Longtemps caché derrière ses influenceurs à l’intégrité douteuse, SquareEnix doit se résoudre maintenant à s’adresser directement au public via une démo récemment ajouté sur le PlayStation Store. Au-delà du discours commercial, on va donc vraiment pouvoir estimer la valeur de ce qu’on nous annonce comme un Final Fantasy.

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Non, Game of Thrones n’est pas un modèle pour Final Fantasy.

La démo est en deux parties afin de mieux montrer l’étendue de ce qui est offert par Final Fantasy XVI. La première propose de vivre en gros les deux premières heures de l’aventure à travers le prisme de l’histoire. Histoire est un bien grand mot pour qualifier un enchaînement quelconque de scènes larmoyantes, d’amour fraternel entre le héros Clive et l’héritier du trône Joshua, de complots politiques vus et revus dans un univers qui n’a de fantasy que le nom, tant l’univers de Final Fantasy XVI ressemble à n’importe quel jeu ou série de thème médiéval. Le monde d’un Final Fantasy doit être unique au premier coup d’œil, et non se contenter de copier le RPG occidental ou des séries Netflix ras des pâquerettes. Le character design est trop conformiste et ne fait pas japonais pour un sou : il n’y a d’originalité ou de charisme nulle part. C’est juste fade, la valeur artistique ou émotionnelle est inexistante quand on pense à l’ouverture d’un monument comme Final Fantasy X.

Les invocations ne gagnent pas au change

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L’interactivité ne va pas chercher très loin.

Alors certes, il y a des combats d’invocations pour que l’éditeur puisse tamponner Final Fantasy dessus. On assiste à de courtes hostilités entre Shiva et Titan, sans que ce soit à la hauteur des cinématiques de Final Fantasy IX. Final Fantasy XVI propose de nous faire prendre le contrôle des invocations elles-mêmes, dans une optique action contrairement à ce qu’on avait dans Final Fantasy X par exemple. Mais “l’action” est très basique puisqu’il s’agissait là simplement de lancer des boules de feu à la manière d’un shoot them up, en incarnant Phénix contre Ifrit. Soit dit en passant, on se demande bien d’ailleurs comment le feu peut blesser Ifrit, qui est l’invocation de cet élément…

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Si le reste de Final Fantasy XVI poursuit dans cette voie, on peut affirmer sans trop se tromper que Final Fantasy X avait cent fois plus de profondeur de jeu dans ce domaine. Il semble d’ailleurs qu’hormis ces combats d’invocations, Final Fantasy XVI ne nous laisse jamais invoquer directement les créatures. Ifrit semble d’ailleurs imposé dans la plupart des duels d’invocation. L’utilisation libre des invocations et leur diversité sont deux aspects pourtant tout en haut du cahier des charges pour la série.

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Le château du début est joli, mais c’est tout.

Et puis à aucun moment la démo ne donne le sentiment de jouer à un jeu de rôles. Le joueur évolue dans des environnements très étroits, désespérément gris et sombres. C’est tellement riquiqui et dirigiste que ça fait peur pour le côté exploration dans jeu final. En l’état, Final Fantasy XVI n’invite pas vraiment au voyage, un thème pourtant prépondérant pour un jeu de rôles japonais. Sincèrement, ce qu’on a vu du royaume de Rosalia fait pâle figure comparé aux villes sublimes de Star Ocean The Divine Force, jeu du même éditeur avec un beaucoup plus petit budget au demeurant.

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C’est pire question gameplay tellement l’action est peu variée. Clive dispose d’un simple combo à l’épée et lance de petites boules de feu de la taille d’une balle de tennis. On reste coi devant une telle pauvreté ludique. Rappelez-vous à quel point la magie était spectaculaire dans Final Fantasy IX, rappelez-vous la variété et le style inimitable des techniques de combat.

