Dendri Stambeli Movement : RDV au Festival Maghreb Jazz de Paris
Dixième édition pour le Festival Maghreb Jazz Days qui se déroule à la Cité Universitaire et met en avant le patrimoine musical afro-berbère. Pour ce second jour, le Pavillon Bourguiba a accueilli un concert enivrant du Dendri Stambeli Movement qui a fait se lever toute la salle.
Connaissez-vous le Stambeli ?
Le Dendri Stambeli Movement est un groupe contemporain créé par le batteur Mohamed Khachnaoui en 2015. Aussi envoutant qu’original, il réactualise la musique stambeli en la faisant fusionner au jazz. Si vous n’êtes pas familiers avec ce genre musical, le stambeli découle originellement de rites implantés en Tunisie par les populations d’Afrique subsaharienne. À mi-chemin entre le chant et la sorcellerie, il fait appel à des divinités, des saints et des forces surnaturelles qui transportent parfois les participants dans de véritables transes.
Bellassan Mihoub au chkachak, Mohamed Khachnaoui à la batterie et Muhamed Jouini au guembri.
Une musique fusionnelle
Mêlant l’Afrique ancestrale et le Maghreb contemporain, le Dendri Stambeli Movement ne s’est pas contenté de cette alliance et a enrichi le stambeli traditionnel avec des riffs de guitare électrique et des sonorités jazzy. Il en découle une musique fusionnelle et exaltée dont les rythmes raisonnent chez tous les auditeurs quelle que soit leur origine.
Un dialogue entre jazz et rites sacrés
Outre les chants sacrés de Bellassan Mihoub et Muhamed Jouini qui se sont partagés durant la soirée le guembri (instrument à cordes pincées) et les chkachak (percussions de fer ressemblant à de grandes castagnettes), le public a pu apprécier la basse de Sahbi Ben Mustapha, la guitare de Medhi Ben Attia ainsi que la puissante batterie de Mohamed Khachnaoui. Notons également la présence d’un jeune prodige du clavier, Wajdi Riahi, qui fait déjà parler de lui sur les ondes et vient de sortir son nouvel album, Essia.
Ambiance raï ce mercredi 12 juillet à la Fondation Cartier avec le chanteur Sofiane Saidi qui ouvre le Festival Felfel des cultures maghrébines.
À peine rentré d’Oran où il a rempli le mythique Théâtre de verdure, Sofiane Saidi s’est accaparé avec allégresse les jardins de la Fondation Cartier. Surnommé le Prince de la raï 2.0 aux quatre coins du globe, il a « ambiancé les crânes de Ron Mueck » et apporté un souffle chaud à ses fans parisiens jusqu’à la tombée de la nuit.
Dès son premier titre, sa voix rauque a fait se lever tout son public parmi lequel se distinguaient Jack Lang et son épouse.
Accompagné de trois musiciens corses de grand talent, Sofiane Saidi a alterné chants d’amour, vibrations orientales et musique electro. On salue le violoniste Theo Ceccaldi pour son coup d’archet des plus fougueux, son frère Valentin Ceccaldi au violoncelle ainsi que Thibault Frisoni aux commandes de son clavier vintage et de sa boîte à rythmes.
Avec ce concert intime et généreux, Sofiane a lancé le coup d’envoi de la première édition du Festival Felfel qui doit se tenir jusqu’au 14 juillet 2023 sur les sites de la Fondation Cartier et de l’Institut du Monde Arabe.
Entre les concerts, les flashmobs et les bals, vous aurez également l’occasion de découvrir des causeries chantées, des karaoke ainsi que de multiples projections en présence d’acteurs et de réalisateurs émérites (Chronique des années beurs, Bons baisers du Bled…).
Nous avons eu la chance de converser avec Hicham Lasri durant le confinement. Réalisateur, écrivain, dessinateur, cet artiste marocain est aussi complet que sulfureux. Artiste prolifique, il est notamment connu pour avoir réalisé C’est eux les chiens et The sea is behind. Pour l’année 2020, il revient avec un maximum de projets et un nouveau roman : L’improbable fable de Lady Bobblehead.
Syma News : Comment est-ce que tu t’occupes pendant le confinement ?
