Que se passera-t-il à la fin du monde? La question est souvent posée dans l’univers des mangas, et les réponses sont assez variées. Dans Girls’ Last Tour, le mangaka Tsukumizu y va de sa propre appréciation, dans un récit épuré mais profond. Omaké Manga introduit en France partir de ce mois-ci ce joyaux caché du manga de science-fiction.

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Element-clé du voyage, l’autochenille est, de facto, un “personnage” à part entière.

Girls’ Last Tour est une odyssée, au sens propre du terme. Deux jeunes filles, Yuri et Chito, parcourent une ville désolée à bord d’un vieil autochenille. Revêtant toutes les deux un uniforme et un casque, elles ont fui une guerre qu’on devine particulièrement dévastatrice. Et pour cause, il n’y a plus personne. Les hommes ont fini par s’entre-tuer jusqu’à l’anéantissement total : l’humanité a complètement disparu, ou presque…

La philosophie post-apo

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Girls’ Last Tour est un fantastique plaidoyer pour la paix

On comprend immédiatement le message moral très fort que Tsukumizu communique ici : les deux filles errent dans un monde froid et défiguré par les destructions, le sol est jonché d’équipement militaire, il y a dix fois plus d’armes que de nourriture. Très jeunes, Yuri et Chito réfléchissent naïvement à ce concept de guerre qu’elles ne maîtrisent pas, interpellant ainsi de lecteur pour qu’il prenne du recul. Comment de telles extrémités ont-elles pu être possible?

La série commence seulement en France, mais elle est terminée au Japon. Nous avons donc pu lire l’ensemble des volumes. Ce thème de la guerre revient régulièrement, dans des pages terriblement impressionnantes où l’auteur décrit une vision effroyable de la guerre totale, ou plutôt de ce qu’elle a été. Tsukumizu projette ainsi le progrès technologique et la course aux armements dans un futur lointain, nous alertant de cette façon sur les dérives de l’humanité quand elle n’a plus que la haine et la destruction à l’esprit.

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Ce regard candide, les deux jeunes filles vont l’avoir sur une multitude de sujets qui nous concernent au quotidien. Le concept de religion et de Dieu, l’écriture, l’oubli, le vivant… Le lecteur est renvoyé aux fondements philosophiques de ces questions, que le manga amène avec beaucoup d’humour, sans manquer de faire travailler l’esprit. Girls’ Last Tour est assez paradoxal car il installe beaucoup d’humour au milieu de thèmes très graves. C’est toujours amusant de voir le duo se chamailler, Yuri faire gaffe sur gaffe et Chito toujours plongée dans ses livres. Telle une grande sœur, cette dernière essaye d’expliquer à sa partenaire (avec beaucoup de difficultés) l’importance de la culture et de la pensée humaine. Ces relations tout au long des volumes sont absolument tordantes.

Une odyssée bouleversante

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Même si Girls’ Last Tour a des qualités indéniables sur le plan comique, c’est l’émotion qui gagne le plus le lecteur au sortir des six volumes. C’est notamment le cas par les rencontres que Chito et Yuri font au cours de leur périple. Quelques êtres ont survécus au désastre, à commencer par le géographe Kanazawa et l’aviatrice Ishii. Ces deux personnages symbolisent la passion humaine dans leur acharnement à réaliser leur rêve dans un monde vidé de sens. Leur destinée assez ambiguë provoque à la fois tristesse et confiance en les capacités de l’homme. On est pas près de les oublier. Le trait de l’auteur est assez schématique, mais colle avec la froideur des lieux décrits. Les doubles pages, ahurissantes, transmettent des sentiments forts.

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Fataliste, la fin pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses

Mais ce n’est probablement pas grand chose comparé aux ultimes chapitres du manga, qui briseraient le cœur à n’importe qui. Là encore, la conclusion est laissée à l’appréciation du lecteur, ce qui pourra décevoir. Tsukumizu reste au bout du compte sur une vision pessimiste de l’histoire humaine, d’une civilisation sans issue, au sens propre comme au figuré. On relèvera tous les indices qui suggèrent un espoir, que les personnages, et donc l’humanité, aient pu trouver leur voie dans ce monde désolé. L’absence de conclusion claire dans Girls’ Last Tour met, au final, le lecteur devant sa propre foi. C’est son seul défaut, mais c’est aussi ça qui le rend unique.

Aussi complexe qu’attendrissant, Girls’ Last Tour est une véritable épopée kafkaïenne à la japonaise. Drôle, profond et au final déchirant, le mangas de Tsukumizu est un rendez-vous à ne surtout pas manquer pour les fans français en ce début d’année.

Girls Last Tour manga omake books science fiction guerre emotion tristesse militaire kawaii post apocalyptiqueGirls’ Last Tour

Editeur : Shinchôsha (Japon), Omaké Manga (France)
Genre : Science Fiction, drame
Sortie en France : 6 février 2020

Thomas Froehlicher est chroniqueur Japon & Gaming. Rédacteur pour plusieurs sites spécialisés dans le jeu vidéo, il intervient sur l'actualité vidéo-ludique depuis trois ans. Sa passion pour la culture japonaise, aussi bien classique que moderne, l'a poussé à en étudier la langue en parallèle de sa majeure en finance, puis à effectuer un semestre d'échange universitaire à Sophia University à Tokyo. Il est titulaire du Japanese Language Proficiency Test niveau 1 depuis 2012, et depuis ne jure que par les versions originales en japonais.