Final Fantasy XVI, un effondrement dans le gameplay

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Alors oui, ce ne sont que les premiers combats du jeu, mais on s’ennuie déjà et la suite ne rattrape pas beaucoup l’ensemble. Conscient que le prologue n’est pas très représentatif (et surtout, très rasoir), SquareEnix ajoute à la démo une sorte de mode arcade qui permet de faire un passage du jeu en avance avec un peu plus de pouvoirs à la disposition du héros. Le joueur évolue dans un fort, lui aussi sombre et moche, renfermant des vagues d’ennemis et un boss. Soyons clair, entre Clive au bout d’une heure de jeu et Clive plusieurs dizaines d’heures de jeu plus tard, il n’y a pas une grande différence : on passe toujours son temps à esquiver et placer des coups d’épée, en y ajoutant de temps en temps des compétences plus puissantes héritées des invocations. Clive peut par exemple créer un petit tourbillon de vent pour balayer les ennemis ou charger le poing de Titan pour faire de plus gros dégâts. De ce qu’on voit dans cette démo, c‘est tellement mineur et grotesque qu’on est plus là dans le tour de passe-passe que dans la réalisation d’un système de combat travaillé.

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Le destin de Benedikta est peu enviable.

Normalement dans Final Fantasy, on part (et à plus forte raison, on arrive), avec une équipe de plusieurs personnages aux spécialités différentes, qui se complètent, et qui forme au final des synergies de combat intéressantes et une vraie variété de gameplay. Pour Final Fantasy XVI, SquareEnix a décidé que cela n’existerait plus puisque l’équipe de développement a à nouveau imposé le principe du héros comme seul personnage jouable, en violation très claire du principe sacré qui gouverne la série depuis trente-cinq ans. Ceci d’autant que des personnages de premier plan ont été créés et utilisés pour la promotion du titre. Jill, Dion, Benedikta… sont relégués au rang d’accompagnateurs ou d’opposants au rôle secondaire, ce qui par ailleurs repose une nouvelle fois la question de la place des femmes dans la série, qui s’est dégradée de façon absolument scandaleuse. En un mot comme en cent, il est complètement inacceptable de ne pas avoir plusieurs personnages jouables dans Final Fantasy XVI.

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Les QTE sont rarement une marque de gameplay élaboré.

Parce qu’en plus de ça, la démo est carrément facile, même dans le mode action focus censé donner du fil à retordre aux habitués. Non, c’est mou, long, monotone et hâché par des quick time events de niveau maternelle deuxième année. Le combat final contre Benedikta est l’exemple même du jeu vidéo pop-corn qui dessert notre art. La stratégie pour la battre est purement uniforme, l’adrénaline est absente tellement l’affrontement est prévisible et l’esquive aisée. Pire, si jamais on perd, le jeu vous remet devant le boss qui a perdu une bonne partie de ses points de vie et toutes vos potions vous sont rendues. On est au comble de l’assistanat et de la célébration du noob. Final Fantasy XVI est tellement nivelé par le bas qu’il n’y a plus aucun plaisir à jouer. C’est un grand danger pour Final Fantasy, mais aussi pour l’avenir du jeu vidéo tout entier.

A la lumière de cette démo, Final Fantasy XVI semble hélas aussi inintéressant que la communication de SquareEnix le laissait entendre. La pauvreté du gameplay et l’absence de difficulté sont inacceptables pour un titre d’une si grande lignée. L’aspect dirigiste manifestement centré sur l’histoire douchent les espoirs d’un jeu de rôles ouvert où il y aurait des choses à découvrir. Quand au scénario qui le producteur M. Yoshida semble pousser avec tant d’insistance, les fuites qui se multiplient ces dernières heures indiquent qu’il s’agit effectivement là d’une série de clichés occidentalistes qui au bout compte achèvent de détruire complètement l’esprit de Final Fantasy.

Thomas Froehlicher est chroniqueur Japon & Gaming. Rédacteur pour plusieurs sites spécialisés dans le jeu vidéo, il intervient sur l'actualité vidéo-ludique depuis trois ans. Sa passion pour la culture japonaise, aussi bien classique que moderne, l'a poussé à en étudier la langue en parallèle de sa majeure en finance, puis à effectuer un semestre d'échange universitaire à Sophia University à Tokyo. Il est titulaire du Japanese Language Proficiency Test niveau 1 depuis 2012, et depuis ne jure que par les versions originales en japonais.