Hicham Lasri : Ah ! La grosse question ! Moi, ça ne change pas grand chose dans ma vie à part ne pas sortir, ne pas aller faire du surf. J’en ai profité pour beaucoup écrire, j’ai terminé deux scénarios, une pièce de théâtre, un roman, un roman graphique, et un court métrage. Donc, j’ai vraiment cravaché. C’était très studieux et en même temps amusant. Beaucoup de sport aussi. J’essaie de me dire que c’est quelque chose qui est tellement extraordinaire que je n’ai pas envie d’avoir le nez collé à la réalité factuelle, aux news, au stress, à l’anxiété. Je le vois comme un évènement historique.
Quel impact va avoir le confinement sur le cinéma marocain d’après toi ?
Je ne pense pas que ça va changer quelque chose au niveau de l’art et de la question artistique. Actuellement, tout le monde se plaint parce que c’est des privations de boulot, de quoi vivre, on revient à des choses moins poétiques, on est là pour dire « Bon, il y a des techniciens, il faut les payer, il y a des artistes, il faut les aider ». On est dans l’idée d’entraide de crise mais ça ne change rien à la pratique artistique ou la qualité des films. Dans la création globalement, les gens se sont rendus compte que sans l’art, sans la musique, les films, les livres, et la culture, tout le monde serait devenu un peu dingue.
Parle nous de ton nouveau roman, L’improbable Fable de Lady Bobblehead
C’est l’histoire d’un personnage, qui au début du récit va prendre une douche en laissant son âme dans les vestiaires, et quand il revient, elle n’est plus là. Il a trente heures pour la retrouver et donc il va se balader dans un monde de plus en plus abracadabrant. Ça se passe à Casablanca, mais c’est un Maroc un peu imaginaire. C’est un voyage initiatique, un voyage du héros mais aussi de l’anti héros. Il y a une sorte de méta-écriture qui permet au personnage de parler à l’auteur, de l’engueuler, parce que son récit ne lui plait pas et qu’il veut être un meilleur personnage. Ce n’est pas loufoque, c’est un peu tendu, un peu violent. Et le roman est construit sur l’idée que dans notre littérature, maghrébine et arabe, on est beaucoup dans le constat, parfois stérile, mais pas beaucoup dans l’imaginaire. Quand on se balade dans n’importe quelle ville du Maroc, il y a beaucoup de folie douce mais on ne la montre jamais dans les livres ou les films. On a l’impression qu’il y a une déconnexion entre le geste artistique et le regard sur le réel. Or, pour moi c’est fondamental de partir du réel pour raconter quelque chose sans juste le retranscrire. L’histoire fait référence à la fois à Faust, à la Bible et au Coran et en même temps on peut en tirer des leçons de fable. Avec mon roman, il y a aussi une playlist : il est accompagné par des musiques que j’ai mises à disposition en ligne sur Spotify et Youtube. L’idée c’était d’inventer un monde un peu dépaysant mais pas totalement, parce qu’on part de codes qui sont réels.
Quelle est la genèse de ton roman ?
Je l’ai écrit pendant deux ans, mais je l’ai terminé juste avant le confinement. J’avais envie d’aller très loin, à la fois dans la recherche de la langue et en même temps dans la recherche stylistique : il y a des pages blanches dans le livre qui sont des ellipses, des pages noires quand le personnage broie du noir, des changements de police pour changer d’état d’esprit. On est dans un travail qui, au-delà de l’histoire qu’on raconte, apporte une sorte de souffle. Comme la musique que j’ai mise. Comme le travail sur les textures. C’est un livre très organique, on parle beaucoup du corps.
As-tu découvert des films en confinement ?
Découvert non, j’ai eu l’occasion de revoir certains films que j’aimais bien, que j’ai vu il y a vingt ans, J’ai beaucoup regardé de films français, parce que mon prochain film est en français et qu’il doit se passer dans un pays francophone, c’était l’occasion de voir des comédiens.
Quelles sont tes références cinématographiques ?
C’est fluctuant, quand j’étais jeune, c’était le western spaghetti, il y a dix ans, c’était Kubrick, maintenant, c’est Sidney Lumet. Mais je pense que ce qui compte c’est vraiment ce qu’on en tire. Tous les films sont intéressants. Les mauvais sont même plus intéressants que les bons, il y a toujours des failles. Maintenant, je suis plus à un moment de ma vie, où je laisse les films me traverser. Je ne cherche plus à définir un bon goût.
Quelles sont tes références littéraires ?
Récemment, j’ai lu Soljenitsyne, un écrivain que j’ai trouvé très intéressant sur la douleur, sur le Goulag. Mais c’est très éclectique, dans le sens où je lis de moins en moins de romans depuis une dizaine d’années et beaucoup plus d’essais. Des choses qui sortent un peu de nulle part. Parce que ça me nourrit, ça me remplit la tête. Ça me permet d’avoir des visions un peu particulières. J’essaie toujours de me surprendre, en plongeant dans des univers que je ne connais pas. Ça me permet d’avoir un savoir, que je ne peux pas avoir si je ne lis que des choses qui me plaisent. Depuis deux ans je commence à lire beaucoup de livres sur les croisades car j’ai un projet là-dessus. Donc c’est un travail de recherche mais avant tout de plaisir. Le dernier truc que j’ai lu qui m’a beaucoup fait marrer, c’était La Divine Comédie de Dante. L’enfer c’était très éclatant.
As-tu un conseil pour les jeunes cinéastes ?
Quand on m’a proposé de faire une école de cinéma, j’ai beaucoup hésité, j’ai été à la Fémis, j’ai regardé, j’ai fait des interviews avec les étudiants et j’ai découvert que tout le monde avait les mêmes références et les mêmes mots pour parler des mêmes références. Ça m’a un peu fait flipper. J’étais encore jeune, je devais avoir 19 ans et ça m’a fait flipper, parce que pour moi le cinéma, c’est la singularité. Et la singularité ça peut être un défaut qui devient une singularité, une incompréhension de quelque chose. C’est comme une imperfection artisanale, qu’il faut cultiver, pour en faire quelque chose d’intéressant. Donc pour moi il y a deux choses. Il faut d’abord cultiver ce regard-là, cette singularité qui appartient aux gens au-delà du talent. Et à côté, il faut beaucoup de travail. Il faut être curieux de tout. Ne pas s’enfermer dans des références. Je sais que les jeunes cinéphiles sont un peu idiots, dans le sens où ils n’ont que des convictions, là où les plus vieux abandonnent les convictions, parce qu’ils n’en ont plus besoin. Plus on avance en âge, plus on se dit “Pourquoi choisir ? Je peux voir une série Z et un film de Woody Allen la même journée back to back. Qu’est ce que ça va changer ?” C’est pas du tout les mêmes parties du cerveau qui sont concernées ou les mêmes parties du corps. On est dans un monde où tout le monde a une caméra : comment intéresser les gens sur de nouvelles images ?C’est en leur proposant des choses qu’ils n’ont pas vues. C’est un peu la base du cinéma. C’est surprendre les gens. C’est la suspension d’incrédulité. C’est les pousser à rentrer dans un univers qui les englobe. C’est un spectacle, il ne faut jamais oublier que ce doit être immersif jusqu’à un certain point. C’est aussi beaucoup de travail de recherche pour trouver sa voie. Je sais que les milieux culturels, comme les Geeks, les Nerds, adorent avoir les mêmes références pour pouvoir en parler entre eux. Ça fait secte. Mais ça n’enrichit pas son homme : les gens qui font des films parce qu’ils ont vu des films, ça n’a jamais fait de bon cinéma. C’est stérile. Je pense qu’il faut être dans la vie. Il faut vraiment vivre dans la vie, puis à partir de là, tirer quelque chose qui s’appartient.
As-tu été inspiré par la pandémie ?
J’ai « tourné » une BD d’une soixantaine de pages. J’ai dessiné une planche par jour, sur un personnage qui vient du monde d’avant la pandémie et qui se faisait embêter par tout le monde. Il était un peu la tête de turc de sa famille, de sa femme, de ses voisins… Au début du récit, il va décider de choper la maladie pour l’inoculer à tous ceux qui le font chier afin de s’en débarrasser. C’est une sorte d’histoire de crime, et le criminel c’est la maladie. Au fil des pages, on suit son errance pour aller chercher le virus et l’on comprend qui il est et ce qui le motive. Il y a un côté film noir avec de la voix off. A mon avis, il faut laisser passer la vague de cette pandémie, après la première vague, il y a toujours le ressac, il y a toujours le truc un peu… pas encore propre…
Pour découvrir les oeuvres écrites d’Hicham Lasri :
Ce monologue signé Aziz Chouaki est l’un des seuls en scène les plus percutants de la rentrée théâtrale. Interprété par Hovnatan Avédikian accompagné au bouzouk par Vasken Solakian, il va tout simplement vous claquer au visage !
