Surtout ne vous fiez pas au visage de madone de cette jeune Lady ! Derrière ses yeux d’ange et sa candeur, Miss Katherine Lester dissimule la malice d’une veuve noire prête à tout pour combler ses désirs…

Mariée de force à un Lord beaucoup plus âgé qu’elle, elle s’éprend un soir d’un palefrenier qui travaille sur ses terres. Dévorée par cette passion subite, Mrs Lester va pernicieusement mettre tout en place pour pouvoir vivre son amour impossible.

Malgré un scénario assez commun, ce film est d’une puissance effrayante qui repose entièrement sur l’interprétation de Florence Pugh. Cette jeune comédienne britannique possède en effet un charisme déstabilisant : à la fois douce et impudente, elle confère au personnage de Katherine une force tranquille qui se déploie machiavéliquement tout au long de l’histoire. Avide d’amour et de liberté, sa protagoniste étouffe dans ses corsets autant que dans les murs opaques de sa triste demeure. Rejetée par son mari (Paul Hilton) et tyrannisée par son beau père (Christopher Fairbank), elle réussit contre toute attente à imposer son caractère et à prendre les rênes de ce jeu de pouvoir. S’affranchissant de son statut de femme soumise, elle fustige alors sans vergogne toutes les conventions élisabéthaines du XIXe siècle et laisse jaillir un désir charnel qui va, hélas, tourner à l’obsession.

Même si l’on conçoit l’appétence physique de cette “jeune fille en fleur” isolée du monde, il est difficile de comprendre l’attrait quasi-marital qu’elle éprouve envers son palefrenier. Interprété maladroitement par le chanteur Cosmo Jarvis, ce Sébastian est, en effet, aussi rustre que sa maîtresse est exquise ! Et pourtant la belle est prête à vouloir faire de ce cul-terreux son époux attitré! Certes le manant lui dispense une béatitude sexuelle mais l’amour qu’elle lui porte est bien trop soudain, quant à son désir de vie commune, il est fort peu convainquant. Si le scénario ne gagnait en profondeur au fil du récit, l’on aurait l’impression de visionner une version guindée de l’Amant de Lady Chatterley ! Fort heureusement, le long-métrage de William Oldroyd quitte très vite l’esprit de ces romances insipides pour bifurquer vers une spirale meurtrière des plus démoniaques. 

Se concentrant sur la psychologie de ses personnages, le réalisateur va progressivement les entraîner dans une adaptation très personnelle du livre de Nikolaï Leskov : Lady Macbeth of Mtsensk. Semant la mort autour d’elle, sa virginale Elyzabeth va noyer toute sa maisonnée dans un bain de sang sous le regard indolent de son chat et les yeux plein de larmes de sa pauvre servante (Incarnée avec une profondeur quasi religieuse par l’actrice Naomi Ackie). De façon inconsciente, vous allez être à votre tour séduit et horrifié par cette fausse ingénue qui vous rendra complice de ses terribles actes jusqu’à la fin glaçante de cette tragédie.

Par-delà la mise en oeuvre des assassinats et le poids du péché qui se répand crescendo, il faut admettre que ce film possède aussi une esthétique parfaite ! Feutré et délicat, il nous fait songer à un prolongement de la Dame à la Perle transposé au coeur des landes anglaises. De toute évidence, le réalisateur ne doit pas être insensible aux oeuvres de Vermeer car son traitement de l’espace et sa maitrise photographique nous plongent continuellement dans une atmosphère digne des compositions du Maître Hollandais : qu’il s’agisse des intérieurs silencieux, de leurs tonalités sourdes, de la lumière blanche qui émane des fenêtres latérales ou tout simplement de cette robe céleste qui rappelle à elle seule toutes les femmes en bleu peintes par Vermeer, il émane de ces scènes de genre une quiétude aussi précieuse que spirituelle.

Ne vous méprenez pas cependant car Lady Katherine règne cruellement en maitresse des lieux. Quand vous aurez vu le film, vous comprendrez pourquoi William Oldroyd a surnommé son héroïne “Lady Macbeth”…

The Young Lady (Lady Macbeth)
Un film de William Oldroyd et Alice Birch
D’après l’œuvre de Nikolaï Leskov: Lady Macbeth of Mtsensk
Avec Florence Pugh, Cosmo Jarvis, Naomi Ackie, Paul Hilton, Christopher Fairbank, Fleur Houdijk, Golda Rosheuvel, David Kirkbride, Rebecca Manley, Anton Palmer.
Royaume-Uni – 88 minutes 

Sortie Nationale: le 12 avril 2017

Photos: © KMBO

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.