Calqué sur les battements ralentis de la Terre depuis le premier confinement, Gauvain Sers s’est pourtant depuis montré très productif. Un amoureux des campagnes françaises parvenu à trouver une nouvelle source d’inspiration au rythme de sa vie parisienne. Un lieu unique et trépident où se croisent bien des destins racontés dans « Ta place dans ce monde ». Un nouvel album réaliste et imagé pour tous les êtres méritants. Chronique musicale.

Gauvain Sers - Ta place dans ce monde -

Exploration de la ville lumière

Fais-je le métier qui me convient ? Ne devrais-je pas déménager ? Des questions existentielles que se posent de nombreux français depuis le début de la crise sanitaire. Une réflexion qui a accompagné Gauvain Sers à l’heure où il se désolait de voir les terrasses des cafés parisiens désespérément vides. Une période d’enfermement qui lui a inspiré son nouvel album baptisé « Ta place dans ce monde ». À commencer par la chanson du même nom écrite en dernière minute mais promue tête d’affiche du disque. Un hymne humaniste et fédérateur où l’interprète se glisse dans la peau d’un jeune adulte quelque peu perturbé par cette « drôle d’époque ». Un lead-single résumant totalement la direction de l’opus. Un projet construit autour du vaste thème qu’est la société d’aujourd’hui, vue à travers le prisme parisien. Une capitale qu’il surplombe sur la pochette de son disque depuis le sommet d’une tour sur « Les toits de Paris » illuminés. De quoi prendre de la hauteur pour observer en toute tranquillité la vie d’en bas. Pourvu de son indispensable guitare, l’interprète gratte des arrangements acoustiques épurés, gribouille et rature des mots simples pour dessiner le tableau de ce véritable Musée ouvert surprenant. Demeurant un chanteur de terrain passant cette fois d’une scène ouverte en pleine campagne défendue dans son tube « Les oubliés », à une pièce calfeutrée au milieu de la ferveur citadine. De quoi rééquilibrer la balance mais surtout lui souffler de nouvelles histoires percutantes et fédératrices autour de ce monde éclectique en continuel mouvement. Un témoin privilégié qui débute sa journée au petit matin au moment où « Le convoyeur » de fond débute sa course en rêvant de partir en cavale des liasses plein les poches. Avant d’entendre sa voisine « Chanteuse de salle de bain » s’évader devant le miroir une brosse à la main. Une caissière « En première ligne » qui se lève chaque jour avec courage comme toutes ces petite mains durement exposés durant le confinement à qui l’artiste rend cet hommage poignant. « La poésie est dans la rue et pas toujours dans les bouquins, Alors je guette les imprévus, les accidents du quotidien » confie-t-il en véritable porte-parole se faisant écho de « La France des gens qui passent » sous ses fenêtres. De la petite mamie qui depuis sa « Cité Thimonnier » de l’autre côté du périf’ guette l’arrivée qui se fait longue de sa petite fille, à ceux que l’on surnomment « Les gens de l’ombre » et que l’on n’applaudit pas. Ils sont ces jeunes actifs qui osent se soulever et descendre dans les rues motivés par un avenir meilleur. Mais aussi ces hommes et ces femmes de campagnes encore trop rarement mis en lumière, que ce creusois de souche n’oublie pas.

Gauvain Sers - Ta place dans ce monde -

Chanteur des villes, chanteurs des champs

Parfois un brin satirique mais toujours juste et classe, Gauvain Sers jongle entre questionnement et espoir. Prouvant une nouvelle fois son éternel besoin d’engagement. Se faisant sur « Sentiment étrange » la voix d’un peuple qui se rêve pleinement libre et égalitaire et ce qu’importe les différences d’origines et couleurs de peau. Parsemant son projet homogène de 13 pistes de passages plus personnels. Faisant refléter avec nostalgie l’époque de son arrivée à Paris du haut de ses 17 ans. Un dépaysement quelque peu déboussolant au milieu de cette ville vertigineuse qu’il apprivoisait seul dans une étroite chambre de bonne au sixième étage sans ascenseur. « Je regardais les gens passer, toujours pressés jamais à l’heure, J’avais qu’une serviette en papier, quand toute les leurs étaient en cuire, Je me sentais du bon côté de la fenêtre, pour tout vous dire » se replonge-t-il dans « L’imprévue ». Se remémorant à la croisée des chemins ses premiers accords dans un coin sans jamais soupçonner une seule seconde que que l’avenir lui réservait. Un jeune qui aimait flâner dans les rues pavées, admirer les vitrines des magasins ou tout simplement « Le kiosque » du quartier ébloui par le charme d’une demoiselle derrière le comptoir. Mais un homme fidèle et reconnaissant de ces années formatrices où il a toujours pu compter sur le soutien indéniable de sa compagne. « Quand devant quinze personnes, j’y croyais pas du tout, Et que mon téléphone ne sonnait pas beaucoup… « Elle était là » remercie-t-il avec pudeur. Jetant un ultime coup d’oeil en arrière vers ses premiers pas d’artiste avec fierté. Lui qui peut se vanter d’avoir visé juste et indéniablement trouvé la bonne place la sienne, sur le devant de la scène.

DROUIN ALICIA