Rencontre avec la comédienne Corinne Zarzavatdjian : théâtre, cuisine & identité

Actuellement à l’affiche du Comédie Tour Eiffel, Corinne Zarzavatdjian évoque son parcours de comédienne et nous fait découvrir ses talents d’auteur. 

Comment est née votre pièce « Zarzavatdjian, un nom à coucher dehors » ?

Zarzavatdjian-theatre-armenie-syma-news-yeremian-Matthieu ColinCorinne Zarzavatdjian : Tout a démarré avec un coup de fil de mon opérateur téléphonique : un conseiller m’appelle pour me proposer une offre mais impossible pour lui de prononcer mon nom. Alors il me dit « Bon, je vais vous appeler Corinne », je refuse, je lui rétorque que j’ai un nom de famille et, au bord des larmes, il me lance « S’il vous plaît, c’est mon premier jour, vous avez l’un des noms les plus compliqués de la terre ». Et là, je me suis dit, il faut que j’en fasse un spectacle ! Autant en rire, non ? 

Quel a été votre cheminement vers l’univers théâtral ?

zarzavatdjian-actrice-comedie-theatre-syma-yeremianJ’aime la scène depuis que je suis toute petite. Comme je le dis dans mon spectacle, j’ai démarré le théâtre à l’école. Après, je suis passée par plusieurs métiers comme le stylisme ou l’événementiel puis, il y a six ans, j’ai écrit et interprété ma première pièce (« Jacqueline revient ») consacrée à Jacqueline Maillan. C’est un hommage à l’immense talent de cette artiste qui reprend ses meilleurs sketches. Je l’ai joué à la Comédie Saint -Michel.

Votre spectacle actuel « Zarzavatdjian, un nom à coucher dehors » est-il communautaire ?

Je ne pense pas. C’est un texte qui parle des Arméniens mais que tout le monde peut s’approprier. Il raconte les noms qui viennent d’ailleurs, la perception qu’en ont les gens, les frustrations ou les revendications identitaires de chacun… Toutes les générations peuvent s’y reconnaître car il évoque aussi bien la difficulté d’un enfant à porter un nom à consonance étrangère que la fierté d’un adulte à revendiquer l’héritage de ses ancêtres.

Parallèlement à votre pièce, vous avez aussi conçu deux livres dont un sur la cuisine arménienne

cuisine-armenie-zarzavatdjian-syma-news-gopikianAbsolument. Il y a 4 ans avec mon frère Richard, alors que nous faisions du rangement à la maison, nous sommes tombés sur une vieille malle. A l’intérieur, il y avait un classeur d’écolier où étaient consignées toutes les recettes de ma mère écrites à la main avec les pleins et les déliés. On y a retrouvé des odeurs et des goûts de notre enfance et cela nous a donné envie de les publier. On a frappé à la porte de plusieurs éditeurs et c’est enfin Solar qui a accepté le projet. Depuis, « Cuisine d’Arménie » est devenu un succès ! Je pense que cela tient au fait que cet ouvrage est plus qu’un simple livre de recettes, il va au-delà des consignes et des dosages culinaires, il raconte l’ADN de nos traditions et de nos plats qui n’ont de sens que s’ils sont partagés en famille et entre amis.

D’ailleurs, dans mon spectacle je parle également de cuisine et j’offre après chaque représentation une recette arménienne, de façon à faire connaître et aimer cette cuisine auprès du public ! N’est ce pas Michel Déon qui disait “Pour bien aimer un pays, il faut le boire, le manger et l’entendre chanter” !

Avez-vous une recette favorite ?

Oui, celle des dattes de Digranakert dans la province de Diarbékir. Cette recette vient de la nuit des temps et tout droit de cette ville du sud-est de la Turquie située autrefois en Arménie occidentale d’où sont originaires mes ancêtres. Ma mère me préparait ces dattes quand j’avais de bonne notes ! Mieux qu’un médicament !

Vous avez aussi conçu un abécédaire sur l’Arménie  

Armenie-book-livre-armenien-grund-syma-news-yeremian-gopikianAvec mon frère nous l’avons nommé « L’Arménie et les Arméniens de A à Z ». C’est un livre qui raconte au fil de l’alphabet ce que les Arméniens ont apporté à la France. Cela démarre dès le IVè siècle avec l’arrivée des saints, puis les Histoires franco-arméniennes se confondent via les Croisés, les œuvres de l’architecte arménien de Charlemagne, les inscriptions en grapar au sein de la cathédrale de Bourges ou encore Colbert et même Napoléon ! Autant d’histoires qui témoignent de cette amitié ancienne et profonde entre nos deux pays. 

Le livre est sorti en novembre 2020, durant la guerre contre le Haut-Karabagh ; face à ce drame qui a touché notre terre d’origine, mon frère et moi n’avons pas hésité un instant : nous avons cédé tous les droits d’auteurs au Fond Arménien de France qui va redistribuer cet argent pour défendre la région du Syunik contre les attaques azéries.

Des projets en cours ?

Côté théâtre, je travaille sur une nouvelle création autour d’Eurydice d’Anouilh. Elle doit être mise en scène courant 2022. J’envisage aussi de jouer dans un vaudeville car j’adore l’humour à la Feydeau truffé de quiproquos et de portes qui claquent !
Côté livre, je viens de terminer un roman qui raconte l’histoire d’une jeune Arménienne passionnée de théâtre dont le rêve est de rencontrer Sarah Bernhardt… encore une façon à moi de poursuivre ma quête identitaire !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Zarzavatdjian - Theatre - tour eiffel - symaZarzavatdjian : Un nom à coucher dehors !

Mise en scène : Thierry Beccaro
Avec : Corinne Zarzavatdjian

Comédie Tour Eiffel
14, rue Desaix – Paris 15e

Tous les vendredis et samedis à 19h
Jusqu’au 30 octobre 2021
Le spectacle dure 1h15

Pour trouver les ouvrages de Corinne Zarzavatdjian :

Cuisine d’Arménie (Collection Solar Cuisine – 200 pages)

L’Arménie et les Arméniens de A à Z (Collection Gründ – 256 pages)

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.