Orelsan reprend les rênes de la « Civilisation » musicale. Un rappeur en pleine vitesse avec « La fuite en avant ». Le marathon mental semé d’obstacles et émotions contradictoires d’un papa chanteur naissant biberonné à l’humour et aux punchlines imagées mordantes. Chronique musicale.

Une (re)naissance
Hier encore alcool et jeux vidéos le tenaient éveillé tardivement. Mais les nuits blanches d’Orelsan sont à présent rythmées de changements de couche, biberons et berceuses. Un nouveau jour pour ce papa chanteur venant de donner naissance à son cinquième bébé musical. Un album né durant la grossesse de sa compagne, sonnant l’heure de sa crise de quarantaine. Un entre-deux émotions à coeur ouvert reflétant son rapport à la célébrité ainsi qu’à la paternité. « Tu l’as voulu, tu l’as eu, maintenant, assume » se regarde-t-il dans le miroir jouant d’un double sens sur l’introductif « Le pacte ». Une chanson explicite mettant en UNE « La presse, les couvertures, qu’on t’arrête dans la rue, Les photos dégueulasses à ton insu » en coulisses de sa vie sous le feu des projecteurs. « J’imaginais que j’serais un grand chanteur, Que j’aurais les cheveux longs, que j’serais sur scène, Ce qui est fou c’est que c’est arrivé, Et encore plus fou, C’est que ça me fait plus rien » salue-t-il ses milliers de fans. Un rappeur demeurant l’un des plus gros vendeurs de disques qui ne semble « Plus rien » avoir à gagner. Préférant reprendre « La fuite en avant » loin de la scène mais plus près de sa famille. « Goodbye, adieu mon pays, merci, goodbye, J’ai un enfant à élever, j’peux plus faire du surplace » s’évade-t-il « Ailleurs ». Un papa chanteur dont ce rôle naissant fait forcément palpiter cette auto-analyse à coeur ouvert. « J’regarde son vente et j’me rappelle que c’est un mini-miracle » s’émeut-il en souvenir de ces neuf mois passés à « Deux et demi ». Thématique couvée également dans le touchant « Dans quelques mois ». Chanson intime dans laquelle l’artiste se confie sur ses inquiétudes. « J’ai purement et simplement peur d’être père, Il arrive bientôt, j’serai jamais prêt » avoue-t-il. Un homme plus que jamais aux petits soins pour sa « Boss ». « Quand elle a une idée, rien n’l’arrête, Moi, j’marrête avant d’avoir une idée » ironise-t-il au sujet de sa compagne autour d’une liste de clichés sexistes inversés.

Accouchement de névroses
Un rappeur berçant à la fois son fils et « Les monstres » cachés sous son lit ou plutôt hurlant dans sa tête « J’vois les ombres, j’les entends, D’puis petit, jusqu’à maintenant » couche-t-il de sa plume mitraillante. Avant de réveiller « Encore une fois » l’ancien lui qui trinquait à ses névroses avec « La tise, les clopes, la weed, les potes, les joints ». « J’suis comme Sukuna, j’attends un faux pas » met-il en lumière ses idées noires dans la peau d’un personnage de manga. Un passionné de culture asiatique multipliant les clins d’oeil. Jusqu’à même partager son micro avec le groupe de K-pop FIFTY FIFTY sur le psychédélique « Oulalalala ». Un caennais décollant au oays du « Soleil levant » dans la ville d’« Osaka » à bord d’un rap pur et dur. « Au Japon, tout l’monde m’appelle Orelsan-san, j’suis leur aniki, leur sensei, leur senpai, Au Japon, tout l’monde m’appelle Orelsan-san, j’continue d’level up pendant qu’tu level down » répond-t-il à ses haters. Une star d’« Internet » surfant entre deux vidéos insolites et spams, sur les réseaux sociaux où il est suivi par « Tellement d’amis » virtuels. Un rappeur dont « La petite voix » dans sa tête demeure son principal ennemi. « Tu fais d’la musique de donneur de l’çons comme ton papa prof’, Tu fais d’la musique pour les enfants, pour les ménagères, Tu fais d’la musique pour mettre des Victoires sur tes étagères » auto-clashe-t-il Aurélien Cotentin de son vrai nom. Un monologue intérieur entre cynisme et crise identitaire jouant à fond la carte de la provoc’. « Ouais, tu vas faire couler ta ville comme les Mbappé » tacle-t-il la star du foot qui lui a depuis publiquement renvoyé la pareille. Avant d’enfiler son maillot de « SAMA ». Un double maléfique aux super pouvoirs de critiques et fatigue mentale, attaquant la société mais aussi ses vieux démons. Propre enfer qu’il parvient à mettre KO en fin de partie. « Si j’peux pas changer les choses, j’peux changer comment j’les vois » renaît-il en pleine « Epiphanie » couronné par la naissance de son fils. « Enseigner, c’est apprendre, l’avenir c’est aller d’l’avant » retourne-t-il au tableau grandi par les problèmes et leçons de la vie. « Le monde, c’est c’que t’en fais (try hard), Deviens meilleur » fend-il une dernière fois l’armure (« Yoroï ») face à son reflet plus lumineux que jamais.
L’info + : L’album « La fuite en avant » est pensé en miroir à « Yoroï », dernier film d’Orelsan dont la bande son est composé de plusieurs extraits du disque. Si côté charts, Orelsan totalise déjà 6,4 millions d’écoutes en streaming en France sur Spotify (plus gros score de l’année) et plus de 40 000 exemplaires vendus soit l’un des meilleurs démarrages de l’année, son long métrage actuellement au cinéma peine lui à fédérer les spectateurs.
DROUIN ALICIA





