Avec Stadia, Google visait rien de moins qu’une révolution du jeu vidéo et un tout nouveau mode de consommation du loisir. Avec le streaming à 100%, le joueur pourrait s’affranchir de tout achat de matériel et jouer à l’infini. Netflix avait ringardisé la télé et les Blu-ray, Stadia en ferait certainement de même avec les consoles. Sauf que dans le monde des gamers, ça ne marche pas du tout comme ça…

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Google a pris l’engagement de rembourser ses clients.

Stadia va s’arrêter début 2023. L’échec est acté pour le géant américain. La révolution comportementale n’a pas eu lieu et l’humiliation pour Google est d’autant plus grande que Sony, Nintendo, Microsoft et Valve engrangent les bénéfices. Le constat est clair : les joueurs ont voté pour que le jeu vidéo reste un produit et ne devienne pas un service. Les quantités de PS5, de Xbox Series, de Switch et Steam Deck qui s’écoulent chaque mois montrent que le public, hardcore gamers comme occasionnels, tient à avoir une console dans le salon ou les mains. Ils croient en la propriété de leur bien, et non aux services flottants et incertains. Chez les gamers, personne n’est surpris par la disparition de Stadia.

Comment le service a-t-il pu s’effondrer si vite? L’échec prématuré de Stadia tient aussi bien aux erreurs inhérentes à l’offre qu’à une mauvaise étude de la concurrence. Premièrement, Stadia a d’entrée échoué à copier la modèle économique de Netflix : en plus d’un abonnement, il fallait une manette, mais il fallait aussi de toute façon acheter tous les jeux! Les éditeurs tiers ne peuvent généralement pas de mettre à disposition leurs derniers titres aux abonnés comme ça : la rentabilité du jeu en serait fortement affectée, et il n’y a pas la moindre chance que Google puisse financer le manque à gagner avec les abonnements. Stadia n’était donc en rien bon marché, sans compter que l’amortissement d’une console revient au final au même prix.

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Outcasters 2 va disparaître avec Stadia

Son second problème est la technologie. Stadia imposait une connexion permanente de 10 voire 15 Mo/s pour pouvoir jouer correctement. C’est loin d’être le cas dans bon nombre de déserts numériques, sans parler des transports et leurs changements de réseaux incessants. Stadia ne pouvait donc de facto être utilisé que dans certains lieux bien couverts par le réseau. Le service ne donnait pas autant de liberté qu’une Switch ou un Steam Deck. Par ailleurs, certains tests faisaient état d’une seconde de latence pour les actions dans les jeux, disqualifiant du même coup Stadia pour de nombreux genres.

Mais au final, le problème principal de Google était que les concurrents faisaient exactement la même chose en mieux. Dans tous les lieux où l’on peut se connecter à Stadia, on peut également sans mal jouer en remote play à sa PS5, d’autant plus facile maintenant que Backbone One Playstation Edition existe. Cette logique s’applique aussi à Xbox et son Gamepass. Dans les deux cas le joueur profite du jeu en streaming à l’extérieur, en plus du jeu en local à la maison où il pourra aussi jouer sans forcément devoir être connecté. En termes de liberté, Sony et Microsoft avaient eux aussi un coup d’avance sur Stadia.

Avec le recul, on se demande si Stadia n’a pas été lancé un peu à la hâte tant l’absence d’avantage compétitif était criante. Le “Netflix du jeu vidéo” aura eu la durée de vie d’un tamagochi… Pendant ce temps, le succès insolent des consoles dédiées de Sony, Nintendo, Microsoft et Valve éloigne la transformation du jeu vidéo en pur service. Le choix des joueurs signifie aussi la sauvegarde de leurs droits fondamentaux, comme la propriété ou la conservation. Une bonne chose, assurément.

Thomas Froehlicher est chroniqueur Japon & Gaming. Rédacteur pour plusieurs sites spécialisés dans le jeu vidéo, il intervient sur l'actualité vidéo-ludique depuis trois ans. Sa passion pour la culture japonaise, aussi bien classique que moderne, l'a poussé à en étudier la langue en parallèle de sa majeure en finance, puis à effectuer un semestre d'échange universitaire à Sophia University à Tokyo. Il est titulaire du Japanese Language Proficiency Test niveau 1 depuis 2012, et depuis ne jure que par les versions originales en japonais.