »

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Vous travaillez essentiellement le noir et blanc, pour quelle raison ?

Je vois la vie en noir et blanc. La couleur me perturbe. Avec le noir et blanc, je vais à l’essentiel. Il apporte immédiatement un sentiment dramatique, une émotion brute.

Beaucoup de portrait de sportifs figurent dans votre portfolio, est-ce un milieu que vous côtoyez ? Une ambiance qui vous inspire ?

Effectivement, il y a beaucoup de danseurs et de danseuses parmi mes modèles. J’aime le mouvement. Pour la photo « Icare » par exemple je voulais une sorte de Christ lévitant dans le ciel et les nuages. Seul un danseur pouvait exécuter ce mouvement. Il n’y a rien que j’aime d’avantage que de capturer le mouvement d’un corps ou le regard d’un être.

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Vous avez un attrait évident pour l’art du nu. Est-ce un besoin de magnifier les corps ? De révéler leur dimension érotique ?

J’aime effectivement la sensualité, la séduction, la lumière sur une peau, cette façon qu’elle a de sculpter les corps. J’aime les courbes d’un torse, la ligne d’un dos. J’aime imaginer l’émotion érotique que le spectateur ressentira en regardant mes photos de nus.

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Certains de vos clichés nous font penser à l’art de Magritte, c’est votre côté surréaliste ? Vous aimez placer le spectateur en position de trouble ?

Vous faites surement allusion à l’affiche de l’exposition et le portrait avec ce visage embrumé de fumée. Je trouve que le monde est bien souvent un grand brouillard. Placer le spectateur en position de trouble, je ne sais pas. J’espère simplement qu’il ressentira quelque chose et qu’il comprendra un peu, en regardant le cliché, l’être que j’ai photographié.

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La plupart des modèles sont vos amis ou de sombres inconnus ? (En tout cas vos choix sont magnifiques !)

Merci pour eux (rire). Effectivement, la majorité sont des amis ou des amis d’amis. J’ai besoin de connaître la personne et son histoire pour la photographier. J’ai besoin également de la désirer ou de l’admirer. La photographie, comme le cinéma, sont toujours une histoire de séduction. Cela s’impose souvent à moi. Lorsque je rencontre les personnes, je sais tout de suite si nous allons pouvoir ou non écrire quelque chose ensemble.

Avez-vous un cliché favori que vous aimeriez commenter ? 

J’aime beaucoup le portrait en très gros plan de Colin Dourlen avec ses tâches de rousseur, ses yeux fermés et ce sourire. J’adore le côté androgyne de son visage. Beaucoup pensent d’ailleurs qu’il s’agit d’un visage de femme. Ce doute me plaît. C’est une photo qui représente bien mon univers.

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Quels sont vos projets (tant photographiques que scéniques) ?

Et bien, justement je voudrais mêler mon travail photographique avec la scène. J’ai un projet de spectacle vidéo/danse avec un ami chorégraphe. Cela me tient à cœur. J’ai également écrit une pièce « Les phacochères ont-ils un cœur ? » que j’espère monter. Et sinon, en février, je vais réaliser mon tout premier clip vidéo pour le groupe CASSANDRE. Je me réjouis. Et puis, il y a bien sur l’exposition au Théâtre Saint-Georges qui est prolongée jusqu’au 27 février 2022 !

Florence Gopikian-Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Exposition au Théâtre Saint-Georges

Prolongations jusqu’au 27 février 2022

Jeudis & vendredis : de 19h à 20h
Samedis : de 16h à 17h / de 19h à 20h
Dimanches : de 15h à 16h

Théâtre Saint-Georges
51, rue Saint-Georges
Paris 9e

www.cedricvasnier.com

Portrait de Cédric Vasnier : ©Sarah Robine

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.