Peu de gens savent que Camille Pissarro est né aux Antilles et qu’il y a vécu près de vingt cinq ans. Cela pourrait pourtant expliquer sa maîtrise innée de la lumière et des couleurs que l’on retrouve sur l’ensemble de ses toiles. Qu’il s’agisse d’un clocher, d’une ferme ou d’une scène de cueillette, les œuvres de ce peintre possèdent en effet une palette rayonnante et une incroyable vibration.

Coin du pré à Éragny – Huile sur toile – 1902 – Tate Britain Gallery of London

Pour vous en convaincre, le Musée du Luxembourg a rassemblé une centaine d’aquarelles et de tableaux au sein d’une exposition retraçant le séjour de Pissarro à Éragny. C’est au sein de ce minuscule village vexinois que l’artiste a passé les dernières années de sa vie accompagné de sa femme et de ses huit enfants.

Paysanne faisant du feu – Huile sur toile – 1888 – Musée d’Orsay – Paris

Installé dans la “Maison Delafolie” mais adepte de la peinture en plein air, Pissarro a su capter l’univers rural d’Éragny avec ses paysans, ses vergers et ses panoramas verdoyants. Qu’il s’agisse des près fleuris ou des plaines alentour, il a traduit l’atmosphère chaude et ondoyante de ces terres fertiles et mis en avant les travaux des champs : moissonneurs, faneuses ou faucheurs, tous sont mis à l’honneur sur ses huiles mais aussi à travers ses études au crayon et à l’encre de Chine.

Sarcleuses dans un champ – Etude encre et crayon – 1894 – Ashmolean Museum d’Oxford

Adepte du pointillisme à la Seurat, Camille Pissarro a opté pour une touche plus lyrique que son acolyte et il l’a progressivement fait évoluer vers une variante sensible et personnelle du néo-impressionnisme. Fidèle à la devise anarchiste dont il se revendique, il a appris a dessiner “sans Dieu ni maître”, cherchant des effets de lumières à travers les lavis et pratiquant la technique des séries pour moduler librement sa gamme chromatique et ses tonalités.

Fenaison à Éragny – Huile sur toile – 1893 – The Israel Museum of Jerusalem

Lorsque l’on s’attarde sur les noces campagnardes et les vues bucoliques de Pissarro, l’on voit très nettement que le peintre laisse la nature et les paysans se confondre sans aucune hiérarchie. Tout y est simple, calme et évident. Au fil de cette douce promenade artistique, le visiteur ressent d’ailleurs une impression de recueillement avec la nature et le rythme des saisons. Il ressort de l’exposition apaisé avec le sentiment d’avoir contemplé les images d’une modeste fresque sociale reflétant l’utopie d’un homme emprunt d’égalité et de liberté.

L’escalier, coin de jardin à Éragny – Huile sur toile – 1897 – Ordrupgaard Museum du Danemark

Pissarro à Éragny : La nature retrouvée
Musée du Luxembourg

19 rue de Vaugirard – Paris 6e
Jusqu’au 9 juillet 2017
Ouvert de 10h30 à 18h du lundi au jeudi
et de 10h30 à 19h30 du vendredi au dimanche
http://museeduluxembourg.fr

Soleil couchant, automne à Éragny – Huile sur toile – 1886 – Collection Suzanne S. Dixon
Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.