Ampoules à eulogie: utilisés par les pèlerins, ces petits flacons ornés de martyrs (ici, St Ménas) contenaient de l’huile sainte (Egypte – Ve-VIIe s. – ©Staatlichen Museen zu Berlin)

A l’heure des menaces terroristes et de la montée de l’islam radical, l’Institut du Monde Arabe (IMA) tempère les esprits en proposant une très belle exposition sur les Chrétiens d’Orient. Des rives de l’Euphrate à celles du Nil, il porte un regard lucide et respectueux sur la culture et l’évolution des peuples chrétiens issus du Proche et du Moyen-Orient. 

Ces moules à hostie en forme de croix et de poisson représentent les symboles secrets des premiers chrétiens. (Bronze – Ve s. © Staatlichen Museen zu Berlin)

L’exposition de l’IMA se déroule chronologiquement sur deux étages. A travers 360 oeuvres venues des quatre coins du monde, elle présente la formation des premières communautés chrétiennes, les différentes phases d’évangélisation, les querelles théologiques, la conquête musulmane puis elle s’achève sur un questionnement essentiel concernant la préservation de ce patrimoine face aux persécutions et à l’exil forcé que subissent actuellement ces populations ancestrales.

(Gauche) Enluminé par Sargis Pidzak, ce manuscrit arménien provient du Monastère de Lazare (Taron, 1312). Il appartient au ©Patriarcat de Jérusalem et a été rapporté en Terre Sainte par des pèlerins de Cilicie
(Droite) Dédicacés à la Reine Mariun et à sa fille, ces évangiles rendent compte d’un très bel art de cour arménien (Sargis Pidzak – Sis – 1346 – ©Patriarcat de Jérusalem)

Deux mille ans de christianisme sont donc mis en lumière via les territoires du Liban, de la Syrie, de l’Egypte, de l’Irak ou de la Palestine.
Parmi les pièces majeures de l’exposition, ne ratez pas les petits portrait coptes, les icônes de l’école d’Alep ainsi que les émouvantes fresques de Doura-Europos (Syrie) qui datent de 232 et font partie des premières images chrétiennes. Contemplez également le codex Sinopensis du VIe siècle écrit à l’encre d’or, l’évangéliaire de Rhabilla qui est l’un des plus anciens manuscrits syriaques à peintures, et pour la période médiévale prenez le temps de vénérer la grande Vierge à l’Enfant prétée par le Musée national de Beyrouth. Concernant l’époque tardive, ne passez pas à côté du rideau d’autel provenant de la chapelle St Thoros de Jérusalem : sa décoration florale est digne d’une tapisserie mille-fleurs de la Renaissance !

Ce rideau d’autel représentant St Théodore a été cousu en 1798 à Madras (Inde). Son ornementation florale évoque les tentures mille-fleurs et fait songer à un précis de botanique car chacune des plantes représentées est accompagnée de son nom brodé en arménien.

Toutes ces pièces traduisent magistralement la contribution des peuples chrétiens à la construction économique et culturelle du monde arabe.

(Gauche) Avec la conquête arabe apparaissent des objets chrétiens « arabisés ». Ce folio représente St Jean Baptiste en turban donnant le baptême sur fond de motifs floraux islamiques (Evangile Syriaque – Irak – XVe s. – ©British Library – Londres)
(Droite) Cet évangile du XVIe siècle combine l’arabe et le latin. Il a été imprimé par l’église de Rome qui souhaitait maintenir la liturgie et la foi chrétienne en Orient (©Couvent St Sauveur de Joun – Liban)

Jusqu’au XIIIe siècle, les églises orientales connurent en effet une vie florissante tant d’un point de vue religieux qu’intellectuel jusqu’à ce que des discriminations apparaissent. Suivirent alors des conversions forcées et des persécutions qui aboutirent au XIXe siècle au déclin de l’Empire Ottoman. Survinrent ensuite les tristes massacres de communautés chrétiennes assyriennes et syriaques ainsi que le Génocide des Arméniens que l’exposition a le mérite d’évoquer en images.

L’exposition de l’IMA met en avant le Génocide des Arméniens à travers les clichés de réfugiés et d’orphelins de Port-Saïd (Photos Père R. Savignac – Mars 2016 – Egypte- ©Ecole biblique de Jérusalem)

A l’heure où les chrétiens d’Irak et de Syrie subissent les menaces barbares de l’EI, ce très bel accrochage leur rend hommage en soulignant l’ancrage et l’influence plurielle de ces nobles communautés dans le monde arabe. Par delà son aspect socio-culturel, ce voyage en Orient va aussi vous permettre de réviser vos connaissances sur les églises chrétiennes et leurs liturgies : entre les Nestoriens, les Melkites, les Maronites, les Coptes, les Jacobites et l’Eglise arménienne apostolique vous risquez d’y perdre votre latin, voire votre araméen !

Chrétiens d’Orient – 2000 ans d’histoire
Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés Saint Bernard – Paris 5e

Jusqu’au 14 janvier 2018
Mardi – Vendredi : 10h-18h
Samedi-Dimanche : 10h-19h

 

 

www.imarabe.org

Photos : @Florence Yérémian

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.