Déjà remarqué (et remarquable) sur le déchirant 5cm per Second, le réalisateur Makoto Shinkai s’est fait une renommée mondiale avec son récent chef-d’œuvre Your Name. Avec cette histoire d’amour à couper le souffle, la nouvelle star de l’animation japonaise a atteint un rang comparable à celui de l’illustre Hayao Miyazaki. Alors quand BAC Films amène en France son tout dernier film, Les Enfants du Temps, les fans de cinéma nippon frissonnent d’impatience, et ils ont raison.
Les Enfants du Temps est centré sur un jeune homme du nom de Hodoka. Ce lycéen désabusé a fuit sa famille et arrive à Tokyo sans argent et sans vraiment de perspectives. Ce qui fait que pour le coup, la dernière production de Makoto Shinkai apparaît nettement plus sombre que Your Name. C’est même exactement l’inverse puisque ce dernier commençait de manière très enjouée et débordant d’humour. Rien du cela dans la première partie de Les Enfants du Temps qui met clairement en avant le froideur de la métropole moderne, en proie aux yakuzas, à l’omniprésence policière et aux pluies interminables. Il y a même un petit côté qui tend vers la transgression, avec le symbole que représente l’arme dont Hodoka ne parvient pas à se séparer. On a l’impression que quelque part, le réalisateur adresse une critique du Japon moderne et d’un certain côté oppressant de sa société.
Une délicieuse fable écologique
Ce sera évidemment contrebalancé par pas mal de phases humoristiques, comme le passage de Hodoka chez le rédacteur Keisuke Saga : ce dernier dirige un journal plus que douteux centré sur les légendes urbaines et les superstitions, et est le seul disposé à embaucher Hodoka. Keisuke, sa collègue Natsumi et le chat Ame font sourire par leur sale caractère et les nombreux gags qu’ils produisent. Makoto Shinkai n’a pas perdu la main en la matière et insère même quelques easter eggs de toute beauté avec les personnages de Your Name qui apparaissent brièvement à l’écran.
Le côté rigolo et mignon se retrouve aussi dans le trio que Hodoka va plus tard former avec Hina et son frère Nagi. Tous trois sont absolument adorables dans les activités de leur petit club. Le jeune homme va se lier d’amitié avec la jeune Hina puisqu’elle est au centre d’une curieuse légende qui intéresse le journal de Keisuke : elle serait capable de manipuler la météo.
C’est là que Les Enfants du Temps introduit son puissant thème écologique. L’homme peut-il contrôler la nature? La réponse de Makoto Shinkai dans ce film est clairement non. Comme dans Your Name, il y a une dimension divine dans les Les Enfants du Temps : braver le temps signifie braver le Ciel et tout pouvoir comporte des risques et des sacrifices. Le problème écologique est très bien mis en lumière dans ce film, en particulier dans sa scène finale, où l’ultime choix de Hodoka et Hina scelle le destin de toute la population. Le message, admirable, est celui d’une cohabitation avec la nature et non la domination de l’homme sur celle-ci.
Un film qui brille de mille feux, mais pas son amour?
Bien sûr, le réalisateur en profite pour sortir le grand jeu visuellement. Les effets météo, notamment les levers de Soleil, sont d’une beauté sans pareille. La très grande qualité graphique (on n’en attend pas moins, à ce niveau) donne un charme certain aux personnages et aux paysages. On retrouve également les habitudes de Makoto Shinkai en matière d’animation : les plans très rapides pour souligner l’hyper-activité du groupe, le mouvement très présent pour dynamiser le film, et le choix des angles de caméra pour la symbolique. Le long-métrage produit une grande énergie malgré de nombreux passages plus posés.
Impossible de conclure sans parler d’histoire d’amour, puisque c’est le thème fort depuis Your Name. On peut y voir là quelque chose de moins fort que Your Name pour plusieurs raisons y compris le look des deux protagonistes principaux : ils sont représentés relativement plus jeunes que Taki et Mitsuha dans le film précédent, ce qui donne l’image d’un amour moins mature. Il y a encore une notion d’enjeu, de perte et de “sauvetage” toujours efficace qui arrachera des larmes à beaucoup, mais quelque part sans l’ingéniosité et le brio de la mise en scène de Your Name. C’est émouvant, mais c’est beaucoup moins élaboré sur le plan scénaristique, l’absence de détails sur l’enfance de Hodoka n’aidant pas. Your Name avait tout simplement placé la barre beaucoup trop haut.
Malgré ces petites réserves, Les Enfants du Temps est du très grand cinéma d’animation. Dans sa technique, sa symbolique et ses personnages, ce long-métrage est un moment magnifique à vivre dans les salles obscures. Makoto Shinkai apparaît plus engagé dans cette oeuvre par sa dimension écologique, sociale et morale qui donne à réfléchir. C’est à n’en pas douter un grande qualité et en fait un film résolument moderne qui peut parler à tous.
Les Enfants du Temps
Réalisation : Makoto Shinkai, CoMix Wave Films
Distribution : Toho Animation (Japon), BAC Films (France)
Sortie France : 8 janvier 2020
Genre : Film d’animation, comédie dramatique
