ALPHA : une overdose de morbide malgré un casting exceptionnel

Alpha est une adolescente rebelle élevée par une mère célibataire d’origine berbère. Du haut de ses treize ans, elle traine dans des soirées sordides et revient un matin avec un tatouage sanguinolent sur le bras. Face à cette plaie béante, sa mère médecin s’inquiète car une mystérieuse épidémie est en train de se répandre au sein de la population. Douloureuse et incurable, elle transforme les malades en figures de marbre…

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Après le succès de Grave et de Titane (Palme d’Or à Cannes en 2021), ce troisième long métrage réalisé par Julia Ducourneau est un drame social aussi radical et dérangeant que ses deux premiers opus. Prenant place dans la France des années 90, il met en scène une gamine perdue tentant de trouver ses repères entre un oncle héroïnomane et une mère qui passe ses nuits à l’hôpital pour maintenir des centaines de malades en vie.

Un casting exceptionnel

Interprétée par Mélissa Boros, la jeune Alpha n’est pas une enfant épargnée : elle doit, non seulement, faire face au harcèlement scolaire, à l’univers de la drogue et aux crises d’angoisses, mais aussi affronter un virus qui menace potentiellement ses jours.

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À ses côtés, la comédienne Golshifteh Farahani prête ses traits bienveillants et sa profonde sensibilité à la mère d’Alpha. Chaque jour cette femme se bat pour élever sa fille, sauver son frère suicidaire et tenter de soigner des patients quasi incurables. Dotée d’une pugnacité incroyable, elle est bouleversante d’humanisme et fait preuve d’un amour pour son prochain qui frôle parfois l’irrationnel. Surnommée simplement « Maman » par la réalisatrice, cette figure matriarcale symbolise à elle seule tout le corps médical et l’empathie humaine.

La relation trouble qu’elle mène avec son frère toxicomane Amin souligne sa foi et cette dévotion sans faille à vouloir sauver l’autre. Incarné jusqu’à la moelle par l’exceptionnel Tahar Rahim, ce frère proche de la mort est un véritable condensé de douleur. Le corps tremblant et stigmatisé par les piqures de ses shoots, Amin n’a plus que la peau sur les os et s’enfonce graduellement dans une spirale autodestructrice.

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Quel supplice !

Vous l’avez compris, Alpha n’est absolument pas une partie de plaisir mais plutôt une succession de supplices infligés aux personnages autant qu’aux spectateurs.

Le parti pris de Julia Ducourneau est complexe à saisir car la réalisatrice semble se complaire dans une exhibition de la douleur et de la déchéance humaine. L’épidémie qui touche les personnages de son histoire n’est pas nommée mais elle nous fait songer au virus du SIDA car elle s’abat en priorité sur la communauté homo et se transmet uniquement par la salive et les relations sexuelles.

Dans cette hécatombe cinématographique qui peut aussi évoquer les morts du Covid, Julia Ducourneau laisse volontairement sa caméra s’attarder sur les cadavres, les seringues et les écoulements de sang. A la limite d’un voyeurisme morbide, elle malmène les corps et ne cesse de zoomer sur les plaies et les chairs des malades qui craquèlent et se décomposent.

C’est répugnant, incisif et sordide. Face à tant de violence visuelle, le spectateur a même du mal à maintenir les yeux ouverts et son malaise est sans cesse accentué par la musique du film qui ne cesse d’amplifier les émotions négatives.

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Une mise en scène macabre

Par-delà la puissance de sa mise en scène et les performances remarquables des acteurs qui s’investissent totalement dans leurs rôles, Alpha est un long métrage glauque et pénible à regarder. Certes, il parle des relations familiales et des méfaits que peut entrainer l’excès d’amour. Certes, il évoque avec lucidité les affres de la maladie et la peur de la mort. Certes, il critique le manque d’humanité face aux risques de contamination et dénonce l’ostracisme que cela entraine, mais a-t-on vraiment besoin de mettre en scène autant de douleur nauséeuse et de détails lugubres pour évoquer ces sujets ?

Avec Alpha, Julia Ducourneau frôle l’exhibitionnisme macabre et nous fait suffoquer de bout en bout. C’est dommage car cette réalisatrice a un talent indéniable.

Florence Gopikian Yérémian –   florence.yeremian@symanews.fr

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Un film de Julia Ducourneau

Avec Tahar Rahim, Golshifteh Farahani, Mélissa Boros, Finnegan Oldfield 

Sortie en salles : le 21 aout 2025

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.