Neuf ans que le public espérait revoir la baguette magique de Stromae s’agiter. Un faiseur de tubes réactivant sa potion enchanteresse parvenant à faire bouger les foules sur des textes sombres criant de vérité. Un maestro de l’interprétation jouant d’une «Multitude» d’influences musicales, et thèmes sur ce troisième album personnel élargit de divers points de vue sur l’humanité. Chronique musicale.

Stromae - Multitude - L'enfer -

Le premier disque du reste de sa vie

Une « Multitude » de Stromae pour le prix d’un. À commencer par cinq doubles en ronde sur la pochette de l’album, en tenue traditionnelle folklorique. « Folklore » un titre qui a longuement fait de l’oeil au chanteur adepte des sonorités et instruments d’ici et d’ailleurs. Et c’est avec les choeurs ambiance africaine d’« Invaincu » qu’il commence à refléter différents profils du miroir de la société. Un premier hit coup de poing avec pour adversaires maladie et déprime. Un boxeur debout sur le ring de l’existence filant un crochet du droit à son combat contre le burn-out remporté depuis. Une ode à la vie motivante musclée. « Gauche, droite, droite, gauche, front kick, balayette et penalty» tonne-t-il à la manière d’un cri de guerre. Un champion libéré de « L’enfer » de ses pensées suicidaires tentant d’extérioriser aussi les idées moroses des autres. Trinquant désormais en parfaite « Santé » avec les laissés pour compte de la société le verre à moitié plein sur le tout premier tube de cette ère. Un hymne électro dansant mettant en lumière les héros du quotidien à leur juste valeur. Des invisibles et personnages divers à qui il cède la parole sous divers costumes. Un porte-parole se mettant dans la peau d’un « Fils de joie » témoignant des moqueries dont il est victime, mais aussi du mépris et manque de considération à l’égard de sa mère travailleuse du sexe surnommée la «Putain». Un titre percutant faisant écho à un témoignage captivant qu’il a entendu dans l’émission « ça commence aujourd’hui ». Avec classe, l’artiste fond son interprétation au milieu de clavecin, violon et cordes. Brouillant la piste en alternant les casquettes de regards extérieurs arrogants et femme courage. Une dualité qui n’a jamais effrayé ce mi-homme/-mi-femme dans « Tous les mêmes » aimant jouer des stéréotypes des genres. Un maestro s’emparant cette fois de son micro pour faire une « Déclaration » sur le thème du féminisme. « Toujours obligée d’aimer enfanter, La contraception qui te détruit la santé, Endométriose, enchantée » liste-t-il avant de viser dans le mille les misogynes de petits tacles subtils. Un jeune papa n’hésitant pas à mettre la main à la couche. Faisant référence dans un rythme exotique à son plus beau rôle dont on dit trop souvent « C’est que du bonheur». « J’t’ai donné la vie, toi t’as sauvé la mienne, S’tu savais comme je t’aime » adresse-t-il tendrement à son fils avant de dépeindre d’une ironie mordante son nouveau quotidien où « Y a les couches et les odeurs, les vomis, les cacas et puis tout l’reste ». Un franc-parler volontairement direct glissant élégamment dans la bouche de Stromae.

Stromae - Multitude - Santé -

Défilé de profils

Un papa farceur se transformant en goujat assumé usant de fausses excuses auprès de celle qu’il surnomme « Mon amour » pour justifier son infidélité. Un beau parleur comme on en a tous dans notre entourage, « Pas vraiment » à l’aise avec les histoires qui finissent mal ni celles qui durent seulement en apparence. Un séducteur prêt à tout pour mettre un terme à la solitude du célibat mais contre la lassitude de la routine. Un paradoxe d’éternel insatisfait dont se joue le chanteur sur « La solassitude » un mot inventé fusionné qui pourrait comme la « positive attitude » de Lorie s’imposer en tant que nouvelle expression à la mode. Dans une même ambiance sonore asiatique « Riez » menée par des accords d’erhu, instrument à cordes ancestral chinois. Une élégante complainte sur laquelle Stromae enfile son costard d’individus aux rêves de gloire et de fortune. Une ascension qui peut brûler les ailes que Paul Van Haver ne veut plus aussi fulgurante. Chassant chaque « Mauvaise journée » d’ennui et d’idées noires de son esprit. Une chanson sur la dépression co-écrite par Orelsan à l’origine aussi de « Bonne journée » résonnant sous forme de réponse. Deux chansons miroirs dont les parties pessimistes et enjouées s’équilibrent. Terminant par une « danse de la joie » ce disque aidant à redémarrer sa vie du bon pied.

DROUIN ALICIA