Vasken Solakian fait chanter son bouzouk au rythme des paroles d’Hovnatan Avédikian
.
L’histoire
Nadir et Jamel ont séché les cours pour aller voir les bateaux quitter le port d’Alger. Du haut de leur adolescence, les deux gamins préfèrent scruter l’horizon bleu plutôt que la poussière de leurs livres d’école. Assis au bord de la baie, ils ne rêvent que de la belle Europe qui les toise avec ses grands airs de liberté.
Au péril de leurs vies, les deux gosses vont s’embarquer à bord de l’Esperanza, un paquebot de fortune censé les mener vers la terre promise de Lampedusa. Confinés dans ce radeau de la méduse en compagnie d’une trentaine de clandestins, ils vont nous raconter leur épopée des temps modernes… Et vogue le navire !
Aziz Chouaki : une écriture âpre et poétique
L’écrivain Aziz Chouaki
Interprétée et mise en scène par Hovnatan Avédikian, cette pièce est un cri d’alarme aussi burlesque qu’inquiétant. Semblable à une odyssée contemporaine, elle nous raconte le périple d’une poignée d’hommes traversant clandestinement la Méditerranée pour trouver enfin leur Eldorado.
Inspirée par le texte d’Aziz Chouaki, cette histoire oscille entre la beauté des mythes homériques et la cruelle réalité des migrants d’aujourd’hui. Doté d’un double langage, l’auteur algérien nous livre en effet un texte elliptique où le divin côtoie l’humain dans ce qu’il a de plus vil : entre la description d’une humble prière pour Allah et celle d’un besoin urgent de déféquer, Aziz Chouaki n’hésite pas un instant à faire passer abruptement ses protagonistes du transcendant au grotesque. Armé d’une plume délicieusement cynique, il efface les sourates du coran avec un verre de bière et oppose avec fantaisie de terribles terroristes à des « muezzins à la menthe ». C’est choquant, poétique et si spirituel que l’on se laisse très vite porter et convaincre par cette prose rythmée et décapante.
.
Hovnatan Avédikian : un comédien fabuleux !
Hovnatan Avédikian
Il en va ainsi du comédien Hovnatan Avédikian qui ne tarit pas d’éloges sur le texte de Chouaki. Envouté par cette écriture brute et lyrique, il la porte avec voracité sur la sombre scène du Lavoir Moderne Parisien.
La silhouette ample et noueuse, Hovnatan incarne à lui seul tous les migrants de l’Esperanza en modulant tour à tour son visage, sa voix ou ses expressions. Passant de l’ingénieur en fuite à l’handicapé ou au nigérian désespéré, il retire ses lunettes, se voute, hurle, écarquille les yeux et nous plonge à ses côtés dans la moiteur folle et étouffante de ce rafiot clandestin.
Troubadour des temps modernes, Hovnatan agrémente aussi son récit de danses et de percussions en se faisant amicalement accompagner par le bouzouk chantant de Vasken Solakian.
Grâce à cette musique entraînante, le récit des migrants prend des airs de poèmes épiques sur lesquels Hovnatan sautille, festoie et roule des épaules !
En bon oriental, cet excellent comédien ne se contente pas de parler : lorsqu’il conte son histoire, il le fait avec ses mains et déploie tout son corps pour servir l’écriture sinueuse et itinérante d’Aziz Chouaki.
Vous l’avez compris, Hovnatan est un artiste rare qui joue avec son coeur autant qu’avec ses tripes. Surtout ne ratez pas sa prestation : son corps d’aède et sa langue « rappeuse » vont vous faire voguer des côtes mythiques de la Mare Nostrum aux profondeurs désespérées des harraga !
Mer azure translucide, panoramas montagneux à couper le souffle, la Corse est aussi le terrain d’un patrimoine musicale singulier. Une « Terra d’amore » que Patrick...