La Dame Céleste et le Diable Délicat

Il y a quelque chose de beau et de fragile dans cette pièce de Bérengère Dautun. Une délicatesse qui nous dit sans mot que le temps passe et qu’il faut en saisir chaque instant.

C’est ce qu’a fait Gilberte Cournand durant toute sa vie : critique de ballet et figure incontournable du monde de la danse, elle a aimé jusqu’à son dernier souffle un jeune homme de 36 ans son cadet. De cette belle histoire est né un livre signé Claude-Alain Planchon duquel s’inspire ce doux spectacle…

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Claude (Alexis Néret) est magnétisé par la céleste Gilberte (Bérengère Dautun)

Une idylle à la croisée des destins

D’un côté, il y a Gilberte, Dame céleste et spirituelle arborant avec grâce ses 70 printemps. De l’autre, se trouve Claude, un beau Diable délicat frôlant de manière insouciante ses 34 ans.

Il a suffit d’une rencontre, un soir, à un concert de Messiaen, pour que ces deux tourtereaux oublient leur âge et s’éprennent l’un de l’autre en envoyant valser les qu’en- dira- t-on !

À l’exemple d’un conte contemporain, Stephane Cottin met en scène cet amour étrange et pourtant si sincère en le ponctuant de musique classique et de projections visuelles. Le décalage ou plutôt “l’âge-décalé” ne plaît pas à tout le monde (notre Président et sa dame sont bien placés pour le savoir…) mais la vie est souvent faite d’imprévus et de choix qu’il faut apprendre à assumer.

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Par-delà leur différence d’âge, Gilberte et Claude partagent un amour d’esthètes

Un amour singulier saupoudré d’élégance

La trame subtilement tissée de ce spectacle nous montre les joies et les aléas d’une telle relation : entre les soupers de ces deux esthètes, leurs soirées à l’Opéra, leur vouvoiement constant et leur correspondance galante, on se laisse volontiers charmer. Malgré une pudeur réciproque, on s’amuse de voir Gilberte et Claude grisés par leur audace, minaudant comme des enfants ou se querellant, hélas, comme de grandes personnes…

Par-delà leur amour absolu et leur courtoisie, ces deux élégants conservent cependant une ressemblance avec le commun des mortels : ils doivent faire face à la maladie, a la séparation et, bien sur, à la vieillesse…

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La comédienne Bérengère Dautun prête son élégance et sa sensibilité au personnage de Gilberte

Un duo complémentaire

Afin de donner vie à ce tandem amoureux, Bérengère  Dautun s’est appropriée la figure de Gilberte. La ligne svelte et les cheveux roux montés en chignon, elle met son élégance et son talent au service de cette grande critique. Pesant chaque mot qu’elle prononce pour lui conférer une certaine noblesse, elle a parfois une diction un peu ampoulée mais qui peut correspondre au profil d’un tel personnage. Pourtant Bérengère Dautun n’a nul besoin de forcer l’aspect distingué et légèrement hautain de sa protagoniste : son allure et son port naturellement altier lui confèrent déjà une grâce évidente. Tour à tour sèche, douce ou emplie d’amertume, on aime particulièrement les moments où elle brise son carcan trop cintré de comédienne classique du Français pour se laisser aller et s’oublier.

Face à cette grande dame, Alexis Néret joue les chevaliers servants. Tout aussi fasciné que son personnage par cette icône sans âge, il lui voue un respect évident. À la fois acteur et narrateur de la pièce, il accompagne courtoisement Bérangère Dautun : la gestuelle posée, le regard bienveillant et le phrasé admiratif, il apporte une belle souplesse de jeu à son protagoniste, voire même une sensualité.
Avec sa longue chevelure et ses yeux rieurs, son Claude passe un peu pour le gigolo de service mais l’amour qu’il porte à Gilberte le maintient au-dessus de tout sarcasme.

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A l’égal de son protagoniste, Alexis Néret voue un respect évident à sa partenaire, Bérengère Dautun

Vous l’avez compris, cette Dame Céleste et ce Diable délicat vous invitent à partager leur amour hors du temps. C’est à la fois intime, audacieux et spirituel. On regrette juste que cette parenthèse pleine de poésie soit si courte et un peu trop doucereuse. Il eut été intéressant de creuser d’avantage les conflits et les douleurs d’une telle relation pour la rendre plus réaliste aux yeux des spectateurs. Car les peines et les larmes font aussi partie des histoires d’amour, non ?

Florence Gopikian Yérémian.

 

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De Bérangère Dautun
D’après le roman de Claude-Alain Planchon (Éditions Jacques Flament – 2014)

Mise en scène : Stéphane Cottin
Avec Bérangère Dautun et Alexis Néret

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Avignon - avignon off - Festival avignon - le off - theatre - syma news - florence yeremian - gopikian florence - scene - spectacle - music - musicalEspace Roseau Teinturiers – 45 rue des Teinturiers – Avignon

Festival Off d’Avignon 2021

Du 6 au 31 juillet 2021

 

La première représentation de La Dame Céleste a eu lieu au Studio Hebertot en 2019 – www.studiohebertot.com

Photos : Cyrille Valroff

 

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.