Retour sur le Salon Drawing Now 2025

Pour sa 18e édition parisienne, le salon Drawing Now s’est déroulé au sein de la vaste halle du Carreau du Temple. Spécialisé dans le dessin d’art contemporain, il a accueilli plus de soixante-dix galeries et mis en avant une foule de jeunes talents.

En toute subjectivité, je vous propose ma sélection :

Alireza Shojaian : une sensualité mystique

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Alireza Shojaian est un artiste d’une douceur infinie tant au niveau de sa personne que de son art. Iranien d’origine, il a dû s’exiler au Liban car le régime des Mollahs considérait que ses dessins mettant en avant son homosexualité étaient des actes criminels pour le pays. Alireza Shojaian vit à présent en France où il a obtenu l’asile politique. Ses œuvres ont participé à l’exposition Habibi de l’Institut du Monde Arabe et elles font actuellement l’objet d’une grande rétrospective à la Galerie Bendana Pinel.

Son approche du corps masculin est très intéressante car elle fait fusionner une technique académique, un attachement à la tradition persane et une véritable quête de liberté. Les nus d’Alireza présentent en effet un trait classique et réaliste qui contrastent avec la sensualité moyen-orientale qui s’en dégage. Qu’il s’agisse d’imposants lutteurs ou de jeunes éphèbes, Alireza mélange des corps musclés et des gestes doux, accorde des fleurs à des torses virils et fait ressortir la part de féminité de ses modèles à la peau halée.

shojaian-alireza-gopikianDu bout de ses crayons, cet artiste prône aujourd’hui son activisme envers le mouvement Queer et va à l’encontre de toutes les normes iraniennes prêchées par la République Islamiste d’Iran. Il reste néanmoins très attaché à ses racines car il ponctue ses panneaux de bois de lutteurs Zourkhaneh et de petits personnages allégoriques issus du Livre des Rois (Le Shâhnâmeh), l’ouvrage le plus célèbre de la littérature persane !

Fabien Mérelle fait fusionner l’homme et la nature

merelleLes Galeries Wilde et Lara Sedbon ont misé sur une valeur sure et plus que talentueuse : Fabien Mérelle. Cet artiste plasticien a étudié aux ateliers de Sèvres, à l’Académie des Beaux-Arts de Xian et il a été diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2006.

Adepte du noir et blanc, ses dessins font fusionner précision chinoise et liberté occidentaliste dans une maitrise extraordinaire de l’encre et du souffle.

fabien-merelle-syma-news-gopikian-yeremianA travers des thématiques oniriques et imaginaires, Fabien Mérelle crée des paysages où des parcelles de nature se mêlent à la figure humaine. De son trait méticuleux et incisif, il fait naitre des dialogues fantaisistes entre un homme endormi sur une gigantesque feuille de figuier ou de petits êtres se blottissant au creux d’un arbre.

Son art fait penser à de très belles planches de botanique ornées de personnages solitaires racontant de mystérieuses histoires. Il en va ainsi également de ses dessins d’oiseaux agrémentés d’aquarelle où l’on voit des enfants posés sur les ailes d’une pie ou d’une hirondelle. Un travail splendide, d’une minutie anatomique qui repositionne l’humain face à la grandeur des éléments

Robin Wen : le grand maitre du BIC

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La galerie Wilde ainsi que la Galerie C présentent un autre artiste fort talentueux originaire de Taiwan : Robin Wen. Maitre incontesté du stylo bille, il expose une vingtaine de petits formats aux teintes azur déclinant des figures anonymes croquées de dos. Aucun de ces personnages ne montre son visage mais tous s’embrassent, s’enlacent et débordent d’une effervescence amoureuse où les corps se confondent dans des dégradés de bleu.

robin-wen-syma-gopikian-yeremianLa technique graphique de Robin Wen est exceptionnelle : avec un outil aussi banal qu’un stylo monochrome, on se demande comment ce dessinateur peut atteindre un tel réalisme ! Qu’il s’agisse d’épiderme, de tissus ou de chevelure, tout se meut et ondule sur ses feuillets grâce à un travail de hachures auquel il insuffle de surcroit une verve poétique. A n’en pas douter, Robin Wen confère définitivement au Bic ses lettres de noblesse !

Edi Dubien : une délicatesse si mystérieuse

Edi Dubien - SYMA - Florence Gopikian yeremian -dessin art nowEdi Dubien n’est plus à présenter. En 2022, son travail était exposé à Art Paris ainsi qu’à la Design Week de la Louisiane. Il est aujourd’hui en haut de l’affiche du Musée de la Chasse où ses œuvres dialoguent avec les collections nationales jusqu’au 4 mai.

La Galerie Alain Gutharc qui accompagne son parcours a choisi de mettre en lumière une poignante série de portraits masculins évoluant autour d’une superbe figure d’ange déchu.

Edi Dubien - SYMA - Florence Gopikian yeremian -dessin art nowRéalisés à l’encre et au crayon, ces dessins diffusent une délicatesse grave et infinie ponctuée de fines coulures et de papillons colorés qui contrastent avec la noirceur introspective des visages représentés.

Parmi ces éphèbes aux yeux bleutés et aux lèvres ourlées se distingue un singulier profil de jeune garçon dont la sombre chevelure se confond avec le plumage d’un corbeau noir.

Les portraits chimériques de Sophie Kuijken

sophie-kuijken-syma-news-gopikian-yeremianLa Galerie bruxelloise Nathalie Obadia présente un portrait confondant de l’artiste belge Sophie Kuijken qui conjugue technique académique, composition ludique et questionnement identitaire. Réalisée sur une plaque de plâtre apprêtée de craie et de caséine, cette œuvre androgyne révèle un être au visage de femme et au corps d’homme dont les deux parties sont liées par un cou longiligne digne des tribus Padaung

L’ensemble est aussi beau qu’ambigu et nous plonge dans une atmosphère silencieuse accentuée par un vernis qui matifie la toile et laisse ressortir une maitrise étonnante de crayon et pointe de métal.

Une exposition personnelle de Sophie Kuijken doit se tenir cet automne au Centre d’Art Contemporain de la Matmut à Rouen. On a hâte de voir son travail !

Les assemblages baroques de Susanna Inglada

susanna-inglada-gopikian-symaLa lauréate de l’édition 2025 de Drawing Now est une artiste espagnole à l’esprit baroque. Mise en avant par la Galerie Maurits van de Laar et installée aux Pays-Bas, Susanna Inglada propose un art monumental dont les compositions évoquent souvent des installations théâtrales.

Éclectique et engagé, son travail analyse et déploie sur divers supports les abus de pouvoir, l’injustice ou la violence entre les sexes.

susanna-inglada-gopikian-symaPour ce faire, Susanna Inglada possède un langage visuel très narratif où elle découpe, colle et assemble de multiples personnages. Dessinées au fusain et à l’acrylique, ces figures mouvantes aux membres enchevêtrés semblent à la fois lutter et dialoguer dans des scènes proches de la dramaturgie expressionniste

Violaine Lochu : une artiste vocalo-picturale !

Parmi les “lives” du Salon, saluons la performance de Violaine Lochu qui a conçu une œuvre à la fois vocale et picturale devant les visiteurs de Drawing Now : les yeux fermés et le dos collé à sa toile, elle a tracé et superposé des lignes de couleurs vive tout en entonnant des mélopées quasi liturgiques. De cette messe enthousiaste et expérimentale est née une composition abstraite aussi dynamique que sa créatrice !

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Enfin, pour le plaisir des yeux et pour conclure en beauté l’édition 2028 de Drawing Now, voici l’un des dessins d’Ernest Pignon-Ernest proposé par la Galerie Lelong. Une merveille, non ?

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Florence Gopikian – Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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Drawing Now Paris

Carreau du Temple

27 au 30 mars 2025